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Le spectre de la récupération
ECOLES CORANIQUES
Publié dans L'Expression le 06 - 11 - 2017

Le travail qui se fait est très insuffisant, pour ne pas dire infime par rapport au nombre impressionnant des écoles coraniques
Le bénévolat est le moyen dominant dans les écoles coraniques et dans certains cas, ces bénévoles sont payés symboliquement par les parents d'élèves. Il y a aussi la question des écoles qui sont dans la plupart des cas construites par des particuliers sous forme de dons.
La question des écoles coraniques revient avec acuité dans le débat public national. Beaucoup d'observateurs s'interrogent sur le rôle de ces écoles et si elles ne constituent pas un espace de prédilection pour certains groupes, voire des courants extrémistes pour asseoir leur idéologie au sein de cet espace aussi important et sensible en même temps. La proximité des écoles coraniques avec les mosquées, fait que, l'enjeu de l'enseignement des enfants dans le cadre du préscolaire se transforme en un véritable moyen de manipulation, surtout dans des «écoles» qui échappent au contrôle du ministère des Affaires religieuses et des Wakfs.
Depuis 1994, l'Etat à décidé de prendre en charge la question des écoles coraniques qui s'érigeaient un peu partout sans qu'elles soient contrôlées. Durant cette période, le pays connaissait une montée drastique de la pensée salafiste et des actions extrémistes qui faisaient de la mosquée et ce qui l'entourait, un terreau fertile pour la propagation des idées qui se voulaient comme seul et unique référentiel incarnant les préceptes de l'islam.
Selon l'inspecteur général au niveau de la direction des affaires religieuses et des wakfs de la wilaya d'Alger, Ali Alia, les écoles coraniques avant 2014 «n'avaient pas une démarche d'enseignement unifiée, chaque école enseignait à sa manière, ce qui pouvait engendrer des dysfonctionnements quant à la mission de ces écoles et leur rôle tel que défini par les pouvoirs publics», affirme l'inspecteur générale responsable de l'enseignement religieux et coranique.
Cela renseigne sur l'anarchie qui caractérisait ces écoles qui étaient dépourvues d'une méthode unifiée et contrôlée par la tutelle. Celle-ci s'est mise à prendre en main ce volet sensible qui était entre les mains des apprentis sorciers qui faisaient des écoles coraniques un instrument d'endoctrinement des potaches pour faire d'eux des bombes à retardement.
Les écoles coraniques sont «réservées aux enfants de 4 à 6 ans, avec une méthode unifiée et soutenue par deux manuels, un pour apprendre les lettres en arabe et le deuxième pour l'apprentissage des préceptes de la religion musulmane de façon pédagogique en se référant à notre dogme malékite», assure Ali Alia.
L'exigence de la méthode unifiée
Les deux manuels ont été préparés et revus par les inspecteurs du ministère de l'Education nationale et des fonctionnaires expérimentés dans le domaine de la pédagogie dépendant du ministère des Affaires religieuses, selon Ali Alia.
L'inspecteur général et responsable de l'enseignement religieux et coranique souligne que les écoles coraniques en fonction dans la wilaya d'Alger «ont mis fin aux divergences et l'absence d'une approche unifiée en matière d'enseignement et de programme à suivre à raison de 95%», souligne-t-il.
Des visites d'inspection sont faites d'une manière inopinée dans ces écoles coraniques pour voir de visu si le programme adopté par la tutelle est respecté et appliqué.
Malgré ces visites d'inspection qui ciblent certaines écoles coraniques, il reste que le travail qui se fait est très insuffisant, pour ne pas dire infime par rapport au nombre impressionnant des écoles coraniques. L'inspecteur général de l'enseignement religieux et coranique, Ali Alia, reconnaît qu'il y a beaucoup de difficultés qui font que l'encadrement de ces écoles coraniques fait défaut à cause du problème lié au budget. Il s'agit d'un sérieux problème de postes budgétaires, la tutelle ne dispose pas de moyens financiers. Dans ce sens, Ali Alia indique que «au niveau de toute la wilaya d'Alger, le recrutement d'un enseignant ou enseignante de l'enseignement religieux ou coranique se fait avec des ressources très faibles. Le ministère des Affaires religieuses ne peut pas recruter sur plus de deux postes budgétaires. Surtout que maintenant la crise économique et l'austérité qui s'impose, le recrutement est devenu quasi rare», explique Ali Alia Généralement le recrutement se fait dans le cadre du pré-emploi en collaboration avec le ministère de la Solidarité nationale et aussi grâce au soutien de certains donateurs qui apportent leur contribution pour payer certains enseignants.
