«Nous sommes en lieu de remise en cause» a souligné Habiba Djahnine, déléguée de Kaïna Cinéma coorganisatrice de l'événement. C'est dimanche soir que la ville des Hamadites a étrenné sa 3e rencontre cinématographique. Malgré l'absence de quelques invités, les journées semblent démarrer tout doucement mais sûrement. Face à la mer et dans une ambiance chaleureuse presque de vacances, cette manifestation augure de belles promesses quant à l'initiation à ce passionnant métier qu'est le cinéma. Lors de son allocution d'ouverture, M. Abdenour Houchiche, coorganisateur de ces rencontres et président de l'association Project'heurts, dira qu'il croit fermement en cette manifestation qui commence à se faire entendre dans la symbiose et dans le concret et qu'il voit de plus en plus de gens fréquenter les salles de cinéma. Habiba Djahnine, déléguée de l'association Kaïna cinéma et coorganisatrice de ces rencontres, mettra l'accent sur l'utilité de cette manifestation qui existe depuis trois ans grâce à laquelle «on fait reculer la bêtise dans ce pays». Et d'ajouter: «ces rencontres permettent aux professionnels de se rencontrer, pour proposer des solutions à terme afin de faire sortir le 4e art en Algérie de sa léthargie. Elles sont, en outre, une sorte de culture pédagogique visant à enseigner l'art de regarder l'image et de l'interpréter». Ainsi, en préambule de ces rencontres on a eu à voir les films «Close up» de Nani Moretti et «Tahia ya didou» de Mohamed Zinet. Le premier dénonce en 7 minutes la suprématie des films commerciaux sur les films d'auteurs: le personnage, campé par Nani Moretti, prépare la sortie du film d'Abbas Kiarostami, Close Up dans son cinéma de Rome. Après s'être entretenu avec la distributrice de l'intérêt que la presse porte au film, Moretti se rend dans la cabine de projection pour discuter avec l'opérateur : il est même obnubilé par le nombre d'entrées qu'enregistre le film par rapport à d'autres. Ce qui l'empêche de dormir ... Une réalité tangible de la vie angoissante du monde cinématographique. Dans un autre registre, Tahia ya Didou, met en scène le réalisateur et le poète et comédien Momo dans un subtil récit éclaté du quotidien algérien des années 70. «Une commande pour l'Office du Tourisme qui a été détournée pour faire ce chef-d'oeuvre» nous apprend-on. Pierre Clément, distributeur de films et ancien ami et directeur photo de ce film, réalisé par Mohamed Zinet nous en parle: «l'auteur s'est laissé dépasser par le producteur qu'est l'Etat. Il y a une contradiction dans ce film. Il y a des plans qui n'ont rien à voir ici et qui ont été rajoutés. La poésie du film a été rompue par ces nombreuses images en trop. Ces plans ont été apportés contre Mohamed Zinet par des intrus politiques qui n'ont rien à voir avec le cinéma!» et de renchérir «ce n'est pas à l'Etat de commander le cinéma mais plutôt de le protéger». Le film vogue entre le faste de l'Algérie indépendante et ces souvenirs douloureux et encore vivaces de la guerre. Cette copie du film, faut-il le préciser, a été rénovée dans le cadre de l'année de l'Algérie en France. Outre la projection de films en tout genre (courts, longs et documentaires) ces rencontres cinématographiques de Béjaïa accordent un grand intérêt à la formation des jeunes aux métiers du cinéma. «Cela motivera les jeunes, nous a expliqué Habiba, à créer des cinés-clubs dans leurs village.» Pour ce faire, des formateurs professionnels viendront tout au long de la semaine et bénévolement, prodiguer leurs conseils. Au programme de ces stages, on citera l'éveil au regard, l'initiation au regard cinématographique, la question du détournement de l'image par le commentaire et la question du point de vue de l'auteur dans le documentaire... Ces ateliers de travail autour de l'animation d'un ciné-club sont destinés à une quarantaine de stagiaires en provenance de plusieurs villes d'Algérie: enseignants, éducateurs, animateurs jeunesse ou tout bonnement, professionnels ou amateurs intéressés par le cinéma et en contact avec des adultes, des enfants ou des adolescents.