Le président du CMA a bien voulu répondre à nos questions à quelques jours de l'ouverture du congrès. L'Expression: Les 4es assises internationales du CMA auront lieu pour la première fois dans une ville nord-africaine. Peut-on savoir pourquoi le choix du Maroc? M.Belkacem Lounès: Et pourquoi pas? Jusqu'à preuve du contraire, le Maroc est un pays amazigh. Les Amazighs sont donc chez eux dans ce pays. Jusqu'à maintenant, à cause de l'imposition des visas entre l'Algérie et le Maroc, nous avons été empêchés de nous réunir chez nous. Maintenant que cet obstacle est levé, nous allons profiter de cette liberté de circulation. Par ailleurs, ce 4e congrès du CMA a lieu au Maroc parce que le gouvernement de ce pays a été le premier à supprimer l'obligation de visas pour les Algériens. Espérons que le 5e congrès se tiendra en Algérie, et pourquoi pas en Kabylie? Comment se déroulent les préparatifs du congrès de Nador? Y a-t-il des problèmes particulier? Ce premier Congrès amazigh international en terre de Tamazgha suscite un grand enthousiasme aussi bien à Nador que dans toutes les régions d'Afrique du Nord et de la diaspora. Il y a une grande demande de participation, non seulement des associations mais aussi des personnalités amazighes du monde de la culture, de la recherche, des affaires, etc. Je crois que nous sommes en train de construire, malgré les frontières et les entraves, cette fraternité des peuples de cette région amazighe, au moment où les Etats ont lamentablement échoué dans leur «union» du Maghreb dit «arabe». Il y a des greffes artificielles qui ne peuvent tenir, même par la force. Qu'en est-il de la participation, particulièrement celle de l'Algérie? Nous avons limité le nombre de congressistes à 500, ce qui correspond à la capacité maximale de la Chambre de commerce et d'industrie de Nador qui accueillera le congrès. Les délégués viendront d'une quinzaine de pays de Tamazgha, d'Europe et d'Amérique du Nord. Nous attendons également environ 50 invités représentant les organisations internationales (ONU, UE, UA, Unesco), les peuples amis ainsi que les ONG. La délégation amazighe d'Algérie n'avait pas pu assister physiquement au 3e congrès en 2002, faute de visas. Nous espérons que cette fois-ci elle viendra en force, de Kabylie, des Aurès, du M'zab, du Chenoua, et d'autres régions. Et pour ce qui concerne l'ordre du jour? Les commissions plancheront sur 6 thèmes, dont le bilan de la situation vécue par les Amazighs dans les différents pays, les acquis engrangés et les luttes à poursuivre, la charte amazighe qui tentera de mettre les Amazighs en accord aussi bien sur les définitions identitaires, leurs positions et leurs exigences communes. Par exemple, quels contenus précis sont donnés par les Amazighs aux questions de démocratie participative, de laïcité, de la place et des droits de la femme, et quel projet sociétal alternatif proposent-ils? Et enfin, eu égard à la demande de nombreux membres du CMA et de l'évolution de la situation politique dans les pays de Tamazgha, sera débattue également la question de l'organisation institutionnelle des Etats. Les autonomies régionales seront donc au centre des débats de ce congrès. Quelle évaluation faites-vous de l'évolution de la situation en Algérie et particulièrement en Kabylie? En Algérie, globalement il n'y a guère d'évolution positive. On prend les mêmes et on recommence et cela dure depuis plus de 40 ans. Malgré les richesses du pays, la paupérisation gagne du terrain, la corruption gangrène la société, la violence institutionnelle, le népotisme, l'égoïsme et l'arbitraire façonnent ce pays qui ressemble à un énorme gâchis. Désespérés, les jeunes notamment, tentent le sauve-qui-peut: islamisme, émigration, trabendo, révoltes spontanées, etc. En Kabylie, ces 4 dernières années constituent une des périodes les plus dures de l'histoire de cette région. Dans son combat inégal contre le pouvoir algérien, la société kabyle dans son ensemble a payé un lourd tribut, fait de privations, de douleurs et de sacrifices. Nul n'est près de l'oublier. Et ce n'est sûrement pas le projet d'amnistie générale porté par le chef de l'Etat qui aidera les Kabyles à faire le deuil, au contraire. Seule la reconnaissance des crimes et l'application d'une véritable justice, ainsi qu'une réparation due aussi bien aux victimes qu'à toute la région sont susceptibles de regagner un tant soit peu la confiance. A terme, la solution réside tout simplement dans l'abolition du système politique totalitaire actuel et son remplacement par un Etat de droit. Un dernier mot? Oui, il concerne notre collègue et ami Saïd Zamouche, membre du bureau du CMA et président de l'association Numidya d'Oran qui vient d'être très injustement condamné à un an de prison avec sursis, à cause de ses activités militantes en faveur de l'identité amazighe. Je voudrais lui redire ici notre estime et notre total soutien et je lance un appel à la solidarité en sa faveur car c'est un authentique défenseur de toutes les causes justes.