Plus jupitérien que jamais, le président Macron arrive au Congrès de Versailles L'argumentaire a de quoi séduire puisqu'il est question de faire des deux chambres un Parlement «où le travail devient plus fluide (...)», «un Parlement qui travaille mieux», les maîtres-mots macroniens étant «l'action» et «l'efficacité». Le président élu s'efforce depuis son investiture en mai dernier, malgré son profil «inédit», d'incarner une image très gaullienne de la fonction présidentielle. Réunissant les deux Chambres au château de Versailles, sous les ors de Louis XIV, il a prôné hier une voie radicalement nouvelle», avec une transformation «profonde» de la France grâce aux réformes qu'il veut imposer au plus tard d'ici un an, à commencer par celle des institutions majeures du pays. Objectif d'une convocation fort contestée à la fois dans le rang des Républicains et de la France insoumise, ce congrès qui fait suite à ceux déjà tenus par ses prédécesseurs, notamment Nicolas Sarkozy, en juin 2009 et François Hollande, en novembre 2015, aura permis à Emmanuel Macron de donner le tempo du quinquennat en cours. «Jusqu'ici, trop souvent, nous avons fait fausse route», a-t-il soutenu avant d'exposer les grandes orientations dont il entend investir le gouvernement. «Nous avons préféré les procédures aux résultats, le règlement à l'initiative, la société de la rente à la société de la justice» estime le président français avant de marteler une conviction profonde. «Je crois profondément que, par ses choix récents, notre peuple nous demande d'emprunter une voie radicalement nouvelle», a-t-il ainsi répété pour mieux faire valoir son ambition de réaliser une «transformation résolue et profonde, tranchant avec les années immobiles et les années agitées», puisque les Français ont choisi la voie d'une France recomposée. Et son programme a de quoi faire frémir les tenants d'un statu quo ante puisqu'il entend «exploser» la mécanique électorale en introduisant une bonne dose de proportionnelle pour que «toutes les sensibilités soient justement représentées» et surtout réduire d'un tiers le nombre actuel de sénateurs et de députés dont il a déjà «altéré» les conditions d'exercice, fermant la porte aux mandats ininterrompus pendant des décennies et aux privilèges mis en évidence par les affaires Fillon et Marine Le Pen, pris tous deux la main dans le sac, français pour l'un et européen pour l'autre. L'argumentaire a de quoi séduire puisqu'il est question de faire des deux chambres un Parlement «où le travail devient plus fluide (...)», «un Parlement qui travaille mieux», les maîtres-mots macroniens étant «l'action» et «l'efficacité». Pour parachever cette réforme, Emmanuel Macron est disposé à recourir à un référendum, «si nécessaire». Fin tacticien, il a dès lors promis aux sénateurs et aux députés de revenir chaque année devant le Congrès pour «rendre compte» et procéder avec eux à un bilan circonstanciée de l'action gouvernementale. En réalité, le glissement est d'abord sémantique avant d'être doctrinal, car un tel engagement ressemble trop au «discours sur l'état de l'Union» propre aux Etats-Unis pour ne pas y voir une copie manifeste des us de Washington. Cela est d'autant plus probant que le président Macron cherche clairement à se donner du «Yes, we can» dans un contexte socio-politique et surtout économique caractérisé par une espèce d'euphorie générale dans l'hexagone dont rien ne dit qu'elle va durer cinq ans. Les Français ont tenté une aventure et ils attendent avec une certaine impatience qui deviendra dans quelques mois à peine une impatience certaine, les retombées bénéfiques qu'on leur a fait miroiter. Et la petite lueur d'embellie qui a marqué la fin du quinquennat de François Hollande, malheureux de bout en bout durant son mandat, peut mettre encore beaucoup de temps avant de devenir le «fiat lux» dont les mousquetaires de La République en marche s'affirment quasi certains. Le pari est audacieux, comme le fut d'ailleurs la candidature même d'Emmanuel Macron à la magistrature suprême. Jusqu'à preuve du contraire, le doute, si tant est qu'on puisse parler de doute, ne peut que lui bénéficier même si certains de ses propos flirtent souvent avec des dérapages qui risquent, tôt ou tard, de fâcher trop de monde. Ainsi en est-il de la toute récente polémique sur les «gens qui ne sont rien» en comparaison des «gens qui réussissent», une observation sentencieuse dont il semble qu'il soit particulièrement friand. A trop taquiner le diable, on sait ce qui risque de se produire...