L'épéhémère président catalan, Carles Puigdemont en exil en Belgique, au moment où la crise en Catalogne prend d'autres proportions avec l'intervention de la justice Le président catalan destitué par Madrid et exilé à Bruxelles, Carles Puigdemont, est depuis vendredi soir sous le coup d'un mandat d'arrêt européen émis par la justice espagnole devant laquelle il a refusé de comparaître. Une semaine après la proclamation de la «République de Catalogne», restée sans effet et aussitôt suivie d'une mise sous tutelle de la région par Madrid, une juge d'instruction a émis un mandat d'arrêt européen à l'encontre de M.Puigdemont et de quatre de ses «ministres» repliés en Belgique pour «rébellion, sédition, détournement de fonds publics et désobéissance à l'autorité». Ils étaient arrivés lundi en Belgique alors qu'ils devaient être entendus par la magistrate jeudi avec neuf autres membres de l'ancien exécutif catalan. Six membres du bureau du parlement régional étaient simultanément auditionnés devant une autre juridiction. Le parquet fédéral belge a confirmé vendredi soir la réception du mandat d'arrêt, qu'il allait «étudier». Presque au même moment, M.Puigdemont dénonçait «l'énorme influence de la politique sur le pouvoir judiciaire en Espagne», dans une interview en français à la télévision publique belge RTBF. La juge d'instruction de l'Audience nationale, tribunal siégeant à Madrid spécialisé dans les affaires sensibles, a inculpé et écroué le vice-président Oriol Junqueras et sept autres membres du gouvernement destitué qui s'étaient eux présentés dans son bureau. Un neuvième - qui avait démissionné avant la proclamation de la «République» - a été inculpé mais libéré sous caution ce vendredi. L'incarcération des «ministres» catalans a été unanimement condamnée par les indépendantistes, qui font valoir le caractère «pacifique» de leur mobilisation depuis des années et du référendum d'autodétermination interdit du 1er octobre. Comme la veille, plusieurs milliers de manifestants ont demandé vendredi soir à Barcelone la libération des «ministres», clamant aussi leur confiance dans le «président légitime» de la Catalogne. «Je suis ici parce que je m'oppose à ce qu'il y ait des prisonniers politiques», confiait Melanie Ortiz, 27 ans, au milieu d'une foule scandant «Liberté» et «Vive la République». A moins de deux mois des élections régionales convoquées pour le 21 décembre par le Premier ministre espagnol Mariano Rajoy, M.Puigdemont a fait un pas vers sa candidature vendredi, malgré sa probable remise à la justice espagnole dans les semaines à venir. «Je suis disposé à être candidat», a-t-il déclaré à la Rtbf. «Je veux être un messager pour nos concitoyens». Selon la procédure en vigueur en Belgique, le chef catalan et ses proches recevront une convocation devant un juge d'instruction belge, à honorer sous 24 heures, qui lui signifiera les poursuites lancées par l'Espagne et lui permettra de prendre connaissance de ses droits. Le juge d'instruction statuera aussi sur l'opportunité de la détention. M. Puigdemont pourra soit accepter le mandat d'arrêt, et être alors très vite remis aux autorités espagnoles, soit le refuser et engager un recours. Le tour judiciaire que prend le bras de fer entre Madrid et Barcelone pourrait profiter aux formations séparatistes, résolues à prendre leur revanche dans les urnes. De hauts responsables d'au moins deux partis indépendantistes ont appelé vendredi à resserrer les rangs. «Nous sommes fermement disposés à unir nos forces pour construire une liste» unique, a déclaré à la presse Marta Pascal, la porte-parole du PDeCAT (Parti démocrate européen catalan, conservateur indépendantiste), parti de Carles Puigdemont. Sergi Sabrià, porte-parole du parti ERC (Gauche républicaine de Catalogne) dirigé par Oriol Junqueras, a lui aussi jugé «absolument nécessaire une stratégie partagée contre la répression et l'article 155» de la Constitution espagnole qui a permis la mise sous tutelle de la région quelques heures après la déclaration d'indépendance. Avant les urnes, les indépendantistes ont la ferme intention de se faire entendre dans la rue. Un syndicat indépendantiste, CSC, appelle à une grève générale pour mercredi prochain, soutenu par deux puissantes associations séparatistes, l'Assemblée nationale catalane et Omnium Cultural. Les chefs de ces organisations sont écroués depuis la mi-octobre pour «sédition» en lien avec des manifestations d'indépendantistes. Les indépendantistes attendent surtout de se compter lors d'une grande manifestation le 11 novembre à Barcelone. Ils espèrent une mobilisation aussi massive que le 11 septembre, jour de la «fête nationale» catalane, qui avait, selon les organisateurs, rassemblé près de un million de personnes.