Le bénévolat est le moyen dominant dans les écoles coraniques et dans certains cas, ces bénévoles sont payés symboliquement par les parents d élèves. Il y a aussi la question des écoles qui sont dans la plupart des cas construites par des particuliers sous forme de dons, cette question soulève des interrogations quant à l'encadrement qui échappe dans beaucoup de cas à la tutelle dans la mesure où l'école ou la classe coranique est gérée par des particuliers qui adoptent une approche qui n'est pas automatiquement fidèle au contenu tel que défini par la tutelle. C'est là où l'enseignement prend une autre tournure et que le choix des encadreurs pour les enfants de bas âge se fait d'une manière anarchique si ce n'est une façon bien entretenue et réfléchie dans certains cas. D'ailleurs, le responsable de l'enseignement religieux et coranique de la direction des affaires religieuses de la wilaya d'Alger souligne que «dans certains cas on peut constater des déviances de nature à ne pas tenir compte de la méthode unifiée tracée par la tutelle. Mais on essaye toujours de combattre ces comportements dans les écoles coraniques qui ne respectent pas le contenu et le dogme malékite adopté par l'Etat algérien depuis des siècles», déclare-t-il.
L'inspecteur général, Ali Alia reconnaît qu'il y a des tentatives de la part de certains salafistes et takfirites d'investir les écoles coraniques, mais «nous luttons chaque jour contre ce redéploiement de cette pensée contraire aux valeurs de notre islam sans relâche, même si pour le moment ces tentatives font face à la vigilance des pouvoirs publics, mais il faut rester vigilant et ne pas fermer les yeux», affirme-t-il.
Le déplacement sur le terrain permet de voir comment les écoles coraniques sont gérées, et la méthodologie adoptée par la tutelle si elle est en vigueur en termes d'application et de suivi. Ce qui est sûr, les écoles coraniques qui bénéficient du suivi du ministère des Affaires religieuses sont gérées de façon à permettre d'avoir une appréciation dans certains cas très optimiste et encourageante. La manière avec laquelle ces écoles coraniques appliquent la méthode unifiée telle que tracée par la tutelle met ces écoles sur le même pied d'égalité, voire plus que les établissements scolaires et cela sans avoir plus de moyens pédagogiques et financiers comme c'est le cas pour les établissements scolaires publics. Par rapport à ce volet, on peut citer l'exemple d'une école coranique qui s'intitule «La maison du Coran, Cheikh Ahmed Sahnoune», située à Birmandreïs et qui jouit d'une aura et d'un prestige quant à la manière d'entreprendre l'approche et la méthode d'enseignement coranique et autres disciplines. Cette école est bâtie en une sorte d'immeuble respectant l'architecture arabo-musulmane avec une caractéristique maghrébine, dôtée d'espaces, de classes pluridisciplinaires, de salle de conférences et d'une cantine spacieuse équipée de tout le nécessaire, que ce soit les ustensiles ou les éléments connexes.
Mais le plus surprenant dans cette école, c'est l'organisation et la discipline qui règnent en maîtres absolus. La pédagogie se fait dans une entière synergie avec la méthode unifiée par la tutelle. L'école est constituée de 530 élèves de préscolaire partagés en 18 classes et encadrés par 18 maîtres et maîtresses. Cette section dédiée à l'enseignement des enfants du préscolaire ne dépassant pas six ans, se charge de dispenser la langue à travers l'apprentissage des éléments basiques tels que les lettres de l'alphabet en arabe et les chiffres avec des règles basiques de l'assimilation. Il y a aussi l'éducation religieuse destinée à faire inculquer aux enfants les préceptes de la religion musulmane en se basant sur la récitation et l'assimilation des versets coraniques à la traditionnelle.
«La maison du Coran» dépendant de la mosquée Oussama Ibnou-Zeid, dispose aussi de 64 classes réservées uniquement à l'enseignment du Coran, elles sont encadrées par 48 enseignants et enseignantes, elles encadrent plus de 2305 personnes dans cette discipline strictement religieuse. L'école dispose aussi de huit classes consacrées à la campagne d'alphabitisation encadrées par huit enseignants pour 148 élèves de tous les âges. L'école assure les cours de soutien en réservant neuf classes et 11 enseignants pour un besoin de 159 élèves. Elle dispense aussi l'informatique et les nouvelles technologies de l'information et de la communication (TIC).
