Dans leur intervention, les députés du FLN, inscrits en grand nombre, ont mis en doute les chiffres avancés par l'Exécutif. Ces chiffres sont qualifiés d'“imaginaires” et “ne reflètent pas la réalité du quotidien des Algériens”, selon les parlementaires de l'ex-parti unique. Les débats autour de la déclaration de politique générale du Chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, à l'Assemblée populaire nationale (APN) ont été marqués hier à leur premier jour par des critiques acerbes des députés FLN. Inscrits en grand nombre, une centaine environ, les parlementaires du parti de la majorité n'ont pas manqué de cibler de façon virulente le bilan du gouvernement Ouyahia dans ses moindres détails. L'intervention de Abass Mekhalif, l'ancien président du groupe parlementaire du FLN, ainsi que celle de Noureddine Benzaïm, le président de la commission de défense, ont été très remarquées à cet égard. Dès l'entame de son allocution, Abass Mekhalif n'a pas manqué d'interpeller le Chef du gouvernement sur les chiffres qu'il a présentés hier. “Il existe un décalage criant et une contradiction évidente entre les déclarations, les réalisations et la réalité que vivent les Algériens”, a-t-il indiqué. Aux yeux de Mekhalif, “c'est la politique de fuite en avant et du surf sur les réalités que celle de présenter des chiffres qui ne traduisent en fait qu'un mépris envers les institutions (APN), dont le rôle constitutionnel est le contrôle de l'Exécutif”. Lui emboîtant le pas, Noureddine Benzaïm a relevé de son côté “la contradiction des chiffres du gouvernement, qui ne sont jamais les mêmes”. À chaque fois, dit-t-il, “il y a de nouveaux chiffres présentés par ce même gouvernement, comme c'est d'ailleurs le cas pour le taux de chômage qui change à chaque fois, et qui ne sont pas les mêmes que ceux présentés par l'Office national des statistiques (ONS) et le Conseil national économique et social (Cnes)”. Pour Noureddine Benzaïm, député FLN, “ces chiffres sont imaginaires et ne reflètent aucunement la réalité du quotidien des citoyens”. Appuyant ses dires, Mekhalif indiquera que ces chiffres du gouvernement sur l'amélioration de la croissance économique “nous sont donnés au moment où le peuple s'enlise dans la pauvreté, des cadres vivent dans la rue, des familles ne trouvent pas de quoi se nourrir et des multiples mouvements de grève sont déclenchés partout”. Abordant la politique gouvernementale en matière de privatisation, le président de la commission de défense a critiqué “le gré à gré utilisé pour vendre les entreprises”. De l'avis du député du parti de Abdelaziz Belkhadem, “le procédé de privatisation via le gré à gré sans passage par la Bourse des valeurs va encourager le blanchiment d'argent”. “Dites-nous donc qui va profiter de la privatisation de ces entreprises ?” s'est interrogé Mekhalif. Critiquant l'exercice démocratique et la situation de la liberté d'expression en Algérie, Abass Mekhalif n'a pas manqué de dénoncer “les pressions et les menaces subies par les journalistes, le rétrécissement des espaces de liberté, le règne de la minorité sur la majorité et la réduction du pluralisme”. Pour l'intervenant, “c'est le retour à la vision unique dans tous les domaines”. C'est également ce que dira Benzaïm en évoquant les libertés syndicales. “Le système actuel tel que nous le vivons consacre la politique du syndicat unique avec la non-reconnaissance des syndicats autonomes”, dira-t-il tout en interpellant Ouyahia : “Comment cela est-il possible alors que la Constitution consacre la pluralité syndicale ?” L'autre sujet qui a suscité les commentaires des députés du FLN est la situation des élus locaux. S'adressant directement au Chef du gouvernement, Benzaïm l'a interpellé : “Je vous demande de dire aux citoyens que c'est vous en personne qui aviez dépouillé les élus locaux de leurs prérogatives à travers un décret exécutif en contradiction avec le code communal et de wilaya.” “Votre initiative qui n'est rien d'autre qu'une manœuvre politique, dont les visées ne sont un secret pour personne, empêche les élus de répondre aux doléances des citoyens”, dira encore Benzaïm qui ne manquera pas de lancer une autre question à Ouyahia : “Pourquoi n'avez-vous pas fait de même lorsque le RND avait la majorité à l'APN ?” Cette déclaration lui a valu une forte ovation du côté du FLN, tandis qu'au RND les députés frappaient sur les tables. Au chapitre du dialogue gouvernement-arch, Benzaïm demandera à Ouyahia de mettre au courant “les députés du contenu de cet accord en leur qualité d'élus du peuple”. Les députés des deux autres partis de l'alliance présidentielle n'ont pas abordé les sujets qui fâchent à l'instar du FLN. Si le MSP s'est essentiellement focalisé sur la suppression de la discipline des sciences islamiques du cycle secondaire, le RND, pour sa part, n'a rien trouvé à redire sur la politique gouvernementale. Côté PT, il a été question de critiquer “la tendance à l'augmentation des prix des produits de base sans augmentation des salaires”. C'est ce qu'a affirmé Djelloul Djoudi, le président du groupe parlementaire du PT. Démentant les propos de Ouyahia selon lesquels il n'y a pas de journalistes en prison, Djoudi arguera que “l'article 144 et 144 bis du code pénal prévoyant la prison aux journalistes est tel une épée de Damoclès au-dessus d'eux”. NADIA MELLAL