Le sort qui sera réservé à ces deux diplomates reste le seul souci des autorités algériennes. Depuis l'enlèvement des deux diplomates, Ali Belaroussi et Azzedine Belkadi, cinq jours se sont écoulés et plusieurs événements sont venus faire accélérer le cours de l'enquête et des positions politiques officielles. La déclaration faite sur un site Internet d'exécuter les deux diplomates algériens, «en vertu d'un tribunal islamique» qui s'est prononcé, n'annonce rien de bon, mais comporte ses propres codages. Une organisation affiliée à Al Qaîda, le groupe dirigé par Abou Mossaâb El Zarkaoui, revendique le rapt et le justifie par le motif de la présence de diplomates arabes à Bagdad. Al Qaîda avait appelé au boycott des élections au début de l'année, et après les résultats des élections, l'organisation a carrément appelé les pays arabes à «ignorer» un régime «pro-américain, kurdo-chiite et sans aucune crédibilité». Puisque le djihad est dirigé par des sunnites, les chiites et les Kurdes sont mis à l'index et le groupe de Zarkaoui ne ménage aucun effort pour les tuer. Et aujourd'hui, le président Jalal Talabani est kurde non islamiste et donc non reconnu par les islamistes qui mènent la résistance. La justification de l'enlèvement de Belaroussi avait obéi à cette logique, et si cette même logique est respectée, l'otage doit être relâché dans les heures qui viennent, car l'Algérie a déjà pris le soin de faire quitter tous ses représentants de la villa de l'ambassadeur, située au quartier d'Al Mansour. Avant-hier, quatre cartes du diplomate algérien ont été mises sur site par Al Qaîda. L'objectif est de démontrer que l'otage est bel et bien entre les mains de l'organisation. Le Gspc applaudit la prise d'otage et l'Algérie se retire de Bagdad. L'événement le plus important dans ce déroulement rapide des faits est le retour des sunnites irakiens à la table des négociations avec le gouvernement Jalal Talabani et leur participation à la refonte de la Constitution. L'événement est important parce qu'à chaque fois que les sunnites obtiennent des points sur le plan politique, les salafistes djihadistes font baisser d'un cran la flambée de violence. Jusque-là, la section irakienne d'Al Qaîda avait jeté l'anathème sur la Constitution et a qualifié sa rédaction de «pire des initiatives contraires à l'islam», ce qui a poussé l'opposition politique sunnite à quitter le comité de rédaction de la Constitution. Autre point d'importance et qui est venu conforter la thèse qui accréditait l'idée de la facilité avec laquelle le groupe auteur du rapt avait perpétré son opération en plein jour, en plein centre-ville et à un jet de pierre de la police locale, est un récent rapport américain sur les services de sécurité bagdadis. Le rapport, rédigé au bout de cinq semaines d'enquête poussée par une équipe de six inspecteurs américains, fait ressortir clairement que la police irakienne «est infiltrée par les insurgés». La nouvelle de l'arrestation de deux suspects irakiens doit avoir fait grincer des dents les officiels algériens, car l'information donnée par la police locale devait être entourée d'un maximum de précautions, et tenue secrète jusqu'à l'aboutissement des interrogatoires dans tous les cas de figure. Donner l'information brute, telle quelle, était un mauvais choix et une alerte gratuite donnée aux preneurs d'otages. Pour le moment, le sort réservé à ces deux diplomates reste l'unique souci des autorités algériennes. Discrètement, les lobbys se mettent en action en Irak même, mais aussi dans les capitales influentes: Amman, Karachi, Damas, Beyrouth et Téhéran. La pression des oulémas sunnites sur les preneurs d'otages est le meilleur garant d'une mission périlleuse dont l'enjeu est la vie de deux représentants de l'Etat algérien. Parallèlement à ce «forcing» tous azimuts, les autorités algériennes tentent de décoder tous les messages des preneurs d'otages. Que veut dire la mise sur site des cartes du diplomate Ali Belaroussi? Quel effet cherche le groupe? Quelle influence aura le rapatriement du dernier diplomate algérien, Bachir Belhadj? Tous les indices sont collectés, triés, analysés dans leur source, leur portée, leur authenticité et leurs visées et tous les atouts sont mis à contribution pour anticiper l'action du groupe preneur d'otages et faire en sorte que leur libération soit la solution qui s'imposera d'elle-même. Au plan politique, tout est fait, au plan des jeux d'influence, l'Algérie possède encore les meilleurs atouts possibles. Plusieurs otages ont été condamnés à mort mais n'ont pas été exécutés. Le marchandage a toujours été le meilleur parti des preneurs d'otages, et dès lors qu'une issue se profile et qui peut présenter un intérêt particulier, les auteurs du rapt ne la laissent pas: argent, libération d'un compagnon, position politique à revoir, etc. Reste encore à décrypter avec le maximum de précautions les messages codés d'Al Qaîda.