On est loin, très loin du rapport Issad, ficelé et remis à l'issue de 40 jours et 45 pages d'un travail qui sera à jamais frappé du sceau de l'invraisemblance. La commission d'enquête parlementaire arrive aujourd'hui au bout de son travail. Près de huit mois de collecte d'informations et des centaines de pages noircies, annotées et appuyées d'une annexe précise et nominative de tous ceux qui ont, peu ou prou, alimenté et maintenu la crise en l'état, sont aujourd'hui prêtes et attendent d'être remises au président de l'Assemblée, lequel doit les remettre au Président de la République. La commission avait démarré péniblement son travail, eu égard aux préjugés, voire aux hostilités rencontrées en Kabylie. Mais, chemin faisant, de nouvelles pistes furent empruntées, d'autres indices collectés, d'autres vérités, que celles admises, mises à jour. La balistique et diverses branches disciplinaires, militaires ou scientifiques, furent mises à contribution. En fait, et en huit mois, de véritables investigations furent menées pour tenter d'appréhender la crise kabyle, qui, au fil des jours, a pris des tournures de plus en plus illisibles et invisibles, enchevêtrées à souhait et quasi inextricables. Mais la question qui se pose est la suivante: le rapport Bayoudh est-il publiable? Trois motifs au moins justifient cette question. Le fait que le professeur Issad ait déserté les lieux prématurément en est un premier, et qui renseigne sur le «relief miné» du terrain. Le second est que la reprise des contacts entre le Chef du gouvernement et les délégués des ârchs ne permet pas d'autres intervenants. Les résultats auxquels est arrivé le rapport Bayoudh remettrait en cause beaucoup de choses. Selon certaines indiscrétions, il serait difficile d'en diffuser le contenu, tout en faisant l'impasse sur ses verdicts. Le troisième motif, celui qui est le plus complexe, concerne le chapitre des noms de personnes qui se seraient rendues coupables d'exactions, de fautes graves, d'abus ou de destructions. Au moment où un semblant de solution semble se profiler, il serait difficile de tendre la main de la réconciliation à tous ces gens, comme il serait extrêmement gênant de s'en détourner à un moment aussi crucial. Il aurait établi que certains de ceux qui se font prévaloir des dialoguistes auraient été aussi radicaux que les plus convaincus des obstructionnistes, ou se sont rendus coupables des destructions, squattage illégal ou autre délit commis durant les émeutes. Pour un membre de la commission, «l'occasion de la rencontre avec le gouvernement peut être saisie par ceux-là afin de se disculper et revenir à des attitudes plus justes», ajoutant qu'«une certaine presse a joué un rôle très négatif durant les émeutes, amplifiant, déformant ou tiraillant les informations et ce, pour des motifs de marketing, de vente ou de tirage». Quoi qu'il en soit, le rapport est ficelé; reste une ou deux sessions où il sera question de formuler ou reformuler certains points. Le rapport sera donc remis à Abdelkader Bensalah, qui le remettra au Président. Quelle incidence pourra-t-il avoir sur le cours des choses? On estime que l'apport de ce travail va se situer à plusieurs niveaux: politique, sécuritaire, social et juridique. En définitive, il sera certainement adopté comme un travail de commission qui a abouti, qui a été ficelé et remis. Reste à en apprécier le contenu.