De gros moyens pour des résultats modestes Prenant prétexte de ces efforts, le président français a vivement pressé ses pairs africains de prouver concrètement, avec leurs armées et dans le respect des conventions humanitaires, leur aptitude à faire du G5 Sahel une force de frappe réellement efficace... En se rendant à Bamako pour la deuxième fois en un peu plus d'un mois depuis son élection en mai dernier, le président français Emmanuel Macron a promis, hier, à Bamako une aide financière et militaire à la force nouvellement créée du «G5 Sahel» tout en mettant l'accent sur la nécessité d'une meilleure efficacité de la lutte contre les groupes terroristes dans la région.La France fournira 70 véhicules tactiques ainsi qu' un appui opérationnel, a-t-il également annoncé lors de l'ouverture du sommet du «G5 Sahel», dont il est l'invité d'honneur, aux côtés de Ibrahim Boubacar Keïta (Mali), Idriss Déby Itno (Tchad) Mohamed Ould Abdelaziz (Mauritanie), Roch Marc Christian Kaboré (Burkina Faso) et Mahamadou Issoufou (Niger). «Sur le volet militaire, c'est un effort équivalent à plus de 8 millions d'euros que nous consacrons d'ici la fin de l'année» à ce projet, qualifié d'»alliance pour le Sahel», a précisé M. Macron, saluant «une dynamique, un mouvement de fond que la France est fière d'accompagner»et anticipant sur un possible engagement commun franco-allemand au profit de cette coalition sahélienne. Prenant prétexte de ces efforts, le président français a vivement pressé ses pairs africains de prouver concrètement, avec leurs armées et dans le respect des conventions humanitaires, leur aptitude à faire du G5 Sahel une force de frappe réellement efficace. Ce qui laisse sous-entendre que, jusque-là, ce n'est pas du tout le cas et que la France manifeste, fort diplomatiquement pour l'instant, un mécontentement grandissant envers ses «partenaires». Déployée dans un premier temps aux confins du Mali, du Burkina Faso et du Niger, la force du G5 va s'ajouter à l'opération française Barkhane qui combat les extrémistes dans le Sahel ainsi qu' à la Mission de l'ONU au Mali (Minusma), souvent en butte à des attaques terroristes. L'idée d'une force régionale, conduite par la France un peu à l'instar de la coalition internationale pilotée par les Etats-Unis en Irak et en Syrie, fut ressortie des cartons le 6 février dernier, lors d'un sommet à Bamako. Le G5 Sahel doit démarrer théoriquement avec quelque 5000 hommes fournis par les cinq pays. 50 millions d'euros ont d'ores et déjà été promis par l'Union européenne (UE) sur les 450 millions nécessaires au financement de l'opération chiffrée par le ministre malien des Affaires étrangères Abdoulaye Diop. La France envisage d'organiser une Conférence de donateurs au cours des prochains mois et promet, à travers l'Agence française de développement (AFD) de débloquer «200 millions sur 5 ans» spécifiquement pour le Sahel. Des experts considèrent, cependant, que ces sommes sont nettement insuffisantes par rapport aux besoins réels et aux objectifs de la mission dans le Sahel. On sait que le Conseil de sécurité de l'ONU s'est limité à saluer la création du G5 sans pour autant lui accorder un quelconque mandat, ce qui aurait eu des implications financières fortement espérées par Paris. Les membres du Conseil de sécurité ont, de ce fait, manifesté un certain pessimisme quant à l'efficience du dispositif dans une région fortement contaminée par les fauteurs de troubles, qu'il s'agisse des groupes terroristes ou des contrebandiers en tout genre, les uns et les autres travaillant de concert dans bien des cas. Conscient des aléas de la manoeuvre, le président français Emmanuel Macron a pressé les dirigeants maliens de procéder au plus vite à la mise en oeuvre de l'accord de paix, à travers notamment le redéploiement de l'Etat sur l'ensemble du territoire et le recours à la décentralisation. «Nous avons chaque jour à affronter des terroristes, des voyous, des assassins», a affirmé le président français. Mais ils «se sont nourris de nos faiblesses, de nos hypocrisies, des complexes du passé, de notre inefficacité collective», a-t-il insisté, pour exiger de ne plus «faire semblant de faire». De son côté, le président tchadien Idriss Deby n'a toujours pas écarté la menace récente de retirer ses troupes engagées sur plusieurs fronts dans la région, aussi bien contre Boko Haram que contre le groupe de Mokhtar Belmokhtar et d'autres factions dont les attaques au Burkina Faso ont montré les capacités meurtrières. C'est dire combien le projet peut sembler séduisant a priori mais aventureux à terme quand on se réfère à l'autre expérience, l'intervention militaire française au Mali baptisée opération Barkhane. Macron veut «remettre les pendules à l'heure» en forçant «chaque partie à assumer ses responsabilités», qu'elle soit européenne, onusienne ou africaine. Il se veut du coup pragmatique et volontariste dans la répartition des efforts et des contributions auxquelles il entend mettre à contribution tous les pays de la région, sans exception aucune. Mais l'arrière-pensée du nouveau locataire de l'Elysée reste de substituer au plus vite la force africaine du G5 Sahel à celle française de Barkhane qui pourra ainsi se désengager d'un bourbier de plus en plus manifeste et surtout coûteux. 3 ans après son lancement en août 2014, Barkane occupe toujours l'immense base de Gao et, entre deux opérations fugaces, espère des jours meilleurs...