L'arrivée à Beyrouth du roi Abdallah et de Bachar Al Assad de Syrie en vue de prôner l'apaisement donne une idée sur le niveau des inquiétudes que suscitent les mises en garde du Nasrallah que l'enquête qui se mène depuis ces dernières années sur l'assassinat de Rafiq Hariri, soit détournée à un niveau international en vue de l'inculpation de membres du Hezbollah. Il s'agit d'ailleurs d'une probable inculpation, le dossier ayant, semble-t-il, été ficelé au niveau de l'instance onusienne qui mène l'enquête. Nasrallah a même précisé, au moment de ses mises en garde, que c'est Saâd Hariri, certainement afin de neutraliser toute tension ou de la provoquer avant qu'elle ne survienne au moment de l'annonce des résultats de l'enquête, qui lui avait, en juin dernier, annoncé la couleur. Il faut rappeler que l'assassinat de Rafiq Hariri a été, dès sa survenue, attribué par le gouvernement libanais, lui-même, par Saâd Hariri et par plusieurs pays occidentaux, à la Syrie ; une façon de diaboliser ce pays et raviver des tensions qui devaient servir à fragiliser le pouvoir syrien, l'enquête internationale dépêchée devant alors faire le reste, c'est-à-dire officialiser l'inculpation et donner du crédit à des sanctions internationales contre la Syrie. Aujourd'hui, et après un échec des accusations tournées contre la Syrie, la réconciliation entre Al Assad et Hariri, entre le roi Abdallah d'Arabie Saoudite et Al Assad, on semble se tourner vers le Hezbollah. Rien, en fait qui arrange l'une quelconque des parties, sinon un peu l'Arabie Saoudite qui mène sa guerre contre l'Iran dans la région et qui aspire toujours à un leadership arabe qu'elle n'a plus désormais, celui-ci ayant singulièrement été mis en suspens en attendant de voir les rôles iraniens et turcs dans le règlement des questions majeures qui mettent la région en effervescence depuis presque un demi-siècle. La Syrie, elle, qui semble partie dans ses ballets de réconciliation, est toujours une alliée objective de l'Iran et rien, du côté de ses négociations avec Israël ne semble indiquer que ce pays pourrait voir satisfaire ses exigences liées au recouvrement de sa souveraineté sur les territoires occupés par l'entité sioniste. En fait, toute cette tension ne peut conforter que l'Etat sioniste qui cherche depuis 2006 à en finir avec le Hezbollah libanais. D'ailleurs, Israël est le seul acteur de la région qu'arrange la mort de Rafiq Hariri qui avait réussi, tant bien que mal, à établir de nouveau les bases d'un Liban multiconfessionnel prospère et politiquement stable, avec le Hezbollah. Ce qui n'arrangeait pas Israël qui voyait très mal la ligne défensive, voire offensive, que représente le Hezbollah, soutenu, dans la proximité, par la Syrie, et financièrement, par l'Iran. Mais derrière ce complot international contre le Hezbollah se profile, clairement, un prolongement de l'offensive qui se mène contre l'Iran ; et on semble même convaincu que les sanctions décidées hors ONU contre ce pays vont suffisamment le fragiliser pour l'obliger davantage à regarder du côté de chez lui plutôt que du côté de son allié de toujours, le Hezbollah libanais. Le roi Abdallah d'Arabie saoudite et le président syrien, Bachar al Assad, ont rencontré des responsables libanais pour tenter de calmer les tensions avant la probable inculpation de membres du Hezbollah dans l'enquête sur l'assassinat de l'ex-Premier ministre Rafic Hariri. Cette visite commune est une première symbolique qui vient sceller la réconciliation entre les dirigeants arabe et syrien, brouillés après la mort de Rafic Hariri en février 2005. Elle démontre en outre leur détermination à éviter la crise qui couve entre le Hezbollah libanais, soutenu par la Syrie et l'Iran, et les mouvements alliés de Saad Hariri, actuel Premier ministre et fils de Rafic Hariri, proche de Ryad. Un communiqué de la présidence libanaise rapporte que les dirigeants ont discuté des "moyens de renforcer l'accord national et la stabilité du Liban" et qu'ils ont souligné la nécessité d'éviter la violence. Il s'agit du premier déplacement à Beyrouth du président syrien depuis l'assassinat de Rafic Hariri, qui avait suscité un tollé national et international et entraîné le retrait contraint des troupes syriennes stationnées au Liban. Quant au roi Abdallah, il n'était plus venu au Liban depuis un sommet arabe en 2002 - il était alors prince héritier - et il est le premier roi saoudien en visite dans ce pays depuis des décennies. L'un comme l'autre s'inquiètent de l'agitation politique provoquée par le chef du Hezbollah, Sayyed Hassan Nasrallah, qui a dit en juin avoir appris de Hariri l'inculpation prochaine de membres «dévoyés» du mouvement pour le meurtre de son père. Multiples discussions Nasrallah a condamné l'enquête des Nations unies et suggéré au gouvernement, qui soutient cette procédure, de rejeter toute inculpation, des propos susceptibles de raviver les tensions entre chiites et sunnites, voire les violences de 2008. Selon le numéro deux du Hezbollah, Naim Kassem, cité par la presse locale, la question d'un changement de gouvernement se posera si des membres du mouvement chiite sont la cible d'un «plan de division, concocté par ceux qui nous accuse». Le tribunal, basé à La Haye, assure que le procureur prendra les actes d'inculpation lorsqu'il sera prêt mais que pour l'heure, ces rumeurs relèvent de la spéculation. Le président libanais, Michel Souleïman, s'est entretenu avec les chefs d'Etat saoudien et syrien avant d'offrir un déjeuner auquel assistaient des hommes politiques libanais. Par ailleurs, le souverain saoudien s'est rendu au domicile d'Hariri, tandis qu'Assad s'entretenait avec Nabih Berri, président pro-syrien du Parlement et que le ministre syrien des Affaires étrangères, Walid Loualem, rencontrait des députés du Hezbollah. Un convoi motorisé a ensuite reconduit les chefs d'Etat à l'aéroport où l'on attendait l'arrivée de l'émir du Qatar. Le ministre de l'Intérieur, Ziad Baroud, a déclaré à des journalistes que des efforts supplémentaires seraient nécessaires pour consolider les acquis du sommet de Beyrouth. Jadis, leader d'une large coalition antisyrienne, Saâd Hariri avait initialement accusé Damas d'être derrière l'assassinat de son père. La Syrie a toujours nié toute implication. Mais depuis qu'il a pris la tête du gouvernement, l'année dernière, il a renoncé à sa rhétorique hostile et s'est rendu dans la capitale syrienne à plusieurs reprises pour forger un rapprochement avec Assad, dans la lignée de la réconciliation entre celui-ci et Abdallah.