Les délégués de près de 200 pays bouclaient hier à Bonn une 23e conférence climat de l'ONU (COP23) plombée par la défection des Etats-Unis, décidés à quitter l'accord mondial contre le réchauffement et pourtant très présents. Hier les négociateurs devaient laisser sur la table des propositions, indispensables pour mettre en oeuvre à partir de 2020 l'accord de Paris contre le réchauffement: comment les pays rendent compte de leurs actions contre le réchauffement, quel suivi pour l'aide financière promise par les pays riches, etc. Mais rien n'est encore tranché sur le fond: ce sera le rôle de la COP24, prévue en décembre 2018 à Katowice (Pologne). 2018 sera «le moment de vérité», a dit le ministre français de la Transition écologique Nicolas Hulot. Et «le mérite de la COP23 est de mettre (tout le monde) en ordre de marche». Les pays devaient aussi s'accorder à Bonn sur le lancement d'un «dialogue» d'un an pour aboutir à la révision à la hausse, en 2020, des promesses nationales de réduction des gaz à effet de serre (GES). Car cette COP a été jalonnée de mauvaises nouvelles. Selon l'ONU, les engagements actuels des Etats couvrent à peine un tiers des réductions de GES nécessaires. En 2017, les émissions de CO2 liées aux énergies fossiles (gaz, pétroles, charbon), responsables de l'essentiel du réchauffement, sont reparties à la hausse, après trois ans de relative stabilité, ont aussi alerté les scientifiques. Se succédant à la tribune pendant deux jours, les responsables de gouvernements ont rappelé leur engagement climatique. Mais parmi les délégations, «c'est comme si le coeur n'y était pas», souligne le Malien Seyni Nafo, chef du groupe des pays africains. «Avec la sortie de Trump, les étoiles ne sont pas très alignées», dit-il. «La position des Etats-Unis a une influence sur les pays développés et cela a des conséquences sur le positionnement des grands pays en développement. Il y a comme un attentisme, chacun s'observe dans les négociations. Quand un des acteurs ne joue pas sa partition, il n'y a plus d'émulation». Pourquoi attendre le lancement du fameux «dialogue» pour relever les ambitions?, demande-t-il. «Où sont les vrais champions? Les négociateurs font leur travail, mais les politiques? La conjoncture actuelle est plutôt morose». L'administration Trump, qui a annoncé en juin le retrait des Etats-Unis de l'accord, a envoyé une délégation pour «protéger les intérêts américains». Elle a aussi organisé une réunion, en marge des négociations, pour faire valoir le rôle des énergies fossiles. Mohamed Adow, dont l'ONG Christian Aid défend les pays pauvres, se félicite que les participants à la COP aient réagi, notamment en lançant une «alliance pour la sortie du charbon», initiée par le Canada et le Royaume Uni. «Mais nous avons perdu le leadership diplomatique des Etats-Unis qui pouvait contribuer à faire avancer le processus», dit-il aussi, appelant l'Allemagne, la France, les Etats-Unis, le Japon, à prendre le relais. «Notre tâche a été encore compliquée par le désengagement du premier émetteur historique», a dit jeudi à la tribune le Maldivien Thoriq Ibrahim, au nom des petites îles. «Mais ce processus n'en est pas à sa première difficulté politique et ce développement malheureux devrait être vu comme l'occasion de faire mieux». Laurence Tubiana, cheville ouvrière de l'accord climat de Paris, voit aussi des progrès. «Cette COP a été un moment de mélange complet entre les gouvernements, les autorités locales, les entreprises, tous les acteurs», réunis dans une vaste zone non loin des halls de négociations. Etats et villes américaines en particulier sont venues en force. Prochaine étape, un sommet organisé la 12 décembre à Paris, pour maintenir la dynamique, et notamment avancer sur l'épineuse question des financements des politiques climatiques.