Certains incendiaires auraient commis leurs méfaits pour produire du charbon La couverture végétale brûle à divers endroits du nord de l'Algérie et pèse un peu plus sur le moral déjà affecté du pays. Alors que nous ne sommes qu'au milieu de l'été, le nord du pays vit sous une vague de feu qui a ravagé plus de 15.000 hectares dans une vingtaine de régions. Entre Tizi Ouzou, Béjaïa, Médéa, Blida, Bouira, Boumerdès, Guelma, Annaba, Jijel et Saïda, 1600 foyers d'incendies ont été recensés depuis le 1er juin tandis que les moyens pour les combattre demeurent insuffisants. La catastrophe prend maintenant une tournure politique. En plus des émeutes qui ont éclaté ça et là et la fermeture des routes en protestation contre les coupures de courant, des voix commencent à demander des comptes. La Protection civile ne dispose que de six hélicoptères dédiés à la lutte contre les flammes que les pompiers ont dû combattre avec détermination et courage, mais avec des outils d'un autre temps. D'un autre côté, les premiers responsables de Sonelgaz et de la direction générale des forêts sont entrés dans une querelle publique à brûle-pourpoint en se lançant mutuellement les braises de la culpabilité de la destruction qui a affecté les installations électriques. Pour l'un, ces dommages ont été occasionnés par le mauvais débroussaillage des lieux par où passent les lignes à haute tension. Pour l'autre, ce sont justement ces lignes qui en chutant provoquent automatiquement au sol un départ de feu. Cela ressemble à s'y méprendre à une accusation de pyromanie institutionnelle par négligence et évidemment sans préméditation. La pyromanie criminelle ou volontaire a aussi été évoquée comme un facteur à l'origine des sinistres et des individus tout autant sinistres ont été arrêtés aux abords des bois fumants. Certains incendiaires auraient commis leurs méfaits pour produire du charbon qu'ils espéraient vendre durant la fête de l'Aïd El Adha, d'autres pour assouvir une pulsion dictée par un cerveau en plein dérangement. Ceux que la vue des buissons ardents a rendu les plus fous sont, bien entendu, les agriculteurs dont la production a été réduite à néant. Mais en déplacement à Jijel, le ministre de l'Agriculture, du Développement rural et de la Pêche leur a promis un dédommagement. Abdelkader Bouazghi a ainsi déclaré «toute la production agricole, arbres fruitiers, oliviers, cheptel et ruchers décimés dans des feux sera indemnisée», mais après «un vaste travail de recensement, de diagnostic et d'évaluation», donc apparemment pas avant longtemps. Ces dépenses qui seront engagées, alors que le pays traverse une crise économique sévère et s'agite au gré de remous politico-financiers inquiétants, vont certainement peser sur le moral, déjà sérieusement affecté, de la nation. On se croirait même en Grèce, pour faire un parallèle étonnant, qui durant l'été 2007 s'était transformée en un gigantesque brasier où 180.000 hectares de végétation ont été détruits. Le désastre, rappelez-vous, a précédé de peu un cataclysme économique qui a poussé ce pays à la faillite et au dépôt de bilan. L'Algérie est le pays d'Afrique le plus vaste et le dixième dans le monde par la superficie. Toutefois, la bande verte qui longe son littoral occupe seulement 250.000 km2, soit un peu plus de 10% de la surface totale, mais concentre en revanche 80% de sa population. Les forêts et les maquis y couvrent 4,7 millions d'hectares ou 19% du nord et un peu moins de 2% seulement des régions sahariennes. Ce taux de boisement est évidemment très insuffisant pour assurer son équilibre physique et biologique alors que le désert qui s'étend sur 90% du territoire avance inexorablement.L'urbanisation au pas de charge, les constructions humaines au détriment des terres agricoles, dues à l'effet conjugué de l'explosion démographique et de l'exode rural érodent jour après jour le patrimoine végétal du pays. Ajoutez à cela la pollution sous toutes ses formes et vous comprendrez que si l'on reste sur cette tendance on va tout droit vers la désertification et l'asphyxie.