Une journée noire pour l'Algérie On s'en souvient, en l'espace de quelques secondes, à El-Asnam aujourd'hui Chlef, dans la journée du vendredi 10 octobre 1980 à 13h20mn, un terrible tremblement de terre fut ressenti jusqu'à Alger, Tissemsilt, Tiaret et Oran, d'une magnitude de 7,7 sur l'échelle de Richter. La ville d'El Asnam a connu deux tremblements de terre majeurs, le premier le 9 septembre 1954, bilan: 1340 morts et 5000 blessés, et le second le 10 octobre 1980 qui a détruit la ville à 80%. Suite à ce dernier tremblement de terre, la ville se renommera Chlef. C'était une bien triste journée pour plus de 3000 personnes qui ont péri ce jour-là et plusieurs centaines de disparus, et près de 8000 blessés ont été retrouvés sous les ruines de leurs habitations. Aujourd'hui, il ne reste que quelques pans, témoins de ce que fut El Asnam autrefois. Il faut rappeler que Chlef a enduré de fréquents séismes (1922, 1934, 1954, 1980), les autorités ont décidé de rebaptiser la ville qui porte depuis 1981 le nom de Chlef, suite à ce dernier tremblement de terre. Une pensée est dédiée ici à notre cher regretté Ahmed Wahbi qui a consacré une chanson spéciale au deuil du séisme 1954 d'El Asnam (Hozni alyk ya El Asnam). Sans oublier. Paul Robert,éditeur français né à (Orléansville) aujourd'hui Chlef où il a fait ses études primaires et secondaires puis supérieures à la faculté centrale d'Alger. Il est universellement connu aujourd'hui comme l'auteur du dictionnaire du Petit Robert. Son père et son oncle ex- maire de la ville ont grandement contribué à la reconstruction de Chlef avant et après le séisme de 1954. D'après le dernier recensement datant d'avril 2008, Chlef est la 9è grande ville du pays de par sa population qui a largement dépassé le million d'habitants (après Alger, Oran, Tlemcen, Constantine, Annaba, Batna, Blida et Sétif). Les sinistrés de Chlef Ce que l'on peut retenir aujourd'hui, 37 ans après... Certes, la ville de Chlef durant cette dernière décennie a connu un sursaut salutaire en matière de réalisations de logements, d'équipements collectifs et d'infrastructures à la faveur des programmes quinquennaux de l'Etat, qui s'avèrent d'une nécessité certaine pour les satisfactions des besoins des citoyens, mais sans pour autant avoir eu un impact soutenu pour la reconstruction de Chlef dite 3è phase(sous-entend remplacement des baraques en dur), à l'instar des villes de Boumerdès et Aïn Témouchent. En effet, les séquelles du tremblement de terre sont toujours là, la majeure partie de la population sinistrée habite toujours dans les chalets préfabriqués que les Chélifiens appellent les baraques. Il y a lieu de savoir que le nombre de chalets (baraques) est de près de 20 000 unités réparties sur quatre zones d'habitation nord-sud et est-ouest. Ces quatre sites sont situés dans le périphérique de la ville. Inaugurés en 1982, les préfabriqués sont aujourd'hui à un stade d'usure avancé naturellement prévisible qui, selon les experts leur durée de vie ne doit en général pas dépasser 10 ans. Ce qui compromettait ainsi le développement urbain et le faisait ressembler visiblement à des zones rurales, malgré la réalisation de programmes de logements et d'équipements collectifs de l'Etat qui ne cesse d'augmenter. Ces préfabriqués constituent le premier embryon de la deuxième phase du programme d'urgence que l'Etat avait adopté pour l'implantation aux quatre coins de la ville afin de reloger les sinistrés transitoirement en attendant la reconstruction de Chlef prévue dans la troisième phase, qui a été oubliée. De l'avis des sinistrés, l'aide financière de 120 millions de centimes accordée par l'Etat en deux tranches à chaque sinistré pour l'aider à construire son propre logement en dur demeure bien en deçà de leurs moyens, vu que la quasi-totalité de la population sinistrée est composée aujourd'hui de la couche sociale à faibles revenus, à savoir retraités, salariés, chômeurs. C'est certainement le problème majeur qu'éprouvent les sinistrés de Chlef pour procéder au remplacement de leurs baraques en dur. L'une des raisons pour lesquelles, ces derniers ont préféré aujourd'hui la réhabilitation en apportant quelques aménagements à leurs habitations précaires. Retraçons brièvement l'histoire selon les écrits des historiens de la ville d'El-Asnam, l'actuelle Chlef, évoquant dans son nom les racines de l'oued Chéliff, le grand fleuve d'Algérie long de 750km. Anciennement El Asnam, le site de l'ancienne Castelum Tinginitum, à l'époque romaine, avait la particularité de rassembler parmi les ruines de nombreuses sculptures sur pierres d'où son appellation El Asnam puis Orléansville qui, à l'époque de la colonisation française, fut créée par décret du 31 décembre 1856. Ferdinand Duboc est élu premier