Les deux partis ont étalé au grand jour leurs divergences longtemps couvées. Les débats autour de la déclaration de politique générale du gouvernement, au niveau de l'Assemblée populaire nationale, ont pris, hier, une autre tournure. Après les critiques acerbes prononcées, dimanche, par le député du FLN, M.Abbas Mekhalif, le RND, par la voix de son député et ancien ministre des Finances, M.Abdelkrim Harchaoui, a décidé de riposter avec autant de virulence dans le discours. «Nous félicitons le peuple algérien des réalisations enregistrées ces dernières années. J'espère seulement que la classe politique est consciente des enjeux du développement», précise M.Harchaoui. Le reste du message était exclusivement adressé aux députés du FLN qui ont applaudi, la veille, l'ancien chef du groupe parlementaire de ce parti. «L'Algérie, a-t-il dit, a plus besoin d'une classe politique forte de ses idées et de son éthique que de députés qui changent de principes et de positions, tout dépend de leurs postes et intérêts.» «Dans cette salle, ajoute-t-il, l'on constate que les mêmes personnes ayant soutenu et applaudi autrefois les reformes, s'acharnent, aujourd'hui, contre le bilan du gouvernement.» S'adressant à ces derniers, Harchaoui s'interroge : «Qu'avez-vous fait pour le développement de l'Algérie? Quelle est votre contribution pour réaliser la relance de notre économie?» L'ex-ministre a qualifié les députés du FLN d'«opportunistes». «C'est vrai, ajoute-t-il, qu'il faut lutter en Algérie contre la pauvreté, mais il sera plus intéressant pour tout le monde de s'attaquer à la pauvreté de l'esprit.» A la fin de son intervention, Harchaoui était vivement applaudi par les députés du RND. Du côté du FLN, c'est l'état d'alerte. Nombre de ses députés, guidés par MM. Mékhalif et Bouguetaya, se sont retirés pour se concerter. Ces derniers ont chargé M.Mohamed Nadjib Aïssat de répondre à ce qu'ils ont qualifié de «provocations». Mohamed Aïssat a reconnu qu'il a été forcé de réviser son intervention à la dernière minute. «Les députés du FLN ne sont pas des mercenaires politiques», lance-t-il. Loin de toute démagogie et de tout opportunisme, l'on constate que le bilan du gouvernement est loin de refléter la réalité que vivent chaque jour les citoyens. «La réconciliation nationale, ajoute-t-il, doit commencer par le rétablissement de l'Etat de droit et le partage équitable des richesses du pays.» Avant de conclure: «Il y des moments où il vaudrait mieux se taire au lieu d'accuser les gens à tort et sans aucun appui valable.» Au vue des ces interventions, il semble que rien ne va plus entre les deux partis de l'Alliance. Le FLN et le RND ont profité de la présentation de la déclaration de politique générale pour étaler au grand jour leurs divergences longtemps couvées, même si l'on s'efforce à classer ces interventions dans le cadre de la «pratique démocratique». En effet, interrogé par nos soins, M.Bouguetaya a estimé que les critiques formulées sur le bilan du gouvernement «ne sont pas destinées contre le RND ou son secrétaire général. Mais notre rôle d'élus nous oblige à exprimer les préoccupations du peuple». Plus incisif, M.Mekhalif estime que «notre appartenance à l'Alliance ne doit pas faire de nous une caisse d'enregistrement. Chaque parti est libre d'exprimer ses opinions. C'est ce que nous avons fait durant ces deux jours». Du côté du RND, c'est le même discours prôné. Le chef du groupe parlementaire, M. Miloud Chorfi, a tenté de dédramatiser la situation : «Il n'y a aucune crise au sein de l'Alliance, le gouvernement est ouvert à toutes les critiques.» Cette guerre annoncée entre le RND et le FLN n'a pas laissé indifférentes les autres formations siégeant à l'APN, lesquelles se sont montrées critiques, affirmant en bloc «que ni le moment ni l'endroit ne permettent ce genre de lutte partisane». Ces luttes se sont paradoxalement dissipées, quand les chefs des deux groupes parlementaires ont pris la parole. Du côté du FLN, nous avons eu droit à un discours complètement différent de celui prononcé, ces deux derniers jours. Et pourtant, quelques minutes avant son intervention, M. Daâdoua nous a confirmé que «son discours conciliera les deux tendances au sein du FLN». A défaut de critiquer le gouvernement, Daâdoua s'est contenté de poser des questions à Ouyahia. Des interrogations qui ont évité de s'aventurer dans les sujets politiques. Quel remède pour l'industrie nationale? Comment pallier les défaillances graves enregistrées au niveau de l'éducation nationale? Le chef du groupe parlementaire du FLN s'est permis, néanmoins, une critique sur la Télévision nationale. Aucun mot sur la réconciliation nationale, encore moins sur les privatisations. Par ailleurs, ce dernier a exprimé sa satisfaction sur la politique extérieure de l'Algérie. Pour sa part, Miloud Chorfi a fait un constat positif sur le bilan du gouvernement. Notons qu'Ouyahia répondra, cet après-midi, aux interventions des députés.