A le suivre à ce rythme, ce Premier ministre donne du vertige. Les observateurs les plus avertis n'arrivent ni à comprendre, encore moins à expliquer les escapades de Abdelmadjid Tebboune. De Nice, il fait «un saut imprévu» à Paris pour découvrir les lambris dorés de Matignon avant de s'envoler vers la Turquie pour se retrouver enfin en Moldavie. Quelles mystérieuses excursions politiques! Son ordre de mission officiel a été établi pour Nice en France. Attendu pour ce week-end à Alger, il est annoncé, à la surprise générale, à Istanbul en Turquie avant d'atterrir en Moldavie toujours en compagnie d'un ancien député de Béjaïa, Omar Alilat, dont le nom a été déjà cité dans une affaire de corruption en Espagne. Abdelmadjid Tebboune est connu pour être un épicurien, mais en sa qualité de patron de l'Exécutif, a-t-il le droit de s'offrir du bon temps de manière aussi ostentatoire alors que l'Algérie traverse une crise financière sévère et des dossiers cruciaux attendent d'être réglés avant la rentrée? Il est de tradition bien établie dans les Etats organisés que les membres du gouvernement désirant passer des vacances en dehors du pays doivent impérativement informer la Présidence et surtout communiquer avec exactitude toutes leurs coordonnées pour être joignables en cas d'urgence nationale, cela d'une part. D'autre part, une autre règle précise que ces mêmes responsables ne doivent pas s'éloigner hors du territoire national, à plus de deux heures de vol de la capitale. Son «tourisme politique» intrigue. De Nice, il prend un vol vers Istanbul. Une destination bien curieuse pour les observateurs. Ce n'est certainement pas aux charmes de la civilisation ottomane qu'a succombé notre Premier ministre. Ou alors a-t-il encore calé, à l'insu d'Alger, un rendez -vous avec le président turc Recep Tayyip Erdogan? Au point où on en est, une telle hypothèse ne surprend plus personne. D'Istanbul, il prend les airs vers la Moldavie. Encore un mystère. A croire qu'il a fermé pour un bout de temps la maison Algérie et emporté les clés avec lui! Quand Tebboune se paye du bon temps, ce sont les Algériens qui trinquent. Comment convaincra-t-il alors les Algériens de son absence pour une longue escapade à un moment où ils viennent d'échapper de justesse au spectre des pénuries n'était-ce l'énergique réaction du président Bouteflika? Le Premier ministre a-t-il perdu le sens du discernement dont doit jouir tout haut responsable de l'Etat? Finalement, il ne sert à rien de donner une lampe à un aveugle. L'effet que produisent les pérégrinations du Premier ministre sur l'opinion est dévastateur pour un homme politique. Tebboune est bel et bien parti dans une logique d'autodestruction: son penchant quasi névrotique pour le pouvoir lui a fait perdre jusqu'au sens des réalités pour l'installer confortablement dans l'imposture. Cet homme sait pratiquer à merveille l'art du camouflage. Malgré les premières réactions négatives qu'il a suscitées lors de ses faux pas parisiens, il récidive. Cette fois-ci il choisit encore deux autres destinations comme mû par un irrésistible instinct de la bêtise politique. Son compteur politique qui affiche désormais Alger- Nice, Paris, Istanbul - Moldavie... bat tous les records d'un Premier ministre en «balade» dans le monde. A croire que Abdelmadjid Tebboune se préparerait à disputer en 15 jours de vacances la Palme d'or à Jules Vernes pour «le tour du monde en 80 jours». A ce stade, le gouvernement ne serait pas en défaut s'il lançait un avis de recherche pour localiser le patron de l'Exécutif dans quelque coin paradisiaque de la planète. Maintenant, on le sait. Tebboune, tel un crabe, avance toujours de profil, jamais de face. André Malraux, homme politique français a admirablement résumé cette posture: «La vérité d'un homme, c'est d'abord ce qu'il cache.» Quelle sera la prochaine escale de M.Tebboune?