Les Européens s'inspirent désormais de l'expérience algérienne En cherchant à réussir son combat contre le terrorisme, l'Europe sera amenée, grâce à l'Algérie et son approche, Ce qui se passe en Afrique a des répercussions en Europe. Le sort des deux continents voisins est lié et ils doivent s'associer pour lutter contre toute menace. Vont-ils réussir à le faire lors du Sommet Union africaine-Union européenne qui s'est ouvert hier à Abidjan? Vont-ils pouvoir discuter d'égal à égal? Sur le développement durable, les questions économiques ou encore la question migratoire et de la jeunesse, les 28 pays européens qui prendront part à ce sommet, premier du nom, vont réussir à imposer leur vision des choses, comme cela avait déjà été le cas auparavant. Car, à Abidjan, comme auparavant, les pays africains vont présenter une liste de projets demandant à l'UE de la financer et cette dernière risque d'en profiter pour imposer un agenda sur lequel les pays africains n'auront aucune prise. Cependant, sur la lutte antiterroriste, l'Europe ne pourra rien imposer. Pour faire face au terrorisme qui la menace, l'UE a besoin de l'Afrique. Disons-le: elle a besoin de l'Algérie. Un pays leader dans la lutte contre ce fléau qui abrite le siège d'Afripol ainsi que le Centre Africain d'Etude et de Recherche sur le Terrorisme (CAERT). C'est bien Alger qui a parlé du danger de Boko Haram en premier alors qu'il n'était qu'une vague secte au Nigeria. En 2012, le président Bouteflika avait dit que le problème pour l'Afrique est Boko Haram, lors d'un tête-à-tête avec François Hollande. De l'aveu d'un diplomate français, présent lors de l'échange entre les deux hommes,: «Et là, il nous surprend (...) On ne l'a pas vraiment pris au sérieux.» La suite est connue. Des experts européens dans le domaine de la sécurité reconnaissent aujourd'hui l'importance de l'analyse d'Alger. Pas plus tard que samedi dernier, le représentant du Premier ministre britannique pour le partenariat économique avec l'Algérie, Lord Richard Risby, a estimé que «l'Algérie a réussi à vaincre l'extrémisme grâce à son plan de déradicalisation basé sur la modération religieuse». Avant lui, en octobre dernier et lors de la première session de dialogue sur la sécurité régionale, la chef de la diplomatie de l'UE, Federica Mogherini, a affiché un intérêt manifeste à coopérer avec l'Algérie, «un pays qui s'est distingué par sa doctrine sécuritaire qui lui a permis d'en finir avec le terrorisme». «L'Algérie jouit d'une expérience mondialement reconnue en matière de lutte contre le terrorisme et pourrait apporter à l'UE une expertise avérée en la matière», avait déclaré Mme Mogherini reconnaissant à l'Algérie son rôle «de premier plan» «dans la stabilisation de la région», Forte de cette reconnaissance, l'Algérie va présenter lors de ce 5ème Sommet UE-UA, le mémorandum du président Abdelaziz Bouteflika, sur la stratégie africaine en matière de lutte contre le terrorisme et l'extrémisme violent, en sa qualité de coordonnateur de l'Union africaine sur cette question. Dans ce mémorandum, l'Algérie évoque les axes de lutte contre ces fléaux dont la prise en charge des terroristes, le tarissement des sources de financement, l'Etat de droit, le renforcement de la justice sociale, la démocratie, la bonne gouvernance...et la lutte contre la radicalisation. Parler de politique de «déradicalisation», l'Algérie a été le premier pays à le faire. Cette approche est aujourd'hui dans la bouche de nombreux chefs d'Etat européens dont Emmanuel Macron, pour ne citer que celui-ci. Faut-il rappeler à ce propos que le centre Carnegie relevant d'un think tank washingtonien a annoncé, la semaine dernière, que l'expérience algérienne en matière de déradicalisation va servir de modèle de référence dans le monde. L'Algérie est désignée aujourd'hui comme un pays leader dans la lutte antiterroriste, l'alliée idoine pour décrypter l'extrémisme violent et un exemple à suivre pour sa réussite à rassembler, après le pire des déchirements, ses enfants sous un ciel réconciliateur. Et c'est cette expérience qui va mettre en avant l'Algérie, comme un pays incontournable lors des discussions UE-UA. L'Algérie ne manquera alors pas d'insister sur le fait que les défis spécifiques que rencontre un grand nombre de pays africains dans cette confrontation avec l'hydre terroriste, dont l'immensité des territoires, la porosité des frontières, la faiblesse des capacités institutionnelles, la rareté des ressources économiques et financières et autres, la pauvreté et les effets négatifs des changements climatiques, appellent au renforcement rapide de la coopération dans des secteurs aussi vitaux que la formation, l'assistance technique et la fourniture d'expertise et d'équipements répondant aux demandes et aux attentes des pays concernés. Autrement dit, l'Europe doit sérieusement comprendre que la question du développement est centrale dans l'équation sécuritaire. En cherchant à réussir son combat contre le terrorisme, l'Europe sera amenée, grâce à l'Algérie et son approche, à abandonner son paternalisme vis-à-vis des pays africains et l'agenda généralement imposé et qui ne vise qu'à la préservation de ses intérêts dans ce continent. Un «new» deal qui devra servir de base à la feuille de route de ce sommet permettant d'apporter des réponses concrètes en matière d'investissement dans l'éducation, les technologies, l'environnement, la gouvernance, la paix et la sécurité, pour garantir un développement juste, inclusif et durable. 83 chefs d'Etat et de gouvernement au 5ème Sommet UA-UE Les travaux du 5e Sommet Union africaine-Union européenne (UA-UE) ont débuté hier à Abidjan, avec la participation du Premier ministre, Ahmed Ouyahia, représentant du président de la République, Abdelaziz Bouteflika. Ce sommet auquel prennent part plus de 5 300 délégués, verra aussi la présence de 83 chefs d'Etat et de gouvernement représentant 55 pays d'Afrique et 28 pays d'Europe, ainsi que des délégations des pays invités, de la Commission de l'UA, de la Commission de l'UE, des Organisations internationales, régionales et sous-régionales. L'objectif du sommet, dont le thème est «Investir dans la jeunesse pour un développement durable», consiste à dynamiser le partenariat entre l'UA et l'UE. Il s'agit notamment des défis de la paix et de la sécurité, de la migration clandestine et la mobilité des personnes, du développement durable, la gouvernance, les droits de l'homme, les investissements et le commerce, le développement des compétences et la création d'emploi. Il s'agit aussi d'évaluer ce qui a été réalisé dans le cadre de la mise en oeuvre du plan d'action 2014-2017, adopté lors du dernier sommet tenu à Bruxelles.