L' entente cordiale Il aura fallu un véritable ultimatum de l'UA pour que la Côte d'Ivoire, pays qui accueille le sommet et dont tout le monde connaît les attaches avec le Maroc, se résigne à admettre l'évidence. Dans un tel sommet, c'est bien l'UA qui invite et non Abidjan et, encore moins, l'Union européenne. Le cinquième sommet Union africaine - Union européenne (UA-UE) se tiendra les 29 et 30 novembre 2017, à Abidjan, en Côte d'Ivoire. C'est une occasion qualifiée d'exceptionnelle pour les relations entre les deux organisations, une décennie après l'adoption d'un «programme commun» entre le continent et l'UE. Pour nombre de capitales, de part et d'autre de la Méditerranée, 2017 devrait marquer d'une pierre blanche les liens politiques et accessoirement économiques entre les deux continents si proches et en même temps si éloignés sur bien des plans. Côté africain, les 55 pays, dont la RASD, seront présents à Abidjan malgré les sournoises manoeuvres d'un Maroc qui, sitôt réadmis au sein de l'UA, n'a plus qu'un objectif en tête: comment tout faire pour obtenir une exclusion des Sahraouis avec le soutien de la France et des pays africains qui relèvent de la Françafrique? Il aura fallu un véritable ultimatum de l'UA pour que la Côte d'Ivoire, pays qui accueille le sommet et dont tout le monde connaît les attaches avec le Maroc, se résigne à admettre l'évidence. Dans un tel sommet, c'est bien l'UA qui invite et non Abidjan et encore moins l'Union européenne, du moins celle qui est actionnée par Paris sous les coups de boutoir du lobby marocain. Il aura fallu des semaines de tractations soutenues et de tensions répétées pour que la République arabe sahraouie et démocratique (RASD) dispose de son siège comme annoncé par le président de la Commission africaine, Moussa Faki, le mercredi 22 novembre, depuis Bruxelles, où il a animé une conférence de presse conjointe avec la Haute représentante de la politique extérieure et la sécurité de l'UE, Federica Mogherini. Reste à savoir quels coups fourrés prépare Rabat et les capitales qui lui sont proches, auquel cas la prudence doit être de mise et la mobilisation de la diplomatie algérienne générale. On a en mémoire les multiples provocations et autres tentatives d'intimidation dont les représentants marocains usent et abusent dans les fora internationaux pour tenter d'imposer leur vue, quand bien même les circonstances concernent d'autres sujets et d'autres enjeux. Car le sommet UA-UE revêt pour le Makhzen une importance capitale dés lors qu'il précède de peu la réunion, mi-décembre, de la Cédéao dont l'ordre du jour comprend entre autres points la demande d'adhésion du Maroc. C'est pourquoi le roi Mohammed VI n'a pas attendu l'ouverture du sommet d'Abidjan pour se trouver dans la capitale ivoirienne où il est arrivé dimanche dernier, avec un agenda confidentiel et une raison semi-officielle relative à un point de débarquement de poissons financé par Rabat à hauteur de 5 millions d'euros et qui portera le nom de sa majesté. Parmi les autres thèmes du sommet, il est également question de la paix et de la sécurité, la France ayant en tête l'opération Barkhane et un éventuel repli stratégique conférant aux pays du Sahel davantage de responsabilités dans la lutte contre l'extrémisme. Sur cette thématique, le continent est en première ligne et ne saurait faire abstraction des menaces qui affectent plusieurs pays du Nord comme de l'Ouest. Au nom de cette lutte préventive contre le terrorisme, les objectifs de l'UE et de certains pays de la rive méditerranéenne concernent surtout le problème des migrants.La déferlante migratoire, ainsi qu'on a pu l'observer tout au long de l'année 2017, hypothèque les efforts de développement, les conditions sécuritaires, et mine les avancées démocratiques. Sur ce plan, le continent a même enregistré un recul sensible, les flux migratoires étant la conséquence directe de l'absence de création d'emplois, d'investissements productifs et de commerce international réellement bénéfique. Ne parlons pas de la promotion des compétences qui est devenue, depuis une décennie, une gageure au point que la jeunesse, dont on parlera beaucoup au cours du sommet, n'ose plus y rêver. De là à parler de chance historique ou de rendez-vous exceptionnel entre des pays encore soumis aux aléas d'un néocolonialisme mutant et une Union européenne, sûre d'elle et dominatrice, il y a un pas qu'il serait hasardeux de franchir allègrement. On se souvient qu'à peine élu président de la République, Emmanuel Macron s'est rendu au Mali, non pas à Bamako, mais à Gao pour y rencontrer les troupes françaises de l'opération Barkhane. Quant à son homologue malien, il n'eut d'autre choix que de se transporter lui aussi à Gao pour avoir l'insigne honneur de rencontrer le président Jupitérien. Là se trouve toute la symbolique que certains pays de l'UE entretiennent avec certains pays de l'UA, le Maroc étant assurément le meilleur exemple à cet égard. Et ce n'est pas l'activisme de son lobby en France qui y changera quelque chose, au contraire.