Les scientifiques prenant part à la conférence de Bonn, sur le climat, COP23, sont inquiets des retards sur les objectifs tracés «Nous devons réduire de manière drastique les gaz à effet de serre et extraire des milliards de tonnes de dioxyde de carbone de l'atmosphère si nous voulons épargner un cataclysme climatique à nos enfants», avertit le scientifique James Hansen. «Cette réalité est ignorée par les gouvernements du monde entier», déplore James Hansen, qui s'était fait connaître il y a 30 ans en tirant la sonnette d'alarme à propos du réchauffement climatique devant le Congrès des Etats-Unis. Le scientifique de 76 ans, qui a dirigé jusqu'en 2013 l'Institut Goddard d'études spatiales de la Nasa, et sa petite-fille de 18 ans, Sophie Kivlehan, qui poursuit en justice le gouvernement américain, l'accusant d'aggraver le problème, ont délivré ce message cette semaine à la conférence de l'ONU sur le climat à Bonn. Réunis jusqu'au 17 novembre, des milliers de diplomates, originaires de 196 pays, négocient encore les détails de l'élaboration des règles d'application de l'accord, conclu en 2015 à Paris et qui doit entrer en vigueur en 2020. La communauté internationale s'est engagée à contenir la hausse du thermomètre «bien en deçà de 2°C» par rapport à la période pré-industrielle et à poursuivre les efforts pour la limiter à 1,5°C. La température mondiale a déjà grimpé d'un degré depuis cette période, entraînant une intensification des vagues de chaleur, des tempêtes et des sécheresses. L'objectif de 1,5°C «donne le bon élan, parce que si nous atteignons les 2°C, il est certain que nous perdrons notre littoral et nos villes côtières», alerte James Hansen. «La seule question est de savoir à quelle vitesse». La température à la surface de la Terre, la concentration de CO2 dans l'atmosphère et le niveau des océans ont changé de manière synchronisée pendant des centaines de millions d'années, souligne-t-il. En 2016, la concentration de dioxyde de carbone (CO2) dans l'atmosphère a atteint un niveau record, avec 403,3 parties par million (ppm), soit 145% de ce qu'elle était à l'époque pré-industrielle et le plus haut niveau en 800 000 ans, selon l'Organisation météorologique mondiale. Même les scénarios les plus optimistes prévoient que ce chiffre va continuer à augmenter pendant des décennies. Quelle est la limite acceptable pour le climat? Selon le Giec, le groupe d'experts dont les travaux sur le climat font autorité, le monde pourra «probablement» rester sous le seuil des 2°C si le niveau de CO2 ne dépasse pas 450 ppm d'ici à 2100. Pour James Hansen, avec un tel niveau, le monde court au désastre. Selon ses calculs, la fonte des glaces du Groenland et de l'Antarctique pourrait faire monter de plusieurs mètres le niveau des océans d'ici à 2100. «La dernière fois dans l'histoire de la Terre que la concentration de CO2 était de 450 ppm, le niveau de la mer était plus élevé de 25 mètres», relève-t-il. Pour lui, la concentration en CO2 ne devrait pas dépasser 350 ppm. «Hansen relève avec justesse que de nombreuses conséquences du changement climatique surviennent plus tôt et sont plus importantes que ce à quoi nous nous attendions», souligne Michael E. Mann, directeur du Earth System Science Center à l'université d'Etat de Pennsylvanie. Les prévisions qu'il a faites dans le passé «se sont révélées visionnaires et nous l'ignorons à nos risques et périls», ajoute-t-il. Selon Hansen, même si l'humanité réussit à inverser la courbe des émissions bien plus tôt qu'on ne l'imagine actuellement, ce ne serait pas assez rapide pour ramener le niveau de la concentration de CO2 à 350 ppm d'ici à la fin du siècle. «Il faudrait pour cela extraire 150 milliards de tonnes de CO2 de l'atmosphère», soit plus de dix fois le montant actuellement émis tous les ans, précise-t-il. La technologie pour réaliser cette opération n'existe pas pour l'instant. Comme James Hansen, sa petite-fille, étudiante aux Etats-Unis, se préoccupe de l'état de la planète. Avec une vingtaine d'autres jeunes, elle a attaqué en justice le gouvernement fédéral américain, l'accusant de négligence climatique. «Nous avons des droits constitutionnels et ces droits sont violés», dénonce-t-elle. Malgré ses sombres prophéties, James Hansen ne cède pas au désespoir, et continue à militer notamment pour une taxe sur les énergies fossiles.