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La réplique au tsunami de la révolution khomeyniste
ELECTIONS EN IRAN
Publié dans L'Expression le 02 - 07 - 2005

L´histoire de ce pays plonge ses racines dans les origines des civilisations humaines.
La République islamique d´Iran (de l´aryen «noble»), est un pays d´Asie occidentale (ou centrale); sa capitale est Téhéran (ou Téhran), la langue officielle est le persan et la monnaie le rial ; le calendrier officiel est le calendrier persan. L´Iran est entouré par le Pakistan, l´Afghanistan, le Turkménistan, la mer Caspienne, l´Azerbaïdjan, l´Arménie, la Turquie, l´Irak, le Golfe persique et la mer d´Oman. Le pays était connu en Occident sous le nom de Perse -provenant du nom de la province iranienne de Pârse- jusqu´en 1935, date à laquelle Reza Shah demanda à tous les pays liés diplomatiquement d´utiliser le nom par lequel les Iraniens ont toujours appelé leur pays: Iran.
L´histoire de l´Iran plonge ses racines dans les origines des civilisations humaines. C´est tout d´abord les dynasties des Kassites et Elam, du 4e millénaire av. J.C. jusqu´au 2e millénaire avant J.C., avec des civilisations à Babylone et à Suse, la dynastie des Mèdes, entre 2000 av. J.C. et 500 av. J.C. Plusieurs civilisations, non réunies cohabitent sur le plateau d´Iran. Ce fut ensuite la dynastie des Achéménides au VIe siècle av. J.-C., les Perses réunissent les civilisations mèdes et parthe: on note les premières déclarations des droits de l´homme bien avant ´habeas Corpus au XIIIe siècle en Angleterre et bien plus tard, la déclaration des droits de l´homme et du citoyen en Z à la fin du XVIIIe
siècle.
La Perse devient un vaste empire, contrôlant une région qui s´étend de l´Inde à la Grèce, le plus grand empire de l´humanité, de tous les temps. Par la suite, il y eut l´ invasion par Alexandre, qui adopte la culture perse, épouse une Perse: l´Iran est gouverné par les Séleucides, une dynastie gréco-perse. La fin de cette dynastie voit le retour des dynasties perses pures: l´empire parthe et sassanide.
Au VIIe siècle, L´Islam remplace le zoroastrisme, la religion des Perses, et l´Iran fait alors partie du Califat. Du IXe siècle - XXe siècle: plusieurs dynasties locales se succèdent, tahérides, saffarides, samanides, ghaznavides, buides, seldjoukides. Il y eut une iranisation des Mongols, la dynastie des Ilkhanians, l´invasion de Tamerlan et l´établissement de la dynastie timouride pis de la dynastie des Safavides. Le chi´isme devient la religion d´Etat.
Relations avec l´Occident
L´Iran c´est aussi la patrie de ´Omar Khayyâm brillant mathématicien et poète, c´est la patrie de Ar Razi grand médecin, c´est enfin, la patrie d´El Khawarizmi le père des logarithmes. Bref une grande partie des savants de l´islam sont d´origine persane.
En 1906, ce sera la révolution constitutionnelle. La mise en place d´une monarchie constitutionnelle sous les Qajars. En 1908, la découverte du pétrole à Masdjed y Suleiman voit le commencement des ingérences anglaises et françaises puis américaines. En 1925 ce fut le coup d´Etat de Reza Khan et la fondation de la dynastie Pahlavi. En 1953 le Premier ministre Mossadegh est limogé sur ordre des Américains (coup d´Etat de la CIA) et des Britanniques au profit du général Zahedi beaucoup plus conciliant. Le pétrole iranien est «pris en charge» par les majors. Le Chah Mohammad Reza Pahlavi est renversé en 1979 à la suite d´importants soulèvements populaires: La Révolution iranienne amène à la formation d´une République islamique, sous l´autorité de l´ayatollah Khomeyni.
Selon la Constitution de 1979, votée à la Révolution, toutes les institutions et les activités du pays sont fondées sur les principes de la charia. À la tête du pays se trouve le Guide, autorité religieuse suprême. Sous sa responsabilité, le pouvoir exécutif est détenu par le président de la République, chef du gouvernement, qui dispose d´un cabinet composé de 20 ministres. Le pouvoir législatif appartient à un Parlement de 290 députés élus tous les 4 ans au suffrage universel supervisé par un Conseil des gardiens de la Constitution. Il existe également un Conseil de discernement, composé de 25 membres désignés par le Guide à la tête duquel se trouve Hachemi Rafsandjani, renommé pour 5 ans en mars 2002. Le président de la République n´est qu´un des 4 «piliers» qui constituent l´autorité étatique: le Guide suprême, élu par l´assemblée des experts, elle-même élue au suffrage universel, le président du Conseil de discernement nommé par le Guide, le président du Parlement élu au suffrage universel et enfin, le président de la République. Dans ce système, c´est la «raison d´Etat», c´est-à-dire ce qui convient au pays et à l´ensemble des citoyens, qui prévaut sur tout le reste, y compris sur l´islam.
