Quand on aspire à réduire la facture d'importation de 10 milliards de dollars, peut-on se permettre de dépenser 20 millions de dollars pour de la mayonnaise et 25 autres millions de dollars pour du chewing-gum? Surréaliste, mais, malheureusement, vrai. L'Algérie a importé pour 20 millions de dollars de mayonnaise! Cette lourde facture est pour le moins surprenante, sachant que les réserves de changes du pays, qui passent par une grave crise financière, s'amenuisent. Ce montant est du ministre du Commerce lui-même, qui, auditionné par la commission des finances et du budget de l'APN dans le cadre de l'examen du PLF pour 2018, a également précisé que l'Algérie a importé pour 25 millions de dollars de graines de tournesol. Ce membre du gouvernement a annoncé que son département tend à réduire les importations à 30 milliards de dollars en 2018, soit une baise de 10 milliards de dollars et cela grâce à de nouveaux droits de douane, des taxes internes sur la consommation ainsi que l'établissement d'une liste de produits avec étiquettes. Louable objectif visant à rééquilibrer le budget de l'Etat dans les cinq prochaines années et à protéger la production nationale. Mais la question qui s'impose est celle de savoir si réellement l'Algérie réussira à réduire sa facture d'importation de 10 milliards de dollars? Il y a des raisons d'en douter. Même en réduisant les 20 millions de dollars de mayonnaise, les 25 millions de dollars de chewing-gum, les 300 millions de dollars de sardine congelée ou encore les deux millions de dollars de chips, l'Algérie risque de ne pouvoir faire baisser sa facture d'importation à 30 milliards de dollars. Car il ne faut pas oublier que pour soutenir la sphère économique, le ministre des Finances, Abderrahmane Raouia, qui a fait état, la semaine dernière, des grandes lignes de la politique financière nationale pour la période 2018-2020, a annoncé une augmentation de quelque 60% en 2018 des dépenses d'équipement. Et il n'y a pas que ce segment. Il n'y a celui de l'automobile également. En effet, la facture d`importation des véhicules de tourisme, qui avait coûté, rappelons-le, près de 1,3 milliard de dollars en 2016 et qui ne devait rien coûter à l'Etat en 2017 en raison du gel de cette opération, sa facture a cependant égalé plus de 600 millions de dollars pour les cinq premiers mois de l'année 2017! L'information a été communiquée, il y a quelques mois, par les services des douanes algériennes à l'agence de presse officielle APS, précisant que les dépenses ont concerné les importations de véhicules et d'accessoires automobiles. Ce qui reflète les graves dysfonctionnements qui règnent dans le secteur de l'automobile. En effet, la facture globale d'importation des véhicules de tourisme et des collections CKD s'est établie à 651,45 millions de dollars au 1er semestre 2017 avec 111,33 millions de dollars pour l'importation des véhicules neufs (reliquat des demandes de 2016) et 540 millions de dollars pour l'importation des collections CKD dans le cadre du montage industriel, contre 650,5 millions de dollars au même semestre 2016. La hausse enregistrée est certes légère, mais les montants communiqués ne concernent qu'un semestre et si les factures se maintiennent à ce niveau, l'Algérie dépensera au moins un milliard de dollars dans l'importation de véhicules et kits durant l'année 2017. Une facture qui risque de s'alourdir au vu de l'explosion de ce créneau, notamment avec l'annonce de 36 demandes de création d'usines de montage. Même si toutes ces usines ne seront pas agréées, il n'empêche que l'autorisation qui sera accordée même à une seule usine fera augmenter la facture d'importation dans le segment automobile. S'il est vrai que l'implantation de ces usines de montage est un investissement pour l'avenir permettant de créer de l'emploi et de réduire, à moyen termes la facture d'importation et d'augmenter les recettes hors hydrocarbures en devises, il n'empêche qu'en 2018, ces usines ne pourront qu'alourdir la facture d'importation et de ce fait, minimiser les chances de biaiser la facture d'importation à 30 milliards de centimes. La facture salée d'importation de kits de véhicules, celle des dépenses d'équipement ainsi que la facture de produits non essentiels expliquent parfaitement les raisons de douter de la baisse de la facture d'importation pour l'année prochaine. Un doute légitime puisqu'au rythme où va l'importation, même pour cette année, le gouvernement risque de ne pas atteindre son objectif de faire baisser la facture à 40 milliards de dollars.