maire de la ville. Après l'indépendance, la ville reprend son nom d'origine El-Asnam. La ville de Chlef, née de sa position géographique est une région riche d'un patrimoine millénaire, notamment ses vestiges et la plus ancienne église d'Afrique inaugurée en 426 par saint Réparatus qui traduisent le passage de plusieurs civilisations: romaine, islamique, ottomane et bien sûr, française. La wilaya de Chlef constitue un creuset patrimonial culturel et historique qui a participé à l'enrichissement de la civilisation arabo-musulmane par l'apport d'érudits considérés comme les pères spirituels de la Révolution algérienne au niveau de la région de Chlef et du Dahra. Ils faisaient partie de l'Association «Djemââ Ouléma (Savants musulmans algériens)» entre autres Ibn Yekhlef, Cheikh Ibn Eddine Zerrouki, Ibn Abdeslam Abou Eshak El Tensi, Cheikh El Boudali El Farissi, Cheikh Ahmed Ataba Ben Atba, le mufti Bouabdelli. La mosquée de la ville, dont le projet de construction date de 1872 a reçu ses fidèles en 1889. Chlef s'affirme donc comme une ville stratégique conquise et reconquise tout le long de son histoire qui remonte au début de l'occupation romaine en Afrique du Nord, connue alors sous le nom de Castelum Tingitum. Les Romains la choisirent en s'installant dans la vallée du Chéliff au premier siècle de l'ère chrétienne. Chlef a été le royaume de la grande dynastie berbère des Maghraoua, selon Ibn Khaldoun, avant les Turcs. Le XVe siècle verra l'arrivée des Ouled Kosseir, une tribu Djouads (noblesse militaire) dite d'origine koraïchite (des béni Makhzoum) qui devient l'une des tribus les plus puissantes et les plus riches de la vallée du Cheliff.La ligne ferroviaire a été inaugurée par les trains en provenance d'Alger et d'Oran en 1870, suivie de celle de Chlef-Ténès qui est abandonnée aujourd'hui à son triste sort. Durant la révolution armée de 1954, la région faisait partie de la Wilaya IV historique, et a contribué à la libération du pays sous le commandement du colonel Youcef Khatib dit «Si Hassan» issu d'une famille révolutionnaire de Chlef. La mémoire collective retiendra ses grands martyrs de la guerre de Libération nationale (1954-1962),qui ont marqué l'histoire du pays entre autres le commandant Si Djilali Bounaâma(le grand boulevard du centre-ville porte son nom), Hassiba Benbouali(le pôle universitaire de Chlef porte son nom), les soeurs Bedj (le grand hôpital de Chlef porte leur nom), Khelif Benouali dit Si Hadj M'hamed(l'hôpital de la banlieue de Chorfa porte son nom) et son adjoint dit Si Allal, Djouba M'hamed, Maâmar Sahli et Mikioui (torturés et guillotinés à la prison de Serkadji d'Alger), Khaldi Benali, Nasri dit Nini, chahid Klouche Ahmed (Champion du monde junior en cross-country), Boumezrag Mohamed l'enfant de Chlef est l'ancien footballeur professionnel, son nom est intimement lié à l'histoire de la glorieuse équipe du FLN dont il a mis en place une équipe de football en 1958, composée de joueurs évoluant en France et la liste est longue. Sans oublier le club sportif de la ville (ASO) qui a milité pour la cause nationale et qui eut son lot de martyrs entre autres, Bebi, Dahmani, Choucha, Belkacemi Messaoud, Messabih Maâmar, Nasri dit Nini, Klouche Ahmed,Ferdji, Boumansoura Hocine, Yahi M'hamed, Rab Aek, et d'autres emprisonnés comme Berrah, Slimani, El Houari Belkacem... Cette ville se place aujourd'hui dans un contexte régional avec quatre wilayas limitrophes et jouit d'une position dominante. Elle est située au centre du pays entre le nord-ouest et le sud -nord, à la limite entre le centre et l'ouest du pays, à 200 km d'Alger. Chlef, prépare un avenir meilleur pour une future capitale régionale connaissant une région agro-industrielle, touristique et véritable carrefour des activités commerciales qu'attirent les populations de toutes les wilayas limitrophes. Elle reliait la capitale à la deuxième ville d'Algérie, Oran.La ville qui est traversée par l'oued Cheliff long de 750 km est abandonnée à son triste sort, ses forêts urbaines sont un véritable poumon vert et s'ouvrent au sud sur les Hauts-Plateaux et au pied des monts de l'Ouarsenis, et au nord les monts du Dahra qui surplombe la ville de Chlef, à une cinquantaine de kilomètres de la côte méditerranéenne qui s'étale sur plus de 120 km de littoral, à l'ouest sur les wilayas de Relizane et Mostaganem, et à l'est sur les wilayas de Aïn Defla et Tipasa. La wilaya de Chlef pourrait devenir un pôle régional compte tenu de sa situation géographique, car elle est le grand carrefour de transit et d'échange du commerce en plein développement et de l'importance de ses ressources et potentialités notamment agricoles: les plaines du Cheliff (haut Chéliff, moyen Cheliff et bas Cheliff) qui constituent des périmètres à haut