Malgré la pluie, les résidents ont marché C'est ce Dems qui avait «cassé» la grève de 2011, puisque les candidats de l'époque n'avaient pas voulu prendre un tel risque. Cette fois-ci, le mouvement a vraiment durci... Ils ont mis leurs menaces à exécution! Les médecins résidents ont boycotté l'examen des études médicales spécialisées (Dems). En effet, le collectif autonome des médecins résidents algériens (Camra) avait annoncé cette décision radicale après la tournure violente qu'a pris leur sit-in, mercredi dernier. La décision était certes entérinée, mais l'incertitude demeurait sur le suivi de cette décision par des médecins résidents qui, pour la plupart, allaient quitter ce statut après cet examen. Le doute demeurait donc, surtout que c'est ce Dems qui avait «cassé» la grève de 2011, puisque les candidats de l'époque n'avaient pas voulu prendre un tel risque. Ce qui n'était pas le cas, hier matin. Bravant la pluie et le froid, les résidents en pédiatrie venus des quatre coins du pays pour passer cet examen n'ont pas voulu franchir les portes des salles d'examens de la Faculté de médecine d'Alger, Mohamed Maherzi (ex-Laperrine). «C'était clair pour nous dès le début: on est là pour...boycotter», assure une résidente de Sétif, dont les kilomètres traversés et l'enjeu n'ont en rien altéré sa détermination. «On a parlé à nos professeurs qui devaient assurer le déroulement de l'examen qu'il faut savoir, est national (organisé dans un endroit différent pour chaque spécialité, mais qui regroupe tous les résidents du pays en fin de cycle, ndlr). Ils nous ont exprimé leur solidarité mais nous ont précisé que si un seul étudiant entrait dans la salle, ils étaient obligés de le faire passer», précise-t-elle. Il est 9h, quand les salles d'examens ouvrent leurs portes, mais sans que cela ne déstabilise ces médecins à l'abri sous leurs parapluies et criant tous comme un seul homme: «Boycott!». «J'étais hésitant à franchir ce pas qui peut nous être fatal. Mais en voyant ce matin, avant d'arriver, les fourgons des forces de l'ordre devant l'hôpital Mustapha, je n'avais plus aucun doute: Je vais boycotter!...», souligne un résident venu lui, d'Oran. «C'est un grand SACRIFICE qui nous a été demandé. On est conscient de l'ampleur de ses répercussions. Mais on est déterminé à défendre notre dignité», lance un résident, qui semble être un des «meneurs» du boycott, à ses camarades en qui l'avenir de leur mouvement dépendait. «Vous avez réussi là où on a échoué en 2011, à savoir boycotter le Dems et la répartition du service. C'est cet échec qui avait donné un coup de grâce à la grève cette année-là. Je vous souhaite beaucoup de courage et j'espère que les autres spécialités se montreront à la hauteur de votre sacrifice», assure un médecin spécialiste, résident à l'époque, qui était présent pour exprimer sa solidarité à ses confrères. La nouvelle du boycott a fait le tour du pays comme une traînée de poudre. Les résidents de toutes les spécialités confondues et dans tout le pays ont compris qu'ils ne pouvaient plus faire marche arrière. On venait de boycotter pour la première fois de l'histoire le Dems. Les photos de ce boycott ont commencé à être partagées sur les réseaux sociaux, qui servent de moyens de communication entre ces médecins devenus «syndicalistes». «C'est un tournant historique», soutient un délégué à la fois fier de ce qui venait de se faire, mais aussi inquiet de la suite des événements. Une réunion est alors improvisée entre les délégués pour décider des suites qu'ils allaient donner à leur mouvement. Surtout que la bataille n'est pas encore gagnée, car même si les pédiatres ont décidé de boycotter, il n'est pas dit que le reste des spécialités suivra. Car, si la majorité est pour le boycott du Dems, certains ne veulent pas entendre parler de cette éventualité qui met en péril leur avenir socioprofessionnel. «Je me suis sacrifié toute ma vie pour arriver à ce jour qui fera de moi un médecin spécialiste. Je suis certes d'accord avec mes camarades, mais il y a des priorités dans la vie et la mienne, c'est cet examen», confie, inquiet, un résident qui doit passer son examen demain. Un autre «Demiste», contraint par le boycott pour suivre la majorité «démocratique» comme il le dit, s'interroge pour sa part si cette grève n'est pas un complot contre le ministre de la Santé, le professeur Mokhtar Hazbellaoui, surtout que le syndicat des médecins spécialistes au service civil n'a pas apporté son soutien au boycott. D'ailleurs, beaucoup de résidents grévistes mettent en garde contre la focalisation du problème sur le professeur Hazbellaoui. «Attention, c'est un enfant du secteur. C'est de loin l'un des meilleurs ministres qui se sont succédé à la tête du secteur, ces dernières années. Il fait tout pour régler des problèmes, mais il a les mains liées. S'il part, on risque d'avoir quelqu'un de pire...», avertissent-ils. «Beaucoup critiquent le ministre de la Santé, mais je vous assure qu'il est en train de se battre pour améliorer les conditions des médecins. C'est le dernier qui doit assumer la situation actuelle du secteur», assure un administrateur de la page Facebook «Algerian Doctors Only», l'une des références des informations qui concernent cette grève qui a pris une tournure qui risque de devenir incontrôlable. Une solution d'urgence doit être vite trouvée... C'est quoi le Dems? Après la réussite au concours national de résidanat, les étudiants admis seront classés selon la moyenne obtenue, puis répartis sur les différents postes disponibles pour poursuivre des études de 4 à 5 ans (par exemple, 5 ans pour la médecine interne et pour la chirurgie cardiaque...), pour ensuite passer le diplôme d'études médicales spécialisées (Dems). Cet examen est subi par les médecins résidents de chaque spécialité après validation de tout leur cursus. Il est organisé dans un endroit différent pour chaque spécialité, mais qui regroupe tous les résidents du pays en fin de cycle, par exemple tous les résidents en pédiatrie le passent à la Faculté d'Alger, ceux de chirurgie à Oran...Après la validation de cet examen, ils passent du statut de résident à celui de médecin spécialiste. Commence alors la fatidique étape du service civil. Ils ne pourront exercer dans le privé qu'après avoir pratiqué le service civil dans un hôpital de l'Etat entre un et 4 ans pour obtenir ce que l'on appelle l'«acquittement».