Les chefs des séparatistes catalans subissent de fortes pressions pour arrêter tout La Catalogne vivait hier des heures d'extrême incertitude alors que son président séparatiste n'écarte toujours pas une déclaration d'indépendance dès aujourd'hui si Madrid refuse une médiation, après un week-end où des centaines de milliers de Catalans lui ont demandé de renoncer. «Nous avons ouvert la porte à la médiation, nous avons dit oui'' à toutes les possibilités de médiation qui nous ont été présentées. Les jours passent et si l'Etat espagnol ne répond pas de manière positive, nous, nous ferons ce que nous sommes venus faire», a dit Carles Puigdemont dans un entretien avec la télévision publique catalane diffusé dimanche soir. De la décision que Carles Puigdemont et des siens dépend le sort de 16% de la population espagnole qui vit dans cette région contribuant à hauteur de 19% au PIB de l'Espagne. Soufflant le chaud et le froid, le président indépendantiste catalan avait déjà auparavant promis d'aller de l'avant si le gouvernement du conservateur Mariano Rajoy n'acceptait pas de négocier un référendum légal sur l'indépendance, ce que ce dernier n'envisage dans aucun cas de figure. Mais cet élan séparatiste qui va crescendo depuis plusieurs années divise l'Espagne et la Catalogne elle-même. «Prou! Recuperem el seny» (Assez! Retrouvons la raison), ont clamé dimanche les opposants à cette sécession, qui représentent près de la moitié des quelque 7,5 millions d'habitants de cette région du nord-est de l'Espagne, grande comme la Belgique. Selon les organisateurs, ils étaient près d'un million et selon la police municipale, 350.000: des Catalans et des Espagnols venus d'ailleurs ont déferlé dimanche dans le centre de Barcelone pour défendre «l'unité de l'Espagne», à l'issue d'une semaine d'émotion et d'angoisse dans tout le pays. Le vice-secrétaire du Parti conservateur, Javier Maroto, a salué hier le réveil de «la majorité silencieuse», un «tournant» dans la crise, selon lui. «Il n'est pas possible d'imposer cette déclaration unilatérale d'indépendance à sept millions de Catalans», a également estimé le quotidien catalan la Vanguardia dans un éditorial sans équivoque. Le 1er octobre s'est tenu en Catalogne un référendum d'autodétermination interdit, marqué par des violences policières lorsque les forces de l'ordre dépêchées par Madrid ont tenté de l'empêcher dans une centaine de bureaux de vote. Les scènes montrant des policiers matraquant des Catalans pacifiques ont choqué l'opinion. Les séparatistes catalans estiment avoir remporté ce scrutin boycotté par leurs opposants avec 90% des voix et un taux de participation de 43%. Assez, disent-ils, pour déclarer l'indépendance. Et tous s'attendent à ce que cette déclaration, si elle intervient, se produise lors d'une séance au parlement catalan où Carles Puigdemont doit s'exprimer ce soir. Une éventualité qui semble crédible aux yeux d'une quinzaine de grandes sociétés, dont deux grandes banques, CaixaBank et Banco de Sabadell, qui depuis jeudi se sont impliquées dans la bataille en décidant de transférer leur siège social hors de Catalogne. Les milieux d'affaires devaient continuer à accentuer la pression sur l'exécutif catalan lundi, alors que de nouvelles entreprises pourraient décider de faire également leurs cartons, dont le groupe autoroutier Abertis qui réunissait son conseil d'administration hier, selon une source proche du dossier. Les entreprises basées en Catalogne sont «terriblement inquiètes», avait souligné dimanche auprès du quotidien conservateur ABC Juan Rosell, le président de la confédération espagnole des entreprises (Ceoe), principale organisation patronale espagnole. Dans un entretien avec le quotidien El Pais, Mariano Rajoy a aussi demandé à ce que «la menace de déclaration d'indépendance soit retirée le plus rapidement possible». Et dans le cas contraire? «Je n'écarte rien», a-t-il répondu au journal qui l'interrogeait sur l'application de l'article 155 de la Constitution permettant de retirer son autonomie à la région. Si Carles Puigdemont va de l'avant, une suspension de l'autonomie de la Catalogne de la part de l'Etat pourrait à son tour entraîner des troubles dans la région où les manifestations se succèdent depuis des semaines. «Ne poussez pas le pays vers le précipice», a imploré l'ancien ministre socialiste Josep Borrell, ex-président du Parlement européen, dans un discours de clôture de la grande manifestation de Barcelone. L'ancien secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, a appelé les deux parties à résoudre la crise «par le dialogue». Mais l'Assemblée nationale catalane, une des plus puissantes associations indépendantistes de Catalogne, a assuré dans une vidéo diffusée dimanche soir: «le mardi 10 octobre, déclarons l'indépendance».