le ministre de l'Industrie et des Mines, Mahdjoub Bedda Dans le cadre de sa nouvelle stratégie, le ministère de l'Industrie ira-t-il jusqu'à fermer toute filière qui n'intègre pas six mois après sa création? L'Industrie automobile nationale n'est pas encore née et déjà elle est l'objet de remise en cause par le ministre de tutelle. Mahdjoub Bedda a simplement jeté à la poubelle plusieurs années de travail de son prédécesseur à la tête de l'Industrie nationale. Le nouveau ministre n'a pas hésité à signer l'échec d'une stratégie visant à favoriser l'émergence d'une industrie mécanique nationale, à peine six mois après le lancement officiel de celle-ci. Rappelons-nous que la démarche du gouvernement sortant s'est appuyée sur un cahier des charges promulgué en 2014, obligeant les concessionnaires automobiles à investir dans des unités industrielles ou semi-industrielles dans un délai de trois ans, sous réserve de retrait de la concession. Trois années plus tard, quelques projets d'assemblage de véhicules ont vu le jour, encadrés par un autre cahier des charges qui soumet l'opérateur à l'obligation d'intégration de la production à 15% après trois ans et 40% à la cinquième année d'exercice. Les investisseurs bénéficient d'avantages douaniers et fiscaux. Ce processus devait prendre forme à partir de l'année en cours et les véhicules sortis des chaînes d'assemblage ont été arrachés, en raison notamment de l'application du crédit à la consommation. Quelques mois après le démarrage de l'opération, le nouveau ministre de l'Industrie lui trouve toutes les tares du monde. Mahdjoub Bedda pointe la cherté du produit et critique les avantages accordés par l'Etat. Peut-on objectivement faire le bilan d'une stratégie quelques mois à peine après sa mise en oeuvre? Le ministre semble penser que oui et prend le risque de confirmer l'idée que l'on se fait à l'étranger de l'instabilité de la législation algérienne en matière d'économie. Dans sa critique du modèle mis en place par son prédécesseur, le ministre de l'Industrie en vient à regretter l'ère des concessionnaires et des importations tous azimuts. Il y a lieu de relever le caractère léger et populiste de la sortie ministérielle. En insistant sur les prix et la disponibilité des véhicules, il sait qu'il touche une fibre sensible des Algériens. Le ministre omet de dire que l'époque de la voiture bon marché en Algérie est révolue, pour la simple raison qu'il ne sera jamais importé 400.000 unités. Il sait pertinemment que ses arguments vont fondre comme neige au soleil, à moins d'un retour à des importations massives. En revenant aussi brutalement sur ce qui a été réalisé, les six derniers mois, Mahdjoub Bedda hypothèque l'espoir d'une véritable industrie automobile dans une dizaine d'années, comme le stipulait d'ailleurs toute la littérature du ministère de l'Industrie avant et au lancement du projet Renault. Tous les constructeurs qui ont installé des unités d'assemblage en Algérie ont annoncé leur intention de s'orienter vers la pièce de rechange et le développement de nouveaux ateliers (peinture, carrosserie... etc) à courte échéance. Le nouveau ministre n'a rien fait d'autre que d'apporter un coup d'arrêt au processus, au motif que les véhicules coûtent cher et sont indisponibles. Ce que ne dit pas Mahdjoub Bedda c'est que les voitures resteront chères et indisponibles, sans véritable perspective pour l'industrie nationale de la sous-traitance. Le fait est qu'il n'a apporté aucune alternative à sa décision de casser ce que qui a été mis en place par son prédécesseur. Ainsi, au lieu de voir Peugeot, Nissan et autres constructeurs s'installer avec l'ambition de faire du pays une plate-forme de production à destination de l'Afrique, l'Algérie fera un sacré bond en arrière. En d'autres termes, le ministre n'a rien fait d'autre que d'écraser le bourgeon d'industrie que le précédent gouvernement a mis beaucoup de temps et de travail à faire germer. Ce qui se passe pour les véhicules peut aussi s'appliquer à d'autres filières industrielles, dont la base de développement passe encore par le principe de l'assemblage. Dans l'électronique et l'électroménager, les produits estampillés Made in Algérie sont largement fabriqués à base de composants importés. Il arrive que dans pas mal de ces marchandises, à l'image des smartphones, téléviseurs, tablettes, les prix sont supérieurs à ceux importés de Chine. Faut-il donc interdire l'assemblage pour ces filières industrielles? Majdjoub Bedda doit savoir que de prestigieuses marques étrangères ont ouvert des unités en Algérie, grâce à la taxation des produits importés pour la vente en l'état pour l'électronique. Cela a créé de l'emploi et excité le marché national, jusqu'à ce que des marques algériennes pensent déjà à l'exportation. Des smartphones assemblés en Algérie se vendent en Afrique et en Europe. Faut-il donc en interdire les exportations, parce qu'ils bénéficient du soutien indirect du gouvernement? Le modèle que le nouveau ministre de l'Industrie et des Mines juge dépensier, a permis pour les véhicules lourds de réaliser une exportation en bonne et due forme vers la Mauritanie. Une commande de 500 camions assemblés en Algérie a été formalisée par de nombreux pays africains pour l'année 2017, et l'avenir est prometteur. L'Algérie a une économie d'assemblage et de transformation. Ce n'est certainement pas une finalité, mais il est possible de réaliser des chiffres d'affaires à l'export. Des entreprises le font déjà dans l'agroalimentaire et tout le monde sait que cette industrie est très dépendante des importations de ses intrants. Dans le cadre de sa nouvelle stratégie, le ministère de l'Industrie ira-t-il jusqu'à fermer toute filière qui n'intègre pas six mois après sa création? En fait, disons-le franchement, si Mahdjoub Bedda était arrivé aux affaires en 2010, il aurait mis un terme aux unités d'assemblage de smartphones et d'ordinateurs portables. Cela pour dire que l'important n'est pas de berner les Algériens en leur faisant miroiter des choses irréalisables, mais de construire une véritable industrie pour les générations futures.