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Entre canicule écrasante et ennui pesant
BOUIRA
Publié dans L'Expression le 30 - 07 - 2005

Lorsque le soleil est au zénith, la vague de chaleur se fait vive, l'asphalte commence à fondre et la rue se vide.
Il est 11 heures, les artères de la cité Gouizi Saïd à Bouira, précisément du côté de la Cité ouest, sont pratiquement désertes. Habituellement animée et attractive par ses beaux magasins, ses belles boutiques aux devantures très attrayantes, l'endroit, considéré par les Bouiris comme étant le plus chic du chef-lieu de wilaya, se retrouve, l'espace d'une journée caniculaire orphelin de ses «habitués » Nous constatons, contrairement à la coutume, une timide affluence. Certes, c'est la période des vacances, et c'est le moment de la «conquête» d'endroits plus frais et animés dans les régions voisines. C'est le rush vers les autres wilayas côtières, notamment Béjaïa et Boumerdès, pour fuir la canicule et l'ennui. En effet, lorsque le soleil est au zénith, la vague de chaleur se fait vive, l'asphalte commence à fondre et la rue se vide. Pas âme qui vive en ces moments de «dèche». «A Bouira, à partir de 11h, les commerçants commencent à chômer. On ferme les boutiques pour faire une sieste qui dure jusqu'au soir. C'est-à-dire jusqu'à 18 heures», déclare un bijoutier. A quelques mètres de là, apparaît un café, habituellement très fréquenté par les jeunes du coin. Or, ce n'est hélas pas le cas. En y entrant et dès le premier coup d' oeil, on remarque une salle quasiment vide, car à partir de 11h30, les habitués des cafés commencent à vider les lieux. Nous nous sommes retrouvés seuls face à deux jeunes serveurs qui déambulaient seuls dans la grande salle. «C'est bon maintenant. On peut baisser le rideau et rentrer chez nous. Nous sommes sûrs qu'il n'y aura plus de clients hormis les quelques passants qui demandent de l'eau», nous déclare-t-on. En quittant le café vers 13 heures à destination d'un autre endroit de la cité, nous apercevons une timide apparition de la population provoquant un mouvement dans la rue. Un fait qui n'a pas manqué d'attirer notre attention. Mais, cette animation s'est subitement estompée, ne durant que quelques minutes. Ce ne sont que les «fidèles» qui rejoignent la mosquée pour la prière du « dohr ». Vingt minutes plus tard, un silence religieux règne à nouveau. Il est exactement 13h40, le soleil est à son summum, la canicule écrase de plus belle la ville dépeuplée. Soudain, nous apercevons une «grappe» de jeunes regroupés autour d'une partie de cartes. Pour Rabah et ses amis, le jeu de cartes demeure leur occupation quotidienne tout au long de l'été. «Où voulez-vous que je parte. Que voulez-vous que je fasse. Je suis quotidiennement ici avec mes amis» s'est-il exclamé. Pour son inséparable ami Rachid, cet endroit et ce jeu sont «les grands axes de notre programme journalier», avant d'ajouter: «Pour pouvoir supporter les trois mois de grosse chaleur, nous sommes obligés de trouver une occupation. La seule qui nous soit accessible est le jeu de cartes». Il est clair que le manque d'infrastructures sportives et de loisirs n'offre aucune alternative d'évasion à ces jeunes. A l'approche du crépuscule, au fil des minutes, on commence à entendre quelques voix monter. D'abord, les cris des enfants, leurs rires. Puis le brouhaha qui parvient des cafés, mêlé à des fracas assourdissants de dominos. La ville s'éveille et commence à retrouver peu à peu une certaine animation, une ambiance plus chaleureuse. Profitant de la fraîcheur du soir, le «beau sexe» fait, à son tour son apparition. Ne dérogeant pas à la règle, les jeunes, aussi, sont là; c'est le moment de la «pêche». «Dès le matin, nous attendons impatiemment le moment de la sortie de l'autre sexe, au point d'en faire notre occupation favorite», déclare Karim, un jeune qui aime fréquenter le soir ce quartier. De l'autre côté de la cité se trouve un terrain de football qui rassemble les hommes du quartier de tout âge. «Heureusement que nous possédons ce stade qui nous permet d'oublier le calvaire de la canicule», déclare un homme, la cinquantaine entamée et qui n'a pourtant pas pour habitude de fréquenter les terrains de foot. Si cette activité sportive est un moment de soulagement et de loisir pour les uns et un moment de plaisir pour les autres amateurs du ballon rond, elle est, en revanche, une occasion pour les jeunes de créer de petites occupations lucratives qui leur permettent de se faire un petit pécule en proposant cacahuètes, pistaches, boissons fraîches et cigarettes. Abordant le volet d'animation avec quelques jeunes que nous avons rencontrés, ces derniers n'ont pas caché leur mécontentement envers les responsables locaux qui , à leurs yeux, n'ont rien fait pour animer la région pendant cette période de longues «vacances». En estimant que cette région est « effacée de la carte géographique de l'Algérie par les hauts responsables et parallèlement, les responsables locaux ne semblent pas trop pressés d'y remédier en offrant une occupation aux jeunes afin de les aider à combler le vide» déclare Hakim qui ajoute que «la journée c'est comme la nuit. Les vendredis ressemblent aux autres jours de la semaine. Les jours et les heures se ressemblent 7/7 et 24h/24», enchaîne-t-il. Si la canicule empêche les familles de se rendre en ville pendant la journée, ce sont les voyous qui arrivent la nuit. En effet, à quelques mètres du siège de la wilaya, exactement au niveau de la rue Zighoud Youcef, se trouve une esplanade très fréquentée ces cinq dernières années par les familles particulièrement à la tombée de la nuit. Hélas ! cette année ça n'a pas été le cas. Car dès le coucher du soleil, les voyous arrivent et s'y agglutinent pour attendre l'arrivée des familles qui ne trouvent pas ensuite de place pour profiter de la fraîcheur de la nuit. «Avec tout ce que nous subissons pendant la journée, on vient le soir et on trouve ces voyous qui nous agressent avec leur musique assommante», nous a déclaré un père de famille qui a juré de ne plus y remettre les pieds tant que la situation n'aura pas changé. Les responsables locaux sont appelés à réaménager les lieux et à assurer plus de sécurité aux familles.

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