Jour pour jour, il y a 63 ans, de nombreux Algériens qui défilaient à Paris pour une Algérie indépendante, ont été ciblés par des balles de la police, un massacre oublié qui a fait six Algériens tués et une quarantaine de blessés. Dans un carré d'une manifestation organisée par le Parti communiste français (PCF), qui n'était pas favorable à l'indépendance de l'Algérie, les Algériens ont répondu à l'appel du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD). Ils étaient encadrés par leur propre service d'ordre qui portait un brassard vert. L'historien Emmanuel Blanchard a écrit dans son ouvrage "14 juillet 1953: répression coloniale, place de la Nation", que "les circonstances de la répression de la manifestation du 14 juillet 1953 ne sont pas encore exactement connues", indiquant que cet événement, occulté par la presse, "reste aujourd'hui encore +porté disparu+". Mais il est catégorique en affirmant que la répression avait visé les Algériens qui, pourtant manifestaient, pacifiquement. Durant le défilé, des parachutistes, de retour d'Indochine, provoquent et agressent les manifestants. Selon des historiens qui ont relaté cet événement, un court affrontement avec la police a eu lieu à la place de la Nation, et la manifestation s'est dispersée, mais les Algériens, qui portaient "fièrement" le drapeau algérien, décidèrent de continuer à défiler pour se disperser un peu plus loin. D'après plusieurs sources, la police a tiré "intentionnellement" et sans sommations sur les manifestants. Le bilan: 6 Algériens et un Français tués, une cinquantaine de manifestants sont blessés, dont 44 Algériens et 40 par balles. Pour les Algériens tués, il s'agit de : Amar Tabjadi, 26 ans, décédé à l'hôpital Saint-Louis, Abdallah Bacha, 25 ans, décédé à l'Hôtel-Dieu des suites d'une balle reçue dans la gorge, Larbi Daoui, 27 ans, tué d'une balle dans le cœur, Abdelkader Dranis, 31 ans, décédé à l'hôpital Saint-Louis , Mohamed Isidore Illoul, 20 ans, décédé à l'hôpital Saint-Louis, Medjen Tahar, blessé par deux balles, décédé à l'hôpital Tenon. Les corps des victimes algériennes ont été transportés à la mosquée de Paris pour le rituel musulman des morts, avant qu'ils ne soient exposés, le lendemain, à la Maison des Métallos. Les autorités françaises ont refusé de faire rapatrier les corps en Algérie de deux Algériens pour des "raisons administratives", et parmi les corps transférés en Algérie, un a été subtilisé à sa famille par des militaires français. Pour Emmanuel Blanchard, si cette "tuerie politique" ne fit pas véritablement événement, "c'est aussi parce qu'elle intervint à un moment où ces formes de maintien de l'ordre étaient monnaie courante dans l'empire et qu'elle fut par la suite occultée par le déclenchement de la guerre d'indépendance algérienne". Signalons qu'un film documentaire de 85 mn, "Les Balles du 14 juillet 1953. Des manifestants algériens tués à Paris", a été réalisé en 2014 par Daniel Kupferstein. Le cinéaste, qui avait déjà réalisé en 2011 le documentaire "17 octobre 1961, dissimulation d'un massacre", a mené une longue enquête contre l'amnésie auprès de témoins, d'historiens et de familles des victimes.