potentiel de production, touristique et une ville en pleine expansion industrielle qui est composée essentiellement par les industries du ciment, des plastiques et caoutchoucs, des céramiques, des mines et carrières, de productions de GPL(butane et propane), verre, marbre, lait et dérivés, concentré de tomate, jus de fruits, huile d'olive...Chlef est aussi liée à la célèbre fête des Oranges qui se tenait chaque année, car elle est connue pour être la ville des agrumes de bonne qualité, des blés d'or, vignobles, oliviers, apiculture, légumes, arboriculture, dont des oranges de réputation mondiale pour ses agrumes de haute qualité avec plusieurs variétés qui s'exportaient vers l'étranger tels que l'orange, la mandarine, le pamplemousse...). Il existe trois ports de pêche à Ténès réputée pour sa sardine de haute qualité, deux autres à El Marsa et Beni Haoua, ainsi que deux stations de dessalement d'eau de mer à Ténès et Beni Haoua qui alimentent une grande partie des populations de la wilaya. En plus de ses potentialités, sa richesse touristique se justifie davantage, compte tenu de l'existence d'un relief diversifié avec ses forêts de pins d'Alep, nous rappelle aussi à son bon souvenir, où il fait bon vivre malgré la chaleur qui, parfois, semble suffocante en été. On respire les arômes des fleurs des orangers, son ensemble architectural d'une belle ville du pays avec ses «lumières et beautés». Chlef offre une vue splendide sur l'axe routier Alger et Oran pour ceux qui l'ont connue avant le séisme de 1980, c'était la belle époque qu'offrait El Asnam, la merveille de l'ancienne ville, l'une des plus modernes villes d'Algérie où l'ambiance était permanente à travers ses splendeurs d'une merveille architecturale et ses rues et boulevards carrelés et rayonnants, étaient arrosés chaque soir au moyen de camions arroseurs qui nettoyaient complètement la ville, les espaces verts et les arbres, le ficus, le sapin, le pin, l'eucalyptus décoraient toute la ville en harmonie avec les normes de l'urbanisme. Ses cafés (la Rotonde et Ben Opéra), ses cinémas (le Club, l'Orléans et Gougeons), son musée archéologique, ses piscines semi-olympiques, son royal Hammam Es Soltane, son grand complexe sportif et culturel (le Creps) aujourd'hui Larbi- Tébessi, son grand hôpital moderne, ses habitations avec balcons et terrasses fleuris, ses édifices publics (l'Hôtel des finances, la Grande Poste, le lycée As Salemet l'école l'allement, la mairie, la cité administrative, la préfecture, la gare ferroviaire, le bâtiment des ponts et chaussées, les grands hôtels du Chélif, Beaudouin et le motel qui surplombe l'oued Cheliff...), ses vergers agrumicoles les plus importants après la Mitidja, ses sources et cascades, sa verdure, ses forêts urbaines, un véritable poumon vert, son superbe jardin public renferme une riche variété florale, son grand canal hydraulique qui traversait la ville, son marché couvert à étages. Chlef était aussi une ville propre. C'est aussi son grand complexe culturel et sportif du centre Albert-Camus, aujourd'hui rebaptisé Larbi-Tebessi du nom d'un aâlem assassiné en 1957, pensé et construit entre 1955 et 1960, ses équipements culturels, le théâtre et ses salles annexes maintiennent une activité où se retrouvent les jeunes et les artistes. Ses équipements sportifs, pistes de course, terrains de volley-ball, basket-ball et tennis, piscine... Les citoyens d'honneur Il serait vain de parler de Chlef sans évoquer par ailleurs, le devoir de mémoire aux grands hommes en reconnaissance de leurs sacrifices qui ont marqué l'histoire de la ville de Chlef ou du pays par leurs oeuvres ou leurs talents. Ces valeureux hommes qui nous ont quittés ou qui viennent juste de nous quitter et qui ont joué un rôle très positif dans la société et l'Etat algérien, comme: le mufti cheikh Bouabdelli, cheikh Boudali dit El Farissi, cheikh Atba, cheikh Saïdi, Hadj Brahim Achit, cheikh El Medjadji qui ont mis leur savoir au service de la société et l'intérêt suprême du pays avant et pendant l'indépendance. Les Djabbour, Chorfa Belkacem, Benali, Aoufène tous ex- maires qui ont oeuvré avec compétence et intégrité et ont accompli honorablement leurs mandats d'élus faisant d'eux les militants d'honneur. Les Boumezrag (l'enfant de Chlef, son nom est intimement lié à l'histoire de la glorieuse équipe du FLN), Slimani Ahmed,Benaouarane, Ouled Larbi, Hadj Brahim Senouci, El Houari Belkacem, si Bouali Sayah, cheikh El Mokrani, Klouche Abdelkader, Sayah Menouar, Kouadri Bouali, Miloud Ali Hadji, docteur Bensouna Abdelkader (médecin), cheikh Mahdi, cheikh Djazouli, Ait Saâda Maâmar, ont tous montré leurs capacités dans la formation de plusieurs générations et leur amour porté si haut pour la ville, faisant d'eux les citoyens d'honneur.