Africains et Européens préparent leur cinquième sommet qu'abritera (les 29 et 30 novembre prochain) la capitale économique de la Côte d'Ivoire, Abidjan. Il n'y a là rien que d'ordinaire, un sommet qui entre de plain-pied dans le processus de consultation entre les deux organisations continentales. Les 55 Etats membres de l'Union africaine et les 27+1 (Royaume-Uni) Etats de l'Union européenne y prennent part. En théorie tout le monde sera donc présent à Abidjan. Cela ne semble plus aussi simple que cela. En effet, il y a un hic, ou un grain de sable qui a pour nom: Maroc. En effet, la présence d'un pays, la République arabe sahraouie démocratique (RASD) dérange le Palais alaouite. Et le dérange fortement. C'est ainsi que depuis plusieurs semaines, par de grandes manoeuvres, appelant à la rescousse Paris, Rabat tente de faire exclure la Rasd des travaux du sommet UA-UE. Des pressions sont faites sur la Côte d'Ivoire - qui n'est que le pays accueillant de la réunion dont le maître d'oeuvre reste l'Union africaine - pour que ne soit pas invitée la Rasd. Dans une déclaration confuse, le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian est venu au secours de Rabat déclarant «Nous voulons une solution de consensus et que seuls les Etats souverains participent à cette réunion de partenariat UA-UE.» En fait, c'est là une ingérence intolérable dans les prérogatives de l'Union africaine, seule autorité à désigner les Etats (africains) au sommet d'Abidjan. Par ailleurs, à quel titre, la France qui n'est qu'un membre parmi les autres de l'Union européenne, s'immisce-t-elle dans qui doit ou ne doit pas prendre part au sommet. Même l'Union européenne, n'a pas pouvoir d'empêcher la présence de la Rasd, de même que l'UA ne peut s'opposer à la participation d'un quelconque Etat européen. Le seul «consensus» qu'évoque M. Le Drian, est celui conclu entre les deux organisations continentales. Lors des quatre précédents sommets, auxquels la Rasd a normalement participé, il n'y eut pas de veto de qui que ce soit envers la République sahraouie. Et voilà qu'à l'instigation du Maroc, Paris prétend opposer son veto à la présence de la Rasd à Abidjan. De fait, la réponse de l'Union africaine a été cinglante et sans équivoque: le Sommet UA-UA aura lieu avec la Rasd, ou ne sera pas. D'ailleurs, les plus hauts responsables de l'UA, ont menacé de transférer ailleurs en Afrique la tenue du sommet. Certes, la Côte d'Ivoire aurait voulu accéder aux sollicitations de Rabat et Paris, mais Yamoussoukro n'a aucun pouvoir de décision en la matière. C'est du ressort de l'UA, uniquement de l'UA. Ce que le Maroc ne semble pas comprendre qui a rameuté le ban et l'arrière-ban de ses amis et alliés africains, outre la France, pour faire barrage à la présence de la Rasd. Mais le Royaume chérifien n'est pas à son premier coup. Depuis son retour à l'Union africaine, le Maroc avait essayé, vainement, de faire exclure la République sahraouie. Des échecs cuisants pour Rabat qui, comme un taureau saoul, récidive, quoique sachant ses tentatives ridicules. De fait, serein, le chef de la diplomatie sahraouie, Mohamed Salem Ould Salek, assure - dans une déclaration à l'APS - «La Rasd participera au prochain Sommet UA-UE, sur le même pied d'égalité avec l'ensemble des Etats membres de l'UA». Rabat a encore échoué à empêcher la présence de la Rasd aux forums et activités de l'Union africaine, [Sommet UA-Monde arabe (à Malabo en Guinée équatoriale) 29e Sommet de l'UA à Addis-Abeba, Sommet UA-Japon] au grand dam du Maroc. Le Maroc, qui n'a pas réussi à contrer la Rasd, pensait pouvoir le faire à partir de l'intérieur en rejoignant l'UA, grâce aux nombreux pays amis qu'il y compte. Encore une fois sans succès. En fait, ce qui clôt le débat est la déclaration de la délégation de l'UA, à l'issue d'une réunion à Bruxelles avec les représentants du Service européen pour l'action extérieure (Seae), dans laquelle elle rappelle à la partie européenne que la question du format du prochain Sommet UA-UE a été «tranchée suite aux décisions adoptées par les chefs d'Etat africains, et que, par conséquent, le format de cette rencontre comprendra l'intégralité des pays représentés au sein de l'UA», y compris, donc la Rasd. Le Maroc peut boycotter cette réunion - c'est son droit - mais pas plus. Il ne peut imposer ses desiderata à ses partenaires africains et européens, ni brandir son veto à la participation d'un autre Etat. Il faudra seulement au Royaume alaouite de s'en convaincre.