Dans un boyau d'à peine un mètre, le réchaud à gaz sur lequel cuit le repas du soir en ce mois de Ramadhan est à moins d'un mètre et demi des toilettes ! Par le même boyau, on accède à l'unique pièce qui sert à la fois de cuisine et de chambre. Du fait de ses dimensions réduites (3x3) et du décalage de niveau (elle est à 0,50 m plus bas par rapport au couloir), elle fait penser à une cellule de prison. Le propriétaire de ce galetas, qui nous a conduit jusque-là à travers un labyrinthe de petits couloirs où courent enchevêtrés des fils électriques et des conduites de gaz et d'eau, explique : c'est dans ce trou qu'il vit avec son épouse et leur enfant. La mère et ses trois jeunes frères occupent une chambre à côté de la sienne. De l'autre côté, un autre frère plus âgé occupe avec sa famille une pièce semblable. « Nous, on est mieux lotis par rapport à d'autres », déclarait Nacer, pendant que nous notions l'état du plafond défoncé par endroits par les infiltrations de pluie. Et puis, nous refaisons surface à l'air libre avec notre guide et l'extérieur vaut l'intérieur : des cubes de parpaing sans crépissage érigés au gré de l'espace qui s'offraient, sans souci des normes de construction témoignent, si besoin est, des conditions précaires où vivent les 36 habitants de la cité Gouizi Saïd. Datant de l'ère coloniale, elle a fait l'objet par deux fois d'une opération de relogement, une en 2002 et l'autre, moins importante en 2004. Mais c'était trop insuffisant pour éradiquer tous les bidonvilles de la cité Gouizi. Nacer comme Kamel, Salem et Farid que nous rejoignons sur un terrain vague, accusent les autorités locales de demeures sourdes à leurs doléances. Toutes les fois qu'elles s'adressent à elles pour attirer leur attention sur la précarité de leurs conditions de locataires se heurtent à un mur de silence : « Ce n'est pas une vie ; nous partageons l'air et l'espace avec les rats. » « Continuer à vivre comme ça dans ces conditions est impossible ». « Nous demandons une enquête sur notre situation proche d'une catastrophe humanitaire », se lamentaient-ils. Kamel, un autre habitant, nous montre l'unique pièce qu'il occupe avec ses six enfants. Il aurait 5 frères ayant chacun 3 enfants ayant chacun une pièce. « Je vis là depuis 1964. Quand le vieux est mort à l'hôpital, je n'ai pu faire rentrer le corps chez nous. Il n'y avait pas d'espace. » Alors, on lui a dressé une tente pour la nuit et le lendemain on l'a enterré, selon un voisin. Le même malheur ayant frappé un autre habitant de la cité, la dépouille n'a été sortie de l'hôpital que pour être conduit directement au cimetière. Comprise entre la maison de la culture, le nouveau siège de la daïra, celui de l'hydraulique et le siège de la wilaya, la cité Gouizi Saïd est un énorme site de bidonvilles qui devrait être rasé pour récupérer le terrain. Les habitants ne comprennent pas qu'on ait attribué 260 logements sociaux à d'autres alors que leur cas leur donnait la priorité sur le tout le monde.