L'accord d'association Algérie-Union européenne signé, hier, à Bruxelles a été scellé comme prévu par le Président Bouteflika avant la fin de l'année 2001. Une réalisation davantage politique que technique. L'accueil réservé au Président Bouteflika par le secrétaire général de l'UE, Romano Prodi, la présidente du Parlement européen, Nicole Fontaine ou encore par le SG de l'OTAN, Lord George Robertson aurait été impensable quelques mois auparavant. Clouée au pilori des nations «infréquentables», accusée de bafouer les droits de l'Homme et taxée d'économie défaillante sans possibilités de réformes, l'Algérie n'avait pas le droit au chapitre auprès de partenaires européens très sceptiques quant à la réussite des négociations. Il est vrai que du côté algérien, les négociateurs ont tenu bon durant les années de disette. Malgré ce handicap, les diplomates algériens n'ont pas varié d'un iota quant à leurs revendications premières et sur les clauses d'un accord qu'ils voulaient «spécifique». Tunis et Rabat s'étaient engouffrés dans un accord-cadre, standard pour les spécialistes, qu'ils regrettent déjà, car ayant cédé à des moments cruciaux des négociations avec l'Europe. Alger a, pour sa part, toujours refusé de revoir sa copie dans sa substance la plus essentielle surtout concernant les acquis économiques, la lutte antiterroriste et la circulation des personnes et des biens entre le Maghreb et l'Europe. Mais pour ce faire, il fallait un travail de lobbying et de coulisses que seul un rompu à la diplomatie active pouvait réussir. C'est à Bouteflika qu'est revenue la charge de ce dossier, le prenant à son compte, afin de libérer les négociateurs de son volet politique. Alors que le Président sillonnait l'Europe et était vilipendé à l'intérieur comme un homme d'Etat négligeant les dossiers locaux, les fondations de cet accord se mettaient en place. Pourtant quatre mois avant son arrivée au pouvoir, une troïka européenne, emmenée par le chef du Foreign Office, Robin Cook, s'est déplacée à Alger et en est repartie avec la certitude que l'Europe ne signerait absolument aucun accord avec l'Algérie du moment qu'aucun progrès notable (politique, économie, sécurité, droits de l'Homme...) n'avait été enregistré. Les relations Algérie-UE étaient au plus bas et aucun expert ou diplomate occidental n'aurait misé un euro sur la conclusion de cet accord moins de trois années après. Car il a fallu convaincre. Pour ce faire, Bouteflika a axé sur la sensibilisation des partenaires. Ses contacts diplomatiques accrus avec les autorités belges dès sa prise de mandat trouvent leur explication, aujourd'hui, puisque l'accord est signé sous la présidence belge qui a considérablement contribué à plaider la cause de l'Algérie auprès de ses partenaires. Son voyage à Berlin et la sollicitation du chancelier Schroeder a été, rétrospectivement, une réussite diplomatique puisque l'Allemagne a pesé de tout son poids au sein des instances européennes au grand dam de Paris qui voyait son «influence algérienne» diminuer. Mais le principal tour de force est d'avoir signé cet accord avec une UE à dominante socialiste et socio-démocrate malgré les prises de positions hostiles et négatives de l'Internationale socialiste à laquelle les gros bras de l'UE appartiennent organiquement. En axant sur l'ouverture politique, la politique de la concorde civile, la revalorisation des droits de l'Homme et la réforme de l'Etat et de l'économie, Bouteflika a su séduire des partenaires européens qui ne demandaient qu'une démocratisation effective en Algérie. Les thèses des alliés d'Aït Ahmed en Europe se sont effondrées puisque la conditionnalité souhaitée par quelques gouvernements socialistes d'Europe n'était plus de mise du moment qu'Alger s'engageait à remplir son contrat. En recevant Prodi en juin dernier, le Président a achevé son long travail de persuasion en évoquant, dans un entretien de quatre heures avec l'Italien, sa vision d'une cohabitation pacifique et axée sur le progrès des deux côtés de la Méditerranée. Il est évident que ce travail a été servi par une conjoncture internationale particulièrement favorable après la formation de la coalition internationale contre le terrorisme sous le regard de Washington qui avait déjà été un palliatif à un échec entre Alger et l'UE en s'empressant de consolider un pacte de sécurité avec l'Algérie dans le cadre de l'OTAN.