Reçu lundi soir par le roi Salmane, Saâd Hariri ne semble guère pressé de «rentrer» au Liban de sorte que Hassan Nasrallah a beau jeu d'ironiser en se demandant s'il ne faisait pas l'objet d'une «assignation à résidence» dans le cadre de la vaste purge anti-corruption... Pour l'Arabie saoudite, à la tête d'une coalition militaire de 10 pays qui interviennent au Yémen depuis mars 2015 pour soutenir le gouvernement du président Abd Rabbo Mansour Hadi, reconnu par la communauté internationale, la priorité affichée est d'empêcher les Houthis de devenir «un autre Hezbollah» à sa frontière sud. Mais voilà que le conflit qui s'est enlisé au Yémen risque de se reproduire dans un Liban en proie à des divisions de plus en plus enflammées entre les différentes communautés confessionnelles. L'Arabie est déjà engagée sur plusieurs autres fronts, comme en Syrie et en Irak où elle découvre des causes perdues et voilà qu'elle s'offre une crise ouverte avec le Qatar suivie d' une campagne de répression interne contre les milieux susceptibles de s'opposer au vaste programme de réformes du jeune prince héritier, Mohammed ben Salmane. Dans un tel contexte, la sortie saoudienne de l'allié libanais de Riyadh, le Premier ministre démissionnaire Saâd Hariri, relance une guerre larvée avec le Hezbollah et son allié iranien tous deux accusés de «mainmise» sur le Liban. Sans tarder, le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a répliqué aux attaques en taxant Hariri d'avoir été contraint à la démission par ses hôtes saoudiens, tandis que Téhéran balayait les accusations d'un simple revers de la main. Reste à savoir comment le Liban déjà meurtri pendant une guerre civile qui aura duré 15 ans, va pouvoir se dépêtrer d'une situation aussi glauque. Toute la classe politique s'est du coup mobilisée tant la hantise est collective et la volonté unanime pour maintenir des garde-fous à même de protéger le pays du Cèdre d'une nouvelle tragédie.C'est d'ailleurs ce qu'a tenu à assurer hier le président Michel Aoun, lors d'une réunion avec les principaux responsables de sécurité. Fragilisé par une multitude de crises successives, le Liban n'avait certes pas besoin de cette estocade qui intervient, bizarrement, au moment où il apparaît que la Syrie du président Bachar al Assad est sur le point d'en finir totalement avec les différents groupes terroristes, dont Daesh. Saâd Hariri, un protégé de Riyadh, n'a pas annoncé samedi sa démission depuis la capitale saoudienne, accusant le mouvement libanais chiite du Hezbollah et son allié iranien de «mainmise» sur le Liban, par hasard. Il y a manifestement une volonté de jeter de l'huile sur le feu de manière à raviver le brasier libanais, d'où la réaction de Michel Aoun sur le compte Twitter de la présidence quand il écrit que «le fait que tous les dirigeants politiques s'associent aux appels au calme renforce la stabilité et préserve l'unité nationale». Surtout, c'est la réunion immédiate du président Aoun avec les ministres de la Défense et de la Justice, mais aussi le chef de l'armée et le directeur de la Sûreté générale qui témoigne de la détermination du chef de l'Etat de garantir cette stabilité et cette unité apparemment menacées. Aoun a rappelé qu'il attend le retour de Saâd Hariri au Liban «avant d'accepter ou de refuser la démission», ce genre de décision ne pouvant se faire traditionnellement à partir d'une capitale étrangère. Toujours est-il que le Liban est bel et bien au milieu d'un cyclone qui menace l'ensemble de la région moyen-orientale avec pour unique conséquence positive une éventuelle embellie des cours du pétrole. Reçu lundi soir par le roi Salmane, Saâd Hariri ne semble guère pressé de «rentrer» au Liban de sorte que Hassan Nasrallah, qui a lui aussi appelé au calme, à l'instar de Nabih Berri, président du Parlement, a beau jeu d'ironiser en se demandant s'il ne faisait pas l'objet d'une «assignation à résidence» dans le cadre de la vaste purge anti-corruption menée par le prince héritier Mohammed ben Salmane.