Les présidents Poutine et Rohani veulent un succès politique après la victoire militaire Les tensions sont donc loin de s'apaiser entre les deux protagonistes saoudien et iranien, même si elles se sont quelque peu réduites en Syrie et en Irak. Car au Yémen et, désormais, au Liban, le feu couve sous la cendre... Convoquée par l'Arabie saoudite pour «discuter» des «atteintes» iraniennes à la sécurité régionale, la réunion extraordinaire de la Ligue arabe, hier au Caire, s'est déroulée dans un contexte explosif, marqué par le prochain retour à Beyrouth du Premier ministre libanais Saad Hariri. Les ministres arabes des Affaires étrangères étaient donc présents à cette réunion dont l'ordre du jour devait porter sur les «moyens de contrer les interventions iraniennes et ses atteintes à la sécurité et à la paix». Pour Riyadh, l'objectif était clair et les pays présents appelés à parapher une résolution condamnant «l'Iran et les milices arabes liées à ce pays», c'est-à-dire clairement le Hezbollah déjà étiqueté organisation terroriste lors d'une précédente réunion. Cette condamnation était aux yeux des Saoudiens un premier pas nécessaire et justifié par le récent tir de missile par les Houthis contre l'aéroport de la capitale ainsi qu'un attentat contre l'oléoduc à Bahrein le 10 novembre dernier. Cette résolution, évidemment prête depuis plusieurs jours, a été soumise aux débats hier, d'abord à huis clos au sein de la commission, puis devant l'assemblée en plénière. Manquaient à cette messe incantatoire les ministres irakien, libanais et algérien, les pays étant représentés par leurs ambassadeurs. Le chef de la diplomatie libanaise, Gebrane Bassil, n'avait aucun intérêt à assister à ces joutes, compte tenu des évènements qui viennent de se produire entre Beyrouth et Riyadh. Par contre, comme l'indique le mémorandum, Bahreïn et les Emirats arabes unis ont soutenu la démarche de l'Arabie saoudite, également approuvée par Djibouti qui assure la présidence tournante de l'organisation panarabe. Les tensions sont donc loin de s'apaiser entre les deux protagonistes saoudien et iranien, même si elles se sont quelque peu réduites en Syrie et en Irak. Car au Yémen et, désormais, au Liban, le feu couve sous la cendre depuis que le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane a accusé Téhéran d'être derrière l' «agression militaire directe» contre son pays. L'Iran avait beau démentir toute implication et conseillé à Riyadh de ne pas jouer avec le feu. Rien n'y fait et tout se passe comme si le prince héritier était en train de mettre en place un plan visant à transférer les foyers de guerre de la Syrie vers le Liban, dans l'espoir de réduire la pression subie au Yémen. D'où les accusations répétées contre Téhéran qui fournirait selon lui les Houthis en armes et autres équipements militaires. La position algérienne, dans ce cadre étriqué, ne saurait se départir du dogme traditionnel de sa diplomatie. Rien n'a filtré sur une éventuelle présence du ministre Abdelkader Messahel ou d'un représentant des AE à cette réunion extraordinaire, mais on sait que le pays a toujours refusé la politique de la chaise vide et qu'il a, à plusieurs reprises, dans ces convocations intempestives de la Ligue arabe, marqué crûment sa différence. Il est donc probable que tout en étant présente, la diplomatie algérienne se limitera à une représentation presque symbolique afin de faire entendre sa voix, immuable quand il s'agit de conflits régionaux ou autres. Tout comme Baghdad qui a fait valoir un calendrier chargé de son ministre des AE, tandis que le chef de la diplomatie libanais Gebran Bassil a clairement écarté cette invitation tombée juste après le bras de fer qui a opposé le président Michel Aoun dont il est proche au prince héritier et au MAE saoudiens, l'Algérie peut légitimement arguer d'un agenda surchargé de Abdelkader Messahel qui, après la tripartite Algérie-Tunisie-Libye sur la crise libyenne, au Caire, le 15 novembre, a participé vendredi dernier, à Washington, sur invitation du secrétaire d'Etat Rex Tillerson, à une Conférence ministérielle sur le commerce, la sécurité et la gouvernance en Afrique. Un moyen comme un autre de se démarquer de cette croisade dont les conséquences risquent, à l'instar de ce qu'on a vu au Yémen, de s'avérer désastreuses pour les pays qui s'y risquent de façon inconsidérée.