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POLLUTION SONORE EN ALGERIE
Publié dans L'Expression le 28 - 08 - 2017


Il y a de quoi devenir fou
La vie des Algériens est rythmée par le bruit émis par diverses sources alors qu'il existe une loi qui le limite avec précision.
A l'heure de la sieste, un camion vide dans un fracas assourdissant son chargement de rond à béton devant une bâtisse en construction pendant qu'un chariot élévateur fait des va-et-vient en émettant d'agaçants bips. Visiblement énervé, un voisin sort alors en marcel et pantacourt pour regarder en direction du chantier d'où montaient également des mitrailles de marteaux piqueurs et les crissements de meules en train de découper du carrelage.
Impuissant, l'homme hoche plusieurs fois la tête en signe d'impuissance puis regagne son domicile.
Pourtant, il existe un décret exécutif portant le numéro 93-127 et daté du 27 juillet 1993 qu'il aurait pu invoquer pour protéger ses oreilles de la nuisance émanant des travaux. Le texte limite avec précision les niveaux sonores permis de jour comme de nuit. Son article 2 stipule que «les niveaux sonores maximums admis dans les zones d'habitation et dans les voies et lieux publics ou privés sont de 70 décibels (70 dB) en période diurne (6 heures à 22 heures) et de 45 décibels (45 dB) en période nocturne (22h à 6 h)».
Feux d'artifice
L'article 3 précise encore que «Les niveaux sonores maximums admis au voisinage immédiat des établissements hospitaliers ou d'enseignement et dans les aires de repos et de détente ainsi que dans leur enceinte sont de 45 décibels (dB) en période diurne (6h à 22h) et de 40 décibels (dB) en période nocturne (22h à 6h).»
Les hôpitaux parlons-en. Au CHU Nefissa-Hamoud ex-Parnet d'Hussein Dey, en période de visite, les voitures sont nombreuses et, contrairement aux règles du Code de la route, certaines usent parfois de leurs avertisseurs intempestifs. Même chose, à Mustapha-Pacha qui, de plus, est cerné de tous les côtés par plusieurs rues et boulevards intensément fréquentés.
Le bruit, c'est aussi les pétards et les feux d'artifice qui, pour un oui pour non, créent un tumulte tapageur à tout heure. «Les gens sont devenus fous et ne possèdent plus aucune éducation», s'insurge Ali un quinquagénaire de Bachdjarrah. «A n'importe quelle occasion, ils déclenchent une canonnade d'enfer.»
Justement, à quelques centaines de mètres plus loin, une fête de mariage bat son plein. Des jeunes testent les micros en poussant à fond les chansons de Allaoua, de chaba Kheira et de Kader Japonais ou en vociférant eux-mêmes dans les micros. D'autres, se prenant peut-être pour une unité de DCA, bombardent le ciel avec leurs projectiles factices qu'éructent des tubes en carton.
«Vous ne pouvez rien leur dire car ils vont penser que vous voulez gâcher leur joie» regrette Samir, un voisin dont la voix se perd tout de suite après sous le concert de klaxons, de trompettes et de pétards qui accompagnent le cortège de la mariée.
Le soir, le DJ met le feu à la scène enclavée entre deux immeubles tandis que des danseurs ondoient et chaloupent au son des synthétiseurs en criant d'extase. Evidemment, on est loin des 45 dB autorisés par la loi, mais «ce sont les pétards que je ne supporte plus» dit désespérément Boualem. «Les jeunes de maintenant abusent de ces engins. On a l'impression qu'il leur suffit parfois de manger une bonne pizza pour le faire savoir à tout le monde à coups de signals.»
Le foot et les camelots
La proximité d'une salle de fêtes peut également être source de désagrément pour les malheureux foyers qui la jouxtent. En plus des sonneries de voitures, des youyous de sopranos, de la musique à haut volume, des effets larsen, là aussi les pétards et divers autres explosifs ne s'arrêtent pas. Même aux alentours des salles qui, suivant une nouvelle mode, interdisent la musique car jugée illicite, les détonations festives sont quotidiennes.
Ce sont les matchs de football qui sont à l'origine de cette tradition. Et comme les rencontres, ici et à l'étranger, sont fréquentes, les manifestations bruyantes qui les accompagnent sont décuplées. Avant, on fêtait les victoires de l'Equipe nationale ou celles des clubs locaux, mais aujourd'hui le FCE Barcelone, le Real Madrid et Liverpool ont des millions de supporters en Algérie.
En outre, les marchés informels, les fameuses «dlala», sont de grands producteurs de vacarme. Au centre-ville, dans le quartier de Meissonnier, les riverains doivent avoir les tympans rebattus à longueur de journée par les cris. Les «Diri l'affaire ya m'ra!» (fait l'affaire femme!) fusent de partout et les camelots rivalisent de vocalises pour attirer les clients sans se soucier du repos des habitants.
D'ailleurs, pratiquement dans tous les quartiers de la ville, les marchands ambulants s'égosillent dès potron-minet pour ameuter les acheteurs encore ensommeillés. «Sardiiine!» hurlent les uns, «batata, batata,», rugissent les autres; «Javel, Javel», et ainsi de suite.
De toute façon, même sans circonstances particulières, les Algériens ont pris l'habitude de parler fort et de s'interpeller de loin. Le soir dans les quartiers ou à l'aube à la fin de la prière, certains élèvent la voix en discutant sans respect pour leurs voisins. D'autres se nichent sous les balcons pour une partie de dominos ou le jeu de dames et se disputent parfois en braillant inconsidérément.
Si l'on ajoute à cela les ronflements des automobiles, les passages d'avions, à certains endroits, et le bruit des machines des petits ateliers installés étonnamment dans des cités résidentielles, il y a de quoi devenir fou. Car le bruit affecte la santé humaine aussi sûrement que les autres vecteurs de maladie.


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