Des écoles entre la norme et le laisser-aller
Dans l'ensemble, «La maison du Coran» encadre plus de 3142 élèves dans plusieurs disciplines. Dans ce sens, le directeur de l'école qui est imam de surcroît, Mourad Khichène, indique que ««la maison du Coran» qui est baptisée au nom du cheikh Ahmed Sahnoune, est une école coranique, construite par les dons des donateurs et les bienfaiteurs, mais elle est régie par les textes de la loi régissant la fonction et l'activité des écoles coraniques», précise-t-il.
Le ministère des Affaires religieuses consacre une petite aide à cette école considérée comme un fleuron en la matière. Le directeur de «la maison du Coran» souligne que «l'enseignement suivi ici est celui de la méthode unifiée qui émane de la tutelle via ses inspecteurs qui veillent au respect du contenu pédagogique et religieux», assène-t-il.
Pour le directeur de l'école coranique, l'enseignement se fait sur la base de ce qui a été décidé par la tutelle em matière de manuels réservés dans ce sens pour les élèves de bas âge. C'est une démarche nationale dans les écoles coraniques et nul ne peut la transgresser, selon Mourad Khichène, directeur de l'école coranique «maison du Coran».
Dans le même ordre d'idées, le directeur de l'école précise qu'«on veut développer cette école pour lui donner plus de profondeur, mais on doit attendre le nouveau projet de loi organisant et régissant la fonction des écoles coraniques», explique-t-il.
Le directeur fait allusion à l'enseignement des sciences de la jurisprudence islamique (chari'aâ). Dans ce sens, il considère que «l'ouverture de cette discipline importante nécessite la préparation du climat adéquat pour éviter que les gens qui n'ont rien à voir avec les spécialistes du domaine envahissent le créneau», martèle-t-il.
L'enseignement et la prise en charge de tout l'encadrement se fait via les aides émanant des donnateurs et aussi la petite contribution des parents d'élèves qui est estimée à raison de 5000 DA par an, c'est-à-dire, 500 DA par mois. Pour rappel, les enfants du préscolaire sont dotés de deux manuels qui sont donnés gratuitement par l'école.
Par contre, à la commune d'El Mohammadia, il y a une école coranique qui dépend de la mosquée el Nadjah au coeur du chef-lieu de la municipalité, enseignant le Coran et les bases de la langue arabe et le calcul. Cette école est réservée aux enfants du préscolaire dans une petite salle à peine aménagée qui compte en son sein plus de 53 élèves de bas âge.
La maîtresse souligne que «je n'ai pas été formée dans les écoles spécialisées pour la circonstance, ma formation est basique, j'ai eu juste une formation dans une école privée», affirme Naïma Ouali.
L'enseignement suivi est celui qui correspond aux manuels préscolaires émanant de la tutelle et de sa méthode unifiée. Mais ce qui est remarquable dans cette école coranique, est le fait que la salle est livrée à elle-même et les enfants sont rassemblés dans la salle à l'image d'une garderie. Naïma Ouali souligne que «ce que je fais relève du bénévolat et généralement on reçoit des sommes symboliques de la part des parents d'élèves, étant donné que la scolarisation de leurs enfants est estimée à 3000 DA par an», atteste-t-elle.
Quant aux programmes d'enseignement en dehors des orientations de la tutelle, Naïma Ouali indique qu'«on fait recours à notre effort personnel «idjtihad» pour essayer d'apporter un plus aux élèves sur le plan de la foi «aâkida»», précise-t-elle. Cette déclaration montre on ne peut plus clair que les écoles coraniques doivent être gérées de la même façon que la tutelle leur a tracé leurs grandes lignes.Tout compte fait, rien que pour la wilaya d'Alger, il y a plus de 47 écoles coraniques dont 10 internats et plus de 850 classes coraniques qui accueillent quelque 33.500 élèves dans le cycle préparatoire, 10.000 dans le moyen et 10.000 dans le secondaire, a-t-il indiqué, ajoutant que près de 10.000 élèves suivaient des cours d'alphabétisation selon les sources du ministère des Affaires religieuses et des Wakfs.La tutelle est en train de préparer une nouvelle loi pour réunifier complétement cette activité et lui donner plus de profondeur pour contrer les tentatives de certains groupes qui veulent faire de ces espaces un moyen pour l'instrumentalisation et l'endoctrinement de nos jeunes enfants et les détourner des véritables enjeux, à savoir le développement et le progrès.


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