Les conclusions des quatre ateliers pour la mise en oeuvre de la plate-forme d'El-Kseur attendent désormais d'être accréditées par l'Etat. Les délégués et membres des ârchs, daïras et communes, qui ont travaillé en atelier durant une semaine pour la mise en oeuvre de la plate-forme d'El-Kseur, ont finalement rendu public, le 13 décembre dernier, un communiqué pour le moins significatif. Significatif dans la mesure où une prise de position assez pointue a été relevée dans le discours de ces dialoguistes, en quête d'une crédibilité plus avérée auprès de la population kabyle. Les travaux des ateliers ont porté donc l'empreinte de la revendication la plus drastique et ont ainsi rompu avec l'image des «pseudodialoguistes» que les délégués ont acquise séditieusement. Pour ce qui est, d'abord, du statut de tamazight, les membres des ârchs exigent que cette dernière soit consacrée comme une «langue nationale et officielle» et que sa concrétisation doit se faire «avant toute consultation électorale», sans préciser néanmoins de laquelle il peut bien s'agir. D'autant plus que les prochaines législatives sont pour très bientôt et que le Président avait promis de revoir le statut de tamazight lors d'une prochaine révision constitutionnelle. Les délégués veulent, dans ce sens, que la consécration de langue soit «institutionnelle et constitutionnelle» et qu'elle se traduise «par un statut et des moyens identiques à ceux octroyés à la langue arabe». Les observateurs sont, par ailleurs, intrigués par ces revendications, combinées comme elles sont à des impératifs temporels intrigants et qui prêtent à équivoque! N'est-il pas vrai qu'une consécration de cette ampleur, quand bien même elle serait satisfaite, demandera certainement du temps? Ce que les dialoguistes refusent vraisemblablement de concéder pour des fins encore obscures. Les délégués demandent, en outre, «le départ de la gendarmerie et des URS». Un départ perçu comme un «impératif incontournable» car, précisent-ils, «la présence de ce corps est devenue insupportable, au point d'être perçue et ressentie comme une agression intolérable aux yeux des citoyens». Pour pallier ce départ pressant, les délégués pensent à un simple «corps civil de sécurité de remplacement» sans autre commentaire. Ils demandent, également, la mise en place d'une commission d'enquête qui remplacerait celles de Mohand Issad et de Bayoud. Elle sera, selon eux, «composée de personnalités indépendantes, intègres et ayant l'aval des familles des morts, des blessés et des représentants du mouvement citoyen» et bénéficiera de l'engagement officiel de l'Etat au respect total de toutes ses conclusions. L'atelier portant sur les réparations dues aux victimes a été, pour le moins, le plus spécifique. Les dialoguistes ont exigé de l'Etat «la reconnaissance officielle et publique de ses responsabilités unilatérales, pleines et entières» dans les événements qui ont endeuillé la Kabylie. C'est pourquoi ils ont demandé des réparations qui varient du statut d'invalide ou de mutilé à celui de martyr en passant par une demande d'annulation de toutes les poursuites à l'encontre des manifestants ainsi que la prononciation d'un non-lieu au profit des manifestants mis en cause. Les délégués demandent par ailleurs «la protection assortie de garanties publiques et juridiques pour tous les témoins du drame». Les revendications socio-économiques ont, quant à elles, traité beaucoup plus du général que du spécifique. Ainsi ne pouvait-on relever de notable que la demande expresse des délégués des ârchs à mettre en place «un plan socio-économique d'urgence» qui puisse répondre à la situation actuelle de la région et qui impliquerait «la mise en place de mesures incitatives performantes (et) une politique fiscale appropriée». Tout le reste se rapporte à des revendications plutôt générales. Hormis les questions qui s'inscrivent dans l'ordre des droits de l'Homme, de la démocratie et de la citoyenneté, les délégués ont exigé «un plan de lutte contre la hogra, la corruption, les passe-droits et toute forme de discrimination et d'exclusion empêchant l'exercice des droits citoyens». Ils ont, aussi, insisté sur la réforme éducative. La refonte du système éducatif doit être, précisent-ils, «résolument tournée vers la modernité, les valeurs universelles et républicaines». Dans ce sens, «il faut revenir (selon eux) à l'enseignement des matières scientifiques dans la langue véhiculaire en vigueur», le français en l'occurrence, et «bannir tout programme d'endoctrinement religieux». Les dialoguistes veulent, en outre, la consécration d'un Etat de droit par «la séparation des pouvoirs» et par une justice qui garantirait «l'égalité des citoyens devant la loi, sans aucune distinction. En particulier, l'égalité entre l'homme et la femme dans tous les domaines». Outre cette tentative, pour ainsi dire, d'intégrer dans leur réflexion le Code de la famille, les délégués ont même versé dans le militantisme syndical en proposant la mise en place «d'une allocation chômage et d'aide à la recherche de l'emploi à hauteur de 50% du Snmg».