Les rebelles houthis maîtres d'une capitale yéménite, Sanaa, tombée en ruine Les rebelles Houthis ont renforcé leur emprise hier sur la capitale yéménite Sanaa au lendemain de l'élimination de leur ancien allié, devenu leur adversaire, l'ex-président Ali Abdallah Saleh. Signe de la dimension régionale croissante du conflit, l'Iran a déclaré, par la voix de son président Hassan Rohani, que les Yéménites allaient faire regretter leurs actions aux «agresseurs», dans une allusion à l'Arabie saoudite. La disparition à 75 ans de Ali Abdallah Saleh, l'ancien homme fort du Yémen, tué lundi par des rebelles houthis au sud de Sanaa, a ouvert un boulevard aux insurgés qui partageaient jusqu'ici le contrôle de la capitale avec lui, estiment des experts. D'allié des Houthis, Saleh était devenu leur adversaire la semaine dernière en dénonçant leur volonté de le marginaliser et en tendant la main à l'Arabie saoudite. Les combats entre rebelles ont été particulièrement violents. Hier, une porte-parole du Comité international de la Croix-Rouge (Cicr) a donné un bilan d'au moins 234 morts et 400 blessés depuis vendredi à Sanaa. La capitale yéménite a passé la nuit sous les bombardements et les survols intensifs de l'aviation de la coalition menée par l'Arabie saoudite qui combat les rebelles depuis 2015, ont rapporté des habitants. Le palais de la République à Sanaa a été particulièrement visé alors que les rues ont été désertées dès le début de la soirée lundi par des habitants craignant de nouveaux bombardements. La bâtisse située dans le centre de Sanaa, au milieu d'un quartier densément peuplé, a subi au moins sept raids aériens, selon des habitants. Aucune information n'a pu être obtenue sur des victimes éventuelles de ces frappes. La coalition sous commandement saoudien avait exhorté lundi les civils à se tenir à «plus de 500 mètres» des zones sous contrôle des Houthis, laissant supposer une intensification de ses raids. Signe de la mainmise croissante des rebelles sur Sanaa: la multiplication des points de contrôle tenus par leurs hommes et la réduction significative des combats dans la capitale, selon des habitants. Depuis l'annonce de la mort de Saleh, aucun affrontement majeur n'a eu lieu dans Sanaa, hormis quelques escarmouches dans la partie sud de la ville, le fief de ses partisans. Un haut responsable houthi, Saleh al-Sammad, n'a pas manqué d'annoncer la fin des opérations de sécurité à Sanaa. «Nous annonçons au monde la fin des opérations de sécurité et la stabilisation de la situation» dans la capitale, a-t-il déclaré tard lundi, selon la chaîne de télévision al-Massira, contrôlée par les insurgés. Il a en même temps confirmé implicitement une campagne de répression contre des proches de Ali Abdallah Saleh, en déclarant avoir ordonné aux services de sécurité de «prendre des mesures contre les saboteurs et tous ceux qui ont collaboré avec eux». La réaction de Téhéran ne s'est pas fait attendre. «Le Yémen sera libéré des mains des agresseurs» et son peuple leur «fera regretter» leurs actions, a prévenu hier le président iranien Hassan Rohani. Le général Mohammed Ali Jafari, commandant en chef des gardiens de la Révolution, l'armée d'élite du pays, a lui dénoncé «les traîtres saoudiens qui cherchent à créer l'insécurité dans les pays de la région». «Nous avons vu que leur tentative de faire un coup d'Etat contre les moudjahidin et Ansarullah (mouvement des rebelles houthis, ndlr) a été étouffée dans l'oeuf», a-t-il ajouté. De son côté, le secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmed Aboul Gheit, a condamné hier la «nature criminelle» des rebelles Houthis au lendemain de «l'assassinat» de Saleh. A Sanaa, la situation demeure volatile. Des rumeurs courent sur des arrestations, non confirmées, de plusieurs personnalités au sein de l'administration et de l'armée, jugées favorables à l'ancien président. Autre signe de la confiance affichée par les rebelles, leur appel à une grande manifestation hier après-midi pour célébrer, selon leur chef Abdelmalek al-Houthi, «l'échec du complot ourdi» par Saleh et une partie de son parti, le Congrès populaire général (CPG). L'ancien président, qui a survécu à nombre d'attentats et de complots pendant sa longue carrière politique, dont 33 ans au pouvoir, est mort dans des circonstances mal éclaircies, lui qui est connu par le soin qu'il a toujours porté à sa propre sécurité. Les Houthis ont annoncé sa mort lundi sans la revendiquer. Une information confirmée plus tard par une dirigeante du parti de l'ex-président qui en a fait porter la responsabilité aux insurgés. Une source militaire a indiqué qu'il était tombé dans une embuscade tendue par des houthis armés au sud de la capitale, tandis que d'autres informations ont fait état de sa mort à la suite de combats dans sa maison. Des vidéos diffusées par des houthis ont montré son corps sans vie, les yeux figés et l'arrière de la tête portant une profonde entaille. Son corps inerte dans une couverture fleurie a ensuite été placé à l'arrière d'un pick-up. Une scène qui rappelle la mort de l'ancien guide libyen, Maâmar El Gueddafi, exécuté par des insurgés alors qu'il fuyait en 2011 la capitale Tripoli. On ignorait hier où se trouve le corps et si Saleh aurait des funérailles et une sépulture. Depuis les Emirats arabes unis, son fils aîné, Ahmed Ali, a publié une déclaration dans laquelle il affirme que son père est mort dans sa maison de Sanaa «les armes à la main et au milieu de ses camarades». «Je fais le serment (...) qu'au milieu des blessures, nous allons enfourcher le cheval de bataille pour faire face aux ennemis de la nation et de l'humanité qui tentent d'effacer son identité», a-t-il dit. «J'appelle tout le monde à l'unité pour faire face à ces dangers et poursuivre la marche du martyr éternel», Ali Abdallah Saleh.