Il y a 64 ans, des Algériens, qui défilaient pacifiquement à Paris, ont été ciblés par des balles de la police Une plaque commémorative dévoilée à Paris, dans le XIIe arrondissement. Une plaque commémorative a été dévoilée jeudi à Nation (Paris XIIe) à la mémoire des victimes algériennes tuées par la police lors d'une manifestation pacifique qui s'est déroulée le 14 juillet 1953. Il y a 64 ans, de nombreux Algériens, qui défilaient pacifiquement à Paris pour une Algérie indépendante, ont été ciblés par des balles de la police. Ce massacre oublié avait entraîné la mort de six Algériens, un syndicaliste français et causé une quarantaine de blessés. A l'initiative de la maire de Paris, Anne Hidalgo, cette cérémonie s'est déroulée en présence notamment d'un membre de l'ambassade d'Algérie en France et de membres de la Fédération de France du FLN historique. Une foule nombreuse y assistait. On y compte des élus locaux, des syndicalistes, quelques manifestants algériens ayant participé à cette marche, des membres des familles de victimes et des historiens, Une minute de silence a été observée à la mémoire des victimes de cette répression sanglante et meurtrière de la police française, envers des Algériens qui réclamaient pacifiquement l'indépendance de l'Algérie, ce, 16 mois avant le déclenchement de la guerre de Libération nationale. L'adjointe à la maire de Paris, chargée de la mémoire et du monde combattant, Catherine Vieu-Charier, a souligné, au cours de cette cérémonie commémorative, que la mairie de Paris a voulu commémorer ce drame «trop longtemps occulté» et cette tragédie «sanglante» qui reste, a-t-elle dit, une séquence «trop douloureuse» de l'histoire de France. Elle a ainsi rappelé les massacres du 17 octobre 1961 où des milliers d'Algériens ont été tués par la police et certains jetés à la Seine et du 8 février 1962 dans la station de métro Charonne à Paris, où des manifestants contre l'OAS et la guerre d'Algérie ont été réprimés dans le sang par la police. Pour sa part, la maire du XIIe arrondissement, Catherine Barrati-Elbaz, a rappelé les circonstances de ce massacre perpétré par la police française, considérant que c'est «une tache noire» dans l'histoire de la France. Elle a regretté que ces meurtres soient très longtemps «ensevelis par le mensonge», la justice et la vérité «bafouées». Le cinéaste Daniel Kupferstein, qui a réalisé en 2014 un film documentaire intitulé «Les Balles du 14 juillet 1953: Des manifestants algériens tués à Paris», a expliqué pour sa part que «le massacre des Algériens, le jour de fête nationale du 14 juillet, dénonce notre rapport avec l'Autre qui n'est pas comme nous». «Ce jour-là», a-t-il dit, «la devise française (Liberté, Egalité, Fraternité) a été entachée de sang». Un des rescapés des massacres au cours de la manifestation organisée par le Parti communiste français (PCF), à laquelle se sont joints des Algériens militants du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (Mtld), Khelifa Moulfi (86 ans), membre à l'époque de la Confédération générale du travail (CGT), a indiqué à l'APS que malgré les dissensions qui existaient entre les Messalistes et les Centralistes, les Algériens présents ont exprimé leur unité pour l'indépendance de l'Algérie, après 120 ans de colonisation française. Pour sa part, l'historien A. Ruscio, auteur de «Nostalgérie, L'interminable histoire de l'OAS» (éditions La Découverte, 2015), a relevé dans une brève déclaration à l'APS, que le massacre du 14 juillet 1953 montre que cette violence était «un cancer qui s'est propagé dans la société française» de l'époque. En matière de reconnaissance des crimes coloniaux, il a souligné que l'Etat français est «très en retard», indiquant avoir apprécié la déclaration de Macron candidat lorsqu'il avait déclaré à Alger que le colonialisme est «un crime contre l'humanité». La répression avait visé les Algériens en les provoquant et les agressant par des parachutistes, de retour d'Indochine. D'après plusieurs sources, la police a tiré «intentionnellement et sans sommations» sur les manifestants. Bilan: six Algériens et un Français tués, une cinquantaine de manifestants sont blessés, dont 44 Algériens et 40 par balles. Les Algériens tués, sont Amar Tabjadi, 26 ans, décédé à l'hôpital Saint-Louis, Abdallah Bacha, 25 ans, mort à l'Hôtel-Dieu des suites d'une balle reçue dans la gorge, Larbi Daoui, 27 ans, tué d'une balle dans le cou, Abdelkader Dranis, 31 ans, décédé à l'hôpital Saint-Louis, Mohamed Isidore Illoul, 20 ans, décédé à l'hôpital Saint-Louis, Medjen Tahar, blessé par deux balles, décédé à l'hôpital Tenon. La commémoration s'est poursuivie avec la présentation hier du livre «Les balles du 14 juillet 1953» écrit par Daniel Kupferstein, qui devait être suivie par la projection de son film sur le même thème.