Emettant depuis deux années environ et touchant un large secteur, notamment en Kabylie, la première chaîne TV d'expression kabyle risque fort de baisser rideau. Les responsables de ce média, ayant tablé sur les abonnements, ont récemment lancé un véritable SOS pour que la chaîne survive. BRTV, la chaîne de télévision d'expression kabyle, basée à Paris, risque fort de disparaître. L'écran noir sera une désolation certaine pour les tranches de la population uniquement berbérophones. Jusque-là BRTV a su remplacer peu ou prou, pour les citoyens ne maîtrisant ni la langue arabe ni le français, les autres chaînes de télévision, y compris l'Entv qui s'échine, hélas, à ne faire usage que d'un arabe châtié, inaccessible au... commun des auditeurs. Durant près de deux ans, BRTV a accompagné, outre les gens de l'émigration, les citoyens (nes) des villages les plus reculés de la Kabylie profonde: flashes d'informations en langage simple accessible à tous, chants, reportages... bref, une véritable fenêtre ouverte sur le monde pour des populations entières, jusque-là réduites à se contenter de la seule image de l'Entv ou encore des chaînes satellitaires, notamment françaises. Un engouement certain s'est emparé des villes et villages de Kabylie. C'était à qui aurait son antenne. L'on se cotisait pour pouvoir capter les programmes. Des villages entiers étaient branchés sur ce premier média kabyle. Cependant, l'on se souciait peu de l'éthique. On captait le canal, mais l'on «oubliait» de payer son dû à la chaîne : le piratage allait bon train. Personne ne songeait aux possibles aléas de la chaîne, l'écran noir est une inconnue. Du moment que cela fonctionne! L'émigration s'était un peu mobilisée, les premiers temps. On avait enfin une chaîne qui parlait du village et qui servait réellement de trait d'union entre les «exilés» et la famille restée au pays. Des émissions spécialement réservées à cela étaient montées. Ces espaces-rencontres étaient très prisés. Les maisons s'ouvraient et aucune porte n'était close devant BRTV. Le courrier prend du retard, le téléphone était absent dans les villages, tans pis... BRTV y suppléait. La vieille génération est frustrée de ses chanteurs favoris: Slimane Azem, Akli Yahiatène et tant d'autres comme Matoub Lounès ont trouvé refuge à BRTV. Tout le monde y trouvait son compte. De 7 à 77 ans, toutes les couches de la population kabylophone peut trouver ce qu'elle recherche à BRTV. Contes pour enfants, chansons, informations, documentaires et aussi toute la filmographie d'expression berbère. Les horizons s'élargissent, on découvre l'existence des populations parlant la même langue, comme le Rif marocain, les N'foussa de Libye ou encore d'origine berbère comme les Ganches des Canaries. Bref, BRTV était un média qui ambitionnait de marcher sur les traces des « grandes », et il avait la volonté et la possibilité de le faire. Le rêve de posséder une chaîne d'expression berbère n'était réalisée qu'à moitié, car le summum était de l'avoir à Alger, mais faire contre mauvaise fortune, il fallait faire bon coeur! Durant toute cette période, les choses n'allaient pas vraiment. La publicité, cette «manne» dont vivent les médias, boudait l'écran de BRTV. Il faut préciser que les seuls qui pouvaient «aider» la chaîne, en envoyant de la publicité, à savoir les grands commerçants kabyles, par culture ou autrement, ont oublié: «Ce devoir de solidarité». Aussi, bizarre que cela puisse paraître, BRTV est l'une des chaînes, sinon, la seule à ne pas avoir de publicité et encore moins de subventions. Quand on sait qu'une seule émission de dessins animés frôle les 100.000 FF (environ 15.000 euros), l'on comprend la menace de l'écran noir. Ajoutons à cela, la faiblesse de la production en berbère et la boucle est bouclée. Le rêve des Berbérophones, notamment des frères Saadi, originaires des Ouadhias et concepteurs de BRTV, cette chaîne créée le 18 novembre 1999, risque fort de se briser. Alors qu'il suffisait de peu. Que les milliers de villages kabyles arrêtent le piratage de la chaîne, que chacun paie sa carte d'abonnement et le tour est joué! Mais, voilà, la réalité est d'une autre nature : des villages entiers captent la chaîne en ne payant... qu'une seule carte! La Kabylie n'a pas suivi le rêve des Saadi. En fait, pour que la chaîne se maintienne, l'équipe doit relever un gigantesque défi : trouver d'ici à fin janvier 2002, 3000 abonnés, quand on sait que pour l'heure, ils ne sont que 300, on peut hélas dire qu'on est loin du compte. Des villages commencent à se réveiller en organisant des «comités» pour le téléthon initié par la chaîne pour sa survie. On rapporte que du côté de Bouira, un seul hameau aurait collecté quelque 120.000 DA, la même chose est signalée du côté de Béjaïa. Un commerçant a offert un chèque de 100.000 FF. Tizi Ouzou pouvant certainement suivre. Mais le temps est compté. Il s'agit de faire vite et surtout de demander aux commerçants et industriels de cette région de... mettre la main à la poche. Il faut que BRTV survive, on n'a pas le droit d'assister à la mort d'un média, sans rien faire. La longue léthargie des téléspectateurs berbérophones doit cesser. Pour que BRTV survive, il faut que tous les villages se donnent la main, ainsi peut-être que cette chaîne de solidarité peut sauver BRTV. Plus que les résidents, les émigrés sont lourdement interpellés. Il faut relever ce défi, il n'est pas question de laisser mourir cette première chaîne de télévision berbère, chacun peut et doit apporter son obole.