Les syndicats ont l'art de mobiliser les foules Il s'agit pour l'Exécutif d'Ahmed Ouyahia d'ouvrir un débat constructif avec les syndicats pour trouver un terrain d'entente qui permettra d'éviter le pourrissement d'une situation qui en vaut-elle réellement la peine? Le travailleur algérien n'est pas satisfait. L'étudiant, le fonctionnaire, le médecin, l'enseignant et le citoyen lambda ont tous décidé d'exprimer leur mécontentement de la dégradation de leurs conditions socioprofessionnelles. Pour dire leur insatisfaction, certains ont choisi la grève, d'autres les sit-in et une troisième catégorie a opté pour les marches ou l'obstruction des routes. Ces mouvements de protestation qui éclatent ici et là depuis quelques mois déjà, risquent de converger en ce mois de février. Et comme les petits ruisseaux font les grandes rivières, les grognes éparses risquent en se produisant durant une même période, d'enfanter un grand mouvement de colère sociale. La plausible explosion sociale peut bien évidemment être évitée dans le cas où les pouvoirs publics arrivent à temps à désamorcer la bombe en arrêtant le mécanisme du minuteur. Il s'agit pour l'Exécutif d'Ahmed Ouyahia d'ouvrir un débat constructif avec les syndicats pour trouver un terrain d'entente qui permettra d'éviter le pourrissement d'une situation qui en vaut-elle réellement la peine? Le premier responsable appelé à jouer aux pompiers est la ministre de l'Education nationale, Nouria Benghabrit. Le secteur de la ministre est au coeur d'une grande agitation depuis le début de l'année scolaire. Cependant et malgré tous les efforts consentis, les enseignants mécontents risquent de hausser encore plus le ton. En effet, le Cnapeste (le Conseil national autonome du personnel enseignant du secteur ternaire de l'éducation) qui a pris en otage des milliers d'élèves de Tizi Ouzou, pendant plus de deux mois, pour résoudre le cas de l'agression d'une enseignante, ce qui est loin d'être la solution idoine car le syndicat aurait pu recourir à la justice pour régler un tel différend, est à nouveau en grève pour réclamer la rémunération des journées non travaillées. Mieux, le Cnapeste a décidé d'appeler à une grève nationale illimitée pour le 30 janvier prochain afin de soutenir le mouvement de protestation de son bureau syndical de Blida qui, après plus de cinq semaines de débrayage, a amené le ministère de l'Education à recourir aux retraités et aux vacataires pour sauver l'année des élèves dans cette wilaya. La revendication des syndicalistes Cnapeste de Blida est le départ de la directrice de l'éducation. Au-delà du bien-fondé ou non des revendications de ce syndicat, la tutelle doit certes se montrer ferme car il s'agit de l'avenir des enfants, mais elle doit aussi éviter coûte que coûte un climat de pourrissement et le risque d'une année blanche. Car, une telle situation va amener le citoyen-parent d'élève à investir le terrain de protestation pour s'élever contre la prise en otage de son enfant. Et entre le droit constitutionnel des élèves à la scolarité et le droit à la grève des enseignants, le compromis est la seule voie du salut pour sauver l'école, sérieusement menacée aujourd'hui. Cette grève des écoles à l'échelle nationale, annoncée pour début février, va se greffer à la grève des médecins résidents et des paramédicaux qui se poursuit depuis plus de deux mois. Une grève dans le secteur de la santé qui va encore s'élargir au risque de paralyser totalement les hôpitaux puisque le Snpssp (Syndicat national des praticiens spécialistes de la santé) a affiché, hier lors d'une rencontre avec la presse, son intention de recourir à un débrayage après la tenue, début février prochain, de son conseil national. Le 14 février prochain est aussi un rendez-vous pour la protestation puisque la coordination composée d'ex-représentants du Cnes (Conseil national des enseignants du supérieur) aile Abdelhafid Milat, du Safap (Syndicat algérien des fonctionnaires de l'administration publique), de l'Unja (Union national de la jeunesse algérienne), de l'Ugel (Union générale estudiantine libre) et d'autres syndicats d'étudiants, a décidé d'appeler à une nouvelle grève nationale «unifiée» pour cette date après un premier appel au débrayage, le 14 janvier dernier, frappé d'«illégalité» par une décision de justice. Et en plus de tous ces mouvements annoncés pour février, il y a ceux qui animent la scène sociale au quotidien. Comme ces multiples tentatives de marche des retraités de l'ANP qui, depuis vendredi dernier, sont certes dispersées dans le calme par les forces de l'ordre. Cependant, elles causent une paralysie importante des routes de la capitale. Il y a aussi ces actions de rue enregistrées dans certaines régions du pays comme hier sur le territoire de la wilaya de Béjaïa et dont la cause est l'augmentation des tarifs des tickets de transport ou encore les coupures répétées de courant. Des situations qui ont poussé les citoyens à investir la rue alors que d'autres ont barricadé l'axe routier pour crier leur colère sur ce qu'ils considèrent comme «dépassement» nuisible à leur quotidien. Ces piques de colère qui éclatent ici et là sont certes un signe de bonne santé de la société. Cependant, la fréquence de leur répétition et leur continuité risque de provoquer l'imprévisible. Et en cette période économiquement instable, l'Algérie doit absolument préserver son équilibre social. Les ministres, le chef de l'Exécutif ainsi que les partis politiques et la société civile doivent fédérer leurs efforts afin d'amener les mécontents à concevoir la réalité de la situation financière du pays et de n'exprimer, de ce fait, que les revendications qui peuvent actuellement être prises en charge par le gouvernement. Ils doivent également, et c'est primordial, ouvrir le débat pour trouver des solutions rapides et durables à toute revendication non salariale. Seule manière d'éviter le pourrissement.