«Les décisions peuvent changer d´un jour à l´autre en raison de ce ballottage perpétuel. On peut critiquer le fonctionnement du régime iranien, en disant qu´il n´est pas "démocratique" au stricto sensu. Mais ce système, basé sur une double légitimité élections/islam, a fait ses preuves et dure depuis 26 ans. Les changements ont commencé à la fin de la guerre Iran-Irak, en 1988. Quel que soit le pouvoir en place, le processus va continuer. Beaucoup de journaux sont détenus par le courant réformateur et finissent par créer l´opinion publique. La grande nouveauté de cette présidentielle, c´est que pour la première fois, le gouvernement n´a pas de candidat officiel, représentant ses intérêts».
Rappelons toutefois que le pouvoir en Iran reste très étatiste. Dans une société multiethnique, l´Etat est chargé d´assurer une certaine cohérence. L´Iran n´est peut-être pas une démocratie en bonne et due forme comme on l´entend en Occident. Il n´y a pas de partis politiques et la dualité islam/pouvoir politique est constamment présente. Mais les institutions politiques qui régissent cette société donnent des résultats qui surprennent toujours, y compris les élus. Chaque élection suscite une mobilisation importante. La société iranienne est composée de multiples instances, d´associations, groupes, qui reposent tous sur un système électoral. Il s´agit donc d´une société démocratique, mais encore faut-il qu´elle ait des partis politiques ouverts...Les déclarations de George W. Bush sont quant à elles dénuées de fondement : l´administration américaine ne connaît pas la société iranienne, ses prises de position sont poussées par des clans d´opposition iraniens peu représentatifs de l´ensemble de la population. A Téhéran, le fonctionnement des institutions s´adapte très bien à l´islam.(1)
L´islam, est le grand absent de ces élections. La République islamique est à la croisée des chemins. Tout laisse croire que le régime est entré dans une nouvelle phase de son évolution. Tous les candidats, notamment les conservateurs, modérés et radicaux, ont fait un saut qualificatif dans leur vision de l´Iran et du monde. La démocratie, la liberté, le dialogue, le respect des droits humains, la reconnaissance de droits des groupes ethniques et religieux, la poursuite des réformes et la valorisation des sciences sont parmi les idées et concepts utilisés par tous les candidats, Toutefois, l´ancienne querelle artificielle entre la dualité iranienne, c´est-à-dire l´appartenance à la nation iranienne ou à l´Umma, la communauté musulmane, refait surface.(2)
Le vote des 28 millions d´Iraniens au second tour, soit plus de 59% des quelque 47 millions d´électeurs a provoqué un véritable tsunami en «Occident» et en Israël, qui avait misé sur Rafsandjani, présenté comme un modéré lui, qui il n´y a pas si longtemps était diabolisé en apparatchik usé par le pouvoir et dit-on immensément riche de part sa durée dans le sérail. En effet, d´après les résultats définitifs annoncés samedi 26 juin par la Télévision publique, le maire de Téhéran l´a emporté avec 61,6% des voix, contre 35,9% à son rival.
«Notre grande mission aujourd´hui consiste à édifier en Iran une société islamique exemplaire, développée et puissante», a déclaré Mahmoud Ahmadinejad. Il a aussi estimé que« dans l´âpre guerre psychologique en cours, (l´Iran) a mis échec et mat tous ses ennemis par sa large participation». Au-dessus de cela, il y a l´honneur de rendre service, que ce soit comme maire, comme président ou comme balayeur des rues, a dit celui qui n´avait pas hésité à se produire dans une tenue d´éboueur. «Je demande à Dieu de m´aider à assumer la lourde responsabilité qui m´a été confiée».
La réaction des Etats-Unis n´a pas tardé après l´élection de Mahmoud Ahmadinejad à la tête de l´Iran. Pour Washington, l´Iran reste toujours aussi «déphasé» par rapport au vent de liberté qui a soufflé dans le reste de la région. Sur le plan nucléaire, le principal souci de Washington est que cette élection puisse avoir un impact sur les efforts conjoints pour décourager Téhéran de développer des armes nucléaires. Les Etats-Unis considèrent l´Iran comme l´un des principaux pays soutenant le terrorisme, l´intégrant de ce fait, dans «l´axe du mal». De son côté, le ministre britannique des Affaires étrangères, Jack Straw, a espéré samedi que «l´Iran prendra rapidement des mesures pour répondre aux inquiétudes internationales au sujet de son programme nucléaire et des politiques en matière de terrorisme, de droits de l´homme et du processus de paix au Proche-Orient».
Que devient le Grand Moyen-Orient?
