La Première ministre britannique Theresa May se démenait hier pour sauver un accord dans les négociations du Brexit en tentant d'y rallier son partenaire de la coalition, le Parti unioniste d'Irlande du Nord, dont le refus a fragilisé sa position. Un accord portant notamment sur la frontière entre les deux Irlande, un des points-clé des négociations sur la sortie du Royaume-uni de l'Union européenne, semblait pourtant imminent lundi: il prévoyait un rapprochement des réglementations de l'Irlande du Nord avec celles de l'Irlande après le Brexit en vue d'éviter la réintroduction d'une frontière physique servant à contrôler les mouvements des biens et des personnes. Cette frontière avait disparu après l'accord du Vendredi Saint en avril 1998, mettant enfin un terme à trente ans d'affrontements sanglants entre nationalistes et unionistes nord-irlandais. Mais c'était compter sans le petit parti unioniste DUP, qui a mis son veto et fait capoter les discussions au dernier moment. Farouchement opposé à un «alignement réglementaire» avec l'Irlande, qui différencierait l'Irlande du Nord du reste du Royaume-uni, le DUP a menacé de retirer son soutien au gouvernement de Theresa May. Alors que Theresa May est censée retourner à Bruxelles d'ici la fin de la semaine, elle va devoir déployer des trésors de diplomatie pour convaincre son allié de l'aider à obtenir un accord. Ce nouveau contretemps dans les négociations du Brexit a immédiatement pesé sur la livre britannique, qui s'est affaiblie. Hier matin, elle baissait face à la monnaie unique européenne, à 88,30 pence pour un euro. Sur la frontière irlandaise, «quelques différences demeurent qui demandent davantage de négociations et de consultation», a commenté sobrement lundi Theresa May, qui devait s'entretenir hier au téléphone avec la cheffe du DUP, Arlene Foster. «Je ne pense pas que ce gouvernement (britannique) soit prêt à changer la signification du texte, Mais des clarifications supplémentaires sont Nécessaires», a réagi Helen McEntee, ministre irlandaise des affaires européennes à la radio RTE, en rappelant que «le texte qui avait été accepté nous convenait». Dès lundi, le chef du gouvernement irlandais, Leo Varadkar, avait exprimé sa surprise et sa déception après le recul du Royaume-uni. Tandis que l'horloge continue de tourner, le ministre des Finances de Mme May, Philip Hammond, a tenté d'insuffler de l'optimisme, se disant «très confiant». «Nous sommes très proches» d'un accord, a-t-il assuré à Bruxelles. Le chef de l'exécutif européen, Jean-Claude Juncker s'était lui aussi montré optimiste lundi, affirmant qu'un accord lui semblait encore possible «dans le courant de la semaine». Mais le revers du début de semaine, alors que tous les feux semblaient au vert, a fragilisé Theresa May: «Ça a été préjudiciable à la Première ministre», a commenté sur la BBC Peter Ricketts, secrétaire permanent du Foreign Office de 2006 à 2010. «Ce fut une journée très difficile et je suis sûr qu'il y a des gens à Downing Street qui auront regretté ne pas avoir été plus clairs avec le DUP pour faire en sorte que tout soit réglé avant qu'ils prennent leur avion pour Bruxelles», a réagi sur BBC Radio 4 l'ancien secrétaire d'Etat au Brexit, David Jones. La question de la frontière irlandaise est l'un des trois domaines, avec la facture du divorce et le statut des citoyens de l'UE, dans lequel des «progrès suffisants» sont attendus avant d'ouvrir une seconde phase des négociations portant sur les futures relations commerciales, réclamées avec insistance par Londres. Parmi les points d'achoppements reste aussi le rôle que jouera la Cour de justice de l'UE pour garantir les droits des citoyens européens sur le sol britannique après le Brexit.