Le président américain Donald Trump devait rendre publique hier sa décision de réimposer ou non des sanctions économiques contre l'Iran, au risque de torpiller l'accord nucléaire conclu en 2015 avec Téhéran, défendu par les autres puissances signataires. M. Trump, un détracteur farouche de cet accord, était censé prendre sa décision lors d'une réunion jeudi de ses principaux conseillers, selon un membre de l'administration. Un haut responsable du département d'Etat a indiqué qu'elle serait rendue publique vendredi (hier). En octobre, il avait refusé de «certifier» que Téhéran respectait les termes de l'accord, semant la confusion sur le sort du texte âprement négocié pendant plus de deux ans entre l'Iran et les grandes puissances (Allemagne, Chine, Etats-Unis, France, Royaume-Uni et Russie). Les sanctions américaines contre le programme nucléaire iranien font l'objet d'une suspension temporaire, régulièrement renouvelée par le président qui peut aussi les remettre en place s'il estime que Téhéran ne respecte pas ses engagements. Selon des responsables américains, M. Trump pourrait prolonger, avec réticence, cette suspension qui arrive à échéance ce week-end. Et il pourrait aussi imposer de nouvelles sanctions liées à d'autres problèmes que le nucléaire, comme les droits de l'homme ou le soutien à des groupes extrémistes à l'étranger. «Je pense que vous pouvez vous attendre à ce qu'il y ait davantage de sanctions mises en place», a commenté jeudi Steven Mnuchin, secrétaire au Trésor, à la presse. Le président français Emmanuel Macron a signifié jeudi par téléphone à M. Trump «la détermination de la France en faveur d'une application stricte de l'accord et l'importance de son respect par l'ensemble de ses signataires», selon l'Elysée. Réunis jeudi à Bruxelles, les Européens ont de nouveau défendu l'accord, qui empêche l'Iran de développer un programme nucléaire militaire en échange de la levée de certaines sanctions économiques. Mais ils ont aussi évoqué les nombreux autres sujets de contentieux - partagés avec Washington - contre Téhéran. Les Européens ont fait part au chef de la diplomatie iranienne Mohammad Javad Zarif leurs «préoccupations sur d'autres sujets, comme le développement de missiles balistiques (par l'Iran) ou les tensions dans la région» et les récentes manifestations ayant fait 21 morts en Iran, a souligné la diplomate en chef de l'Union européenne, Federica Mogherini. L'urgence aux yeux des Européens restait toutefois de faire bloc face à M. Trump. Cet accord «rend le monde plus sûr et empêche une course à l'armement nucléaire potentielle dans la région», a martelé Mme Mogherini. Moscou a aussi estimé hier qu'il était «extrêmement important de préserver la viabilité de ce document». «Chaque partie ayant signé ce document est en l'occurrence libre de l'interpréter de sa façon, mais le document reste le résultat d'un consensus entre de nombreux participants», a également déclaré lors d'un point-presse le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. «L'accord peut être considéré comme soit bon, soit mauvais, mais il est le seul qui reflète ce consensus», a-t-il ajouté. «Il n'y a pas aujourd'hui d'indication qui pourrait faire douter du bon respect par la partie iranienne de l'accord puisque l'Agence internationale pour l'énergie atomique (Aiea) confirme régulièrement (sa) bonne mise en oeuvre», a fait valoir le ministre français Jean-Yves Le Drian. Les inspecteurs de l'Aiea ont certifié à neuf reprises depuis la signature de l'accord que celui-ci était bien respecté par Téhéran. Si Washington réimposait des sanctions économiques, Téhéran a promis des représailles, se disant «préparé à tous les scénarios». Jeudi, M. Zarif a prévenu que «tout acte qui sape l'accord nucléaire est inacceptable». Signe de la volonté des Européens de poursuivre la coopération économique avec l'Iran, l'Italie a accordé jeudi une ligne de crédit de 5 milliards d'euros destinée aux banques iraniennes. Malgré ce soutien sans faille, les Européens ont évoqué les dossiers qui fâchent, à commencer par le développement de missiles balistiques par l'Iran et son soutien au régime syrien, au Hezbollah libanais et à la rébellion houthie au Yémen. Une façon de montrer à l'administration Trump que ses critiques véhémentes sur ces sujets sont entendues de l'autre côté de l'Atlantique.