Ce qui peut expliquer l´intérêt de l´Occident pour l´Iran, c´est la nécessité d´avoir en place un gouvernement conciliant. L´histoire politique du XXe siècle est celle des intrigues occidentales pour accaparer les ressources pétrolières. On se souvient que le Chah à l´article de la mort en 1979, fut lâché par ses protecteurs américains.
La nouvelle hausse des cours pétroliers a permis à l´économie iranienne de respirer à nouveau, mais elle n´a pas suffi à résoudre les problèmes économiques structurels d´une population de 76 millions de musulmans et c´est cela qui inquiète l´Occident et Israël. Les réserves de pétrole et de gaz sont les quatrièmes au monde.
Le nouveau président élu de l´Iran a tenté de rassurer l´Occident en affichant une ligne modérée et en réaffirmant son attachement au dialogue avec la «troïka» européenne sur le dossier du nucléaire. Sa victoire, vendredi, a provoqué une onde de choc dans les chancelleries occidentales. Il a tenu à préciser que ces discussions continueraient «sur la base des intérêts nationaux de l´Iran». Et à l´adresse des Etats-Unis, plus que jamais «sceptiques» sur ce pays présenté comme l´un des maillons de l´«axe du Mal» dénoncé par George W.Bush, Mahmoud Ahmadinejad a estimé que l´Iran n´avait pas besoin d´entretenir des liens avec Washington.
«Nous avons besoin de cette technologie à des fins énergétiques et médicales. Nous poursuivrons sur cette voie», a-t-il martelé. Interrogé sur les discussions avec la «troïka» européenne (France, Allemagne et Grande-Bretagne), le président a répondu: «Nous poursuivrons les pourparlers avec, à l´esprit, la défense des intérêts nationaux et le droit de la nation iranienne d´avoir recours à une technologie nucléaire pacifique».
Devant les journalistes, Ahmadinejad, a aussi promis de combattre la corruption dans le secteur stratégique du pétrole. «La lutte contre la corruption et la bureaucratie dans tous les secteurs, y compris celui du pétrole, fait partie de la politique de notre gouvernement», a-t-il dit. Pour le quotidien téhéranais Kayhan, la victoire d´Ahmadinejad signifie que «le complot américain de démocratisation dans la région a fait long feu».
Le ministre israélien des Affaires étrangères, Silvan Shalom, a jugé que l´élection en Iran avait été antidémocratique et a exhorté la communauté internationale à hausser le ton avec le régime islamique de Téhéran. «Nous ne considérons pas cette élection comme démocratique, en aucune mesure. Confrontée à la menace nucléaire iranienne, la communauté internationale doit, plus qu´auparavant, formuler une politique unifiée et sévère à l´égard de l´Iran», a-t-il déclaré. Il a donc exhorté le Conseil de sécurité de l´ONU à «prendre en charge» le dossier du nucléaire iranien. Israël met fréquemment en garde contre la menace iranienne, accusant Téhéran de chercher à se doter d´armes nucléaires capables d´atteindre le territoire israélien. «Israël exige que l´Iran, sous sa nouvelle présidence, ne soutienne pas le terrorisme international».(3)
Personne n´ose demander à Israël de signer le traité de non-prolifération et d´expliquer pourquoi elle détient un arsenal atomique capable d´anéantir plusieurs fois les Arabes, c´est en fait pour cela qu´il a été conçu avec l´aide de l´Occident (France, Allemagne, Grande-Bretagne et Etats-Unis) qui veut interdire à l´Iran de prétendre un jour à la possession de la technologie nucléaire. Plus que jamais, c´est la justice à deux vitesses, de deux poids, deux mesures. Il est fort probable que les Etats-Unis n´ouvriront pas une fois de plus la boîte de Pandore, pour trois raisons majeures. Malgré leur désir de dominer la scène énergétique mondiale, l´expérience de l´Irak leur fait passer l´envie de récidiver.
De plus, ils ne voudront pas introduire un nouveau chaos dans l´économie mondiale et les prix du pétrole. Enfin, en cas de conflit, ils seront vraisemblablement seuls, Tony Blair ne voudra pas risquer un embourbement. Par contre, les Etats-Unis peuvent, comme pour le réacteur irakien Osirak, laisser Israël bombarder la centrale de Bouchaïr au besoin en les ravitaillant en vol. Les prochains mois sont lourds de menace. La démocratie aéroportée est plus que jamais une vue de l´esprit, bien que les peuples musulmans aient plus besoin d´un grand vent de liberté que d´un parfum de paradis selon le mot de Burhan Ghalioun.(4).
1. Fariba Adelkhah : Propos recueillis par Chiara Penzo Nouvel Observateur vendredi 17 juin 2005.
2. Un ultra-conservateur prend la tête de l´Iran NouvelObs.com 25.06.05.
3. AP dimanche 26 juin 2005.
4. Burhan Ghalioun : Islam et politique. Editions Casbah. Alger. 1997.


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