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Le pain bénit de l'islamophobie
QUAND MANUEL VALLS JOUE AU GRAND INQUISITEUR
Publié dans L'Expression le 16 - 11 - 2017


Edwy Plenel, directeur de Médiapart
Le directeur de Charlie Hebdo, Laurent Sourisseau dit Riss, n'a pas tardé à bondir sur l'occasion pour, à la fois, relancer un titre en mal de rentrées publicitaires, après l'euphorie des mois qui ont succédé aux attentats de 2015, et ouvrir un nouveau chapitre, sonnant et trébuchant, à la gloire de la caricature.
Tandis que le président Emmanuel Macron tente de corriger l'image de «président des riches» dont ses adversaires, de gauche comme de droite, tentent de l'affubler, lors d'un déplacement remarqué dans les banlieues déshéritées de Clichy et de Roubaix, une vive polémique grandit en France autour de l'islamophobie ambiante.
Objet de la discorde, une réplique acerbe du directeur de Mediapart, Edwy Plenel, qui réagissait à une attaque virulente de l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo contre le porte étendard des Frères musulmans Tarik Ramadhan, notoirement étiqueté petit fils de Hassan al Banna, le fondateur de la confrérie. Pour moi qui connais des descendants légaux d'al Banna dont ils portent le nom sans en revendiquer l'essence, la querelle est plus d'ordre politique que rhétorique. Plenel a riposté à la caricature de Charlie Hebdo qui, outre Ramadhan, l'a visé personnellement, en déplorant une «guerre déclarée aux musulmans, et à l'islam, dont la stigmatisation» atteint des degrés...caricaturaux. On se souvient des dessins d'un journal danois, aujourd'hui totalement effacé des mémoires, ainsi que de ses motifs relayés par un hebdomadaire satirique très en verve quand il s'agit d'apostropher une communauté silencieuse comme l'est la communauté musulmane. De fait, un courant raciste, drapé dans les oripeaux vertueux de la laïcité et de la liberté d'opinion, anime, depuis plus de deux ans maintenant, une France dite de gauche et une autre de droite, unanimes à rivaliser d'ardeur et de mordant avec l'extrême droite qui, elle, a fait de l'islamophobie son pain bénit. Le directeur de Charlie Hebdo, Laurent Sourisseau, n'a pas tardé à bondir sur l'occasion pour, à la fois, relancer un titre en mal de rentrées publicitaires après l'euphorie des mois qui ont succédé aux attentats de 2015 et ouvrir un nouveau chapitre, sonnant et trébuchant, à la gloire de la caricature.
Ainsi, a-t-il renvoyé Edwy Plenel à sa tirade contre les partisans de la haine et de la calomnie ciblant les Français musulmans et, plus largement, les immigrés, l'accusant à son tour de lui «déclarer la guerre...et de condamner à mort une deuxième fois Charlie Hebdo». C'est aller vite, très vite même, en besogne mais le mal est fait qui a permis à de nombreuses chapelles de monter au créneau, appelant à pendre un Edwy Plenel qui aurait soudainement mué en salafiste, lui aussi! Tel est le sentiment d'un Savonarole ressurgi à point dans la cour des miracles, le très vertueux Manuel Valls dont on ne peut mettre en doute le discours objectif et le sens des valeurs. Pour ceux qui en douteraient, il suffit d'aller interroger les indépendantistes catalans comme sa propre soeur ou, plus loin dans le passé, ses anciens «amis» de la résistance...palestinienne.
Valls a le don particulier du retournement de veste brutal et opportuniste à souhait. L'ancien président François Hollande en sait quelque chose, lui qui n'en est pas encore revenu! Interrogé hier matin sur BFM-RMC, Manuel Valls s'est attaqué à son tour à Edwy Plenel, «coupable d'un appel au meurtre» avec «les mêmes mots que Daesh», excusez du peu! Plenel rejoint à ses yeux al Baghdadi, sacrifiant la laïcité et la liberté d'opinion sur l'autel d'une complicité retorse avec les islamistes. Arrêtons là les insanités.
Ce faisant, il feint de confondre les paroles de Plenel et de Riss alors qu'elles sont diamétralement opposées, celui-ci se réduisant à une caricature, souvent bête et méchante, et celui-là privilégiant un journalisme d'investigation nourri aux valeurs de la gauche d'antan.
Toujours au nom du socio-libéralisme, Valls caricature à son aise en interdisant à Plenel de «parler au nom des musulmans» et il balaie d'un revers de la main ses convictions intimes, de la même façon qu'il a sans cesse balayé ses propres principes, si tant est qu'il en ait jamais eu, reprenant son vocable inquisiteur et ses fantasmes anachroniques contre une communauté coupable de souffrir davantage de l'islamisme que lui!
Dans cette polémique biaisée, faut-il encore rappeler que Charlie Hebdo a une ligne éditoriale comme Manuel Valls a un sillage chaotique, creusé au hasard des échéanciers électoraux et des commandes subliminales. L'un et l'autre sont drapés dans un habit de caméléon politique qui profite de chaque conjoncture, avec pour souci majeur la soif du gain. L'argent versé par les sympathisants de 2015 au profit des malheureuses victimes du terrorisme n'a-t-il pas été détourné de sa vocation initiale jusqu'à provoquer la révolte indignée des familles?
Non, Plenel n'a pas eu une simple réaction d'ego, au lendemain de sa caricature par Charlie Hebdo, mais sa révolte résulte d'une campagne sournoise, insidieuse, écoeurante contre un Islam stigmatisé et une communauté musulmane résignée dans son silence et son retrait politique, alors qu'il lui suffirait d'une seule et même voix pour riposter aux apprentis sorciers qui mènent, depuis des décennies, le bal de papa contre l'immigration et, aujourd'hui, celui de l'islamophobie...


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