Il a été beaucoup question ces dernières semaines de la pomme des Alpes (France) qui se trouverait en pleine morosité, et des céramiques espagnoles, l'une et l'autre, menacées par l'instauration des quotas. Et pour cause, leur business, en grande partie, si ce n'est exclusivement, était destiné au consommateur algérien. C'est dire l'importance de l'Algérie pour l'économie de ces régions de France et d'Espagne. Mais où est donc passée la succulente pomme algérienne, réputée sur tout le pourtour méditerranéen? Et la céramique de Guelma, pour laquelle l'Etat a déboursé des millions en devises, que devient-elle? Or, il y a [encore] un autre revers de la médaille à un tableau déjà déprimant. Lorsque notre production est «normale» celle-ci passe par pertes et profits. Récemment encore, les agriculteurs de Annaba et d'Et Tarf se sont retrouvés avec des milliers de tonnes de tomates industrielles restées en plan, barrées par l'importation de ce produit - à prix d'or - de l'étranger. Que dire de la fameuse Deglet Nour de Tolga - un label connu mondialement - exportée, notamment au Canada, sous le label «Made in Tunisia»? Même dans le domaine de l'art, on tente de nous dépouiller de nos productions, quand depuis des années, le Maroc fait campagne pour faire accréditer l'idée que le raï est «d'origine» marocaine. Par quelle aberration faut-il encore passer pour que les autorités mettent le holà à des actes qui mettent à mal notre agriculture, notre industrie, notre culture et pour tout dire, notre économie. Or, le produit national, n'est pas encouragé, encore moins protégé des prédations et des vols. Comment consommer algérien, alors que nous sommes des importateurs nets de tout ce qui se consomme dans le monde? Au seul profit d'une faune d'importateurs qui s'est enrichie [sans raison] au préjudice d'une production nationale rachitique et inapte à couvrir les besoins du pays. Pourtant, à l'indépendance du pays, l'Algérie était parmi les gros producteurs de raisin, de pomme, d'orange et toute une variété de fruits aujourd'hui disparus de nos champs et de nos étals. Le vignoble algérien avait une réputation mondiale de par sa qualité exceptionnelle. Il se signale désormais par sa rareté et son acidité. Cela a été plus facile de mettre des milliards en devises dans l'importation - dont a profité une minorité - que de les utiliser pour réhabiliter nos terres et notre agriculture. Le raisin et l'orange n'ont pas disparu sans raison. Dans les années 1960, il y eut l'arrachage de millions de pieds de vigne. Cela a été un crime écologique et environnemental. L'orange de Boufarik, celle de Skikda ont également été sacrifiées. Les anciens se souviennent des routes d'Alger à Boufarik et de Skikda à Azzaba où les orangers ployaient sous leurs fruits. Cette terre a été généreuse avec les hommes, mais la bêtise l'a rendue stérile. Comment s'étonner dès lors que l'Algérie importe près de 80% de ce que mange la population? Cela nous remet à l'esprit le fait qu'en 2015 a été organisé une campagne «Consommons algérien!». Comme slogan, c'était beau! Hélas, que reste-t-il à consommer de notre terroir? Un bienfait bel et bien dissipé, alors que nous éprouvons toutes les peines du monde à maintenir la survie de fruits et légumes que notre pays produit, vaille que vaille, ou ni qualité ni quantité n'y trouvent leur compte. Ce qui étonne aussi, c'est le fait que cette campagne a été initiée au moment où la rente pétrolière s'effritait, le «matelas» financier - salué comme providentiel - s'amenuisait, et que le pays plongeait dans l'angoisse du lendemain. D'où la question: pourquoi l'argent du gaz et du pétrole n'a-t-il pas servi à fertiliser les terres, à leur rendre leur terreau,? Pourquoi n'avoir pas fait venir - quitte à grands frais - des experts en agriculture pour faire revivre une terre, réputée, il y a deux-mille ans, pour avoir été le grenier à blé de Rome? Comme les autres produits, notre blé nous l'importons au prix fort! L'autre versant de l'agriculture, l'industrie n'est pas en meilleur état! Quand il fallut tirer profit de la manne pétrolière pour bâtir une industrie nationale solide, on s'est complu dans la fuite en avant en ouvrant - sans aucun contrôle - les vannes à l'importation illusoire. Ce qui nous ramène à notre propos, les importations de la pomme des Alpes, de la céramique d'Espagne - elles font le bonheur des agriculteurs français et des industriels espagnols, sur le dos du consommateur algérien - annihilent les efforts pour rentabiliser la pomme et l'industrie de la céramique algériennes. C'est encore là, un paradoxe algérien où le «consommer local» n'est qu'un slogan vide de sens.