Dans un peu plus d'un mois, elle devrait ficeler son rapport final et le remettre à l'appréciation du Président de la République. Ce rapport, de par la rigueur qu'il s'est imposée, la masse d'informations qu'il a collectée et les pistes qu'il a ouvertes, sera très attendu, d'autant plus que celui de la Commission Issad a été largement discrédité autant par le discours officiel que par la presse, critique en général. La remise des copies du rapport de la Commission parlementaire présidée par le docteur Ahmed Bayoudh, député indépendant, coïncidera avec la rentrée sociale et la reprise des travaux à l'Assemblée. On parle, d'ores et déjà, d'un volumineux travail qui s'étalera sur plusieurs centaines de pages et essayera de jeter un éclairage puissant et profond sur les événements qui ont ensanglanté la Kabylie et secoué l'Est du pays durant plus de trois mois. L'enquête des parlementaires n'a omis aucune piste, n'a tourné le dos à aucun détail, et s'illustre surtout par sa façon de procéder à l'exposé du problème, en ce sens qu'elle a parfaitement lié la crise qui a éclaté en Kabylie aux événements antérieurs et postérieurs, externes et internes. Car en détachant les événements du contexte global dans lequel ils ont évolué, la Commission Issad a procédé à une sorte de collecte d'informations qui ressemble plus à du journalisme événementiel et immédiat qu'à une véritable mission d'investigation. Le rapport Bayoudh s'articule autour de trois axes de travail. Le premier a consisté en l'audition de responsables de toutes les parties concernées, de personnalités politiques, telles que le ministre des Affaires étrangères et de l'Intérieur, etc. Le deuxième a consisté en des visites et «descentes» sur terrain. Quatre groupes de travail ont planché autour de cet axe : un groupe pour Tizi Ouzou, un autre pour Béjaïa, un troisième pour Bouira, et le dernier pour Sétif et Bordj Bou-Arréridj. Ces groupes ont vérifié sur place certaines affirmations, ont essayé d'éclairer certaines zones d'ombre et plusieurs parties ont été interrogées dans ce cadre: officiels procureurs, société civile, témoins oculaires, partis politiques... Ce travail, sur terrain, a buté, d'abord, sur l'animosité affichée et les réticences rencontrées, dues principalement à la mauvaise publicité, dont la commission Bayoudh avait été l'objet. Mais, chemin faisant, affirme Ahmed Bayoudh, «les gens ont constaté que nous voulions faire notre travail avec un maximum de rigueur et d'impartialité». Un groupe complémentaire a été dépêché à l'Est, aux fins d'y chercher les liens ombilicaux qui pouvaient exister entre la crise qui y a éclaté et celle de Kabylie. Un dernier axe de travail a consisté à recevoir des témoignages par courrier et par fax, à accueillir des gens dans l'enceinte même de l'Assemblée, puis à les auditionner et tout enregistrer sur cassette vidéo et audio. Outre ces points, l'on peut trouver dans le rapport, qui est en voie de finalisation, des chapitres traitant de la récupération interne ou externe de la crise de Kabylie, les connexions maffieuses qui s'y sont nouées, le rôle positif ou négatif des partis et des mouvements politiques, le rôle de certaines personnes qui ont payé des émeutiers pour détruire certains édifices, et les scénarios mis en place dans certaines villes, afin de permettre à certaines chaînes de télévision françaises d'alimenter leur JT. De par les pistes qu'il a empruntées, le rapport Bayoudh promet des révélations importantes sur un drame, dont les effets brouillent encore toute appréciation et font planer de larges zones d'ombre sur les véritables manoeuvriers de la crise.