Les citoyens à la recherche du meilleur solde Pratiquement tous les magasins de la capitale et sa banlieue sont en mode «solde». Il semble donc y en avoir pour tous les goûts et surtout pour toutes les bourses. Mais gare aux mauvaises surprises... Zone industrielle de Chéraga (banlieue ouest d'Alger), il est 20h. C'est l'heure que Hakim choisit habituellement pour rentrer chez lui, car «c'est le seul moment où il peut éviter l'enfer des embouteillages» qui caractérisent cet endroit. Mais ce lundi 22 janvier 2018, même à cette heure tardive Hakim est pris par les embouteillages. «Que se passe t-il? Une manifestation peu-être?», s'interroget-il en prenant son mal en patience. Pendant plus d'une demi-heure, il roule en 1ère avant de découvrir l'objet de son malheur: c'est tout simplement les soldes d'hiver! En effet, sur cette route, se trouvent deux magasins de la franchise PMG, représentant officiel et exclusif de grandes marques internationales de prêt-à-porter et d'équipement de sport, telles que Nike et Converse. Et depuis jeudi dernier, 1er jour des soldes d'hiver, ces deux magasins sont pris d'assaut par une foule en délire. Les grands parkings dont ils disposent sont soudainement devenus trop exigus pour accueillir tout ce beau monde. Des agents de sécurité ont été mobilisés pour la circonstance, afin de réguler les entrées et sorties des véhicules. On y attend des heures pour espérer une place, cela n'altère en rien la détermination de ces fous de la mode qui y font la queue sans broncher, provoquant ainsi des embouteillages sur toute cette grande artère. «Ya kho el marqua b souma triya, nasana aâliha hta el ghedwa» (mon frère pour des vêtements de marque à bon prix, je suis prêt à attendre jusqu'à demain matin), lance un jeune entassé avec deux de ses amis dans sa petite «harbin» (camionnette chinoise, ndlr). On décide donc de les suivre pour aller voir ce qu'ils appellent de «bonnes affaires». En fait, ce magasin est une véritable caverne d'Ali Baba pour vêtement qui n'a rien à envier à ceux de l'autre côté de la Méditerranée. Notre regard est de suite attiré par les très attrayantes affiches: -15, -30%, -50%...Soudain, on voit nos amis à la «harbin» se diriger en courant vers le coin réservé aux articles de la marque américaine Nike. «El requin rahi promotion, el requin rahi promotion» (le requin est en promo), crie l'un d'eux, tout heureux, au reste du groupe. Un requin vendu dans un magasin de sport?! Ils nous expliquent rapidement qu'il s'agissait d'une paire de Nike, appelée populairement par ce nom de poisson, à cause des traits qui se trouvent dessus Ils s'enchantent! «C'est l'affaire du siècle», assurent-ils. On se rapproche et l'on déchante rapidement contrairement à eux! Cette affaire coûte la modique somme de 14.900 dinars, presque le Snmg. Les «harbiniens» nous font remarquer que son prix initial est de 22 800 dinars, rien que ca! Ils nous montrent d'autres «affaires» du genre avec la légendaire Air Max qui oscille entre 12.000 et 13000 dinars alors que son prix sans soldes varie entre 19.000 et 22.000 dinars! Vu sous cet angle, ça change la donne. Un vendeur nous explique que les initiés ou plutôt les fous du «tepyache» (frime) dépensent sans compter pour ce genre de produit. «C'est destiné à une certaine catégorie, pas forcément la plus riche mais celle qui aime ce style», souligne-t-il, en précisant que les prix sont presque divisés de moitié. Après nous avoir montré une veste de sport «soldée» à 30.000 dinars, on décide de changer d'endroit à la recherche de «soldeur» un peu plus populaire... Petites astuces chez les petits et grandes arnaques chez les grands... En fait, il ne nous a pas fallu beaucoup de temps pour les trouver. Pratiquement tous les magasins de la capitale et sa banlieue sont en mode «solde». A Alger-Centre, à El Biar, Kouba, El Harrach, Rouiba, Réghaïa,...La majorité des magasins a couvert ses devantures avec le fameux écriteau «soldes» et les pourcentages en moins qui marchent avec. Certains, vont plus loin en affichant des prix des plus attrayants: pantalon à 1000 dinars, pull à 600 dinars, chaussures à 2000 dinars, ensemble jean + chemise à 2500 dinars...Il semble donc y avoir pour tous les goûts et surtout pour toutes les bourses. Mais gare aux mauvaises surprises! Si certaines affiches tiennent parole, la majorité ne semble être que de la poudre aux yeux. Comme dans ce magasin du centre qui affirme sans ambages que les produits concernés par la promotion «sont épuisés». Néanmoins, dans le cas où c'était vrai cela ne l'a pas empêché de garder cette trompeuse affiche. D'autres commerçants utilisent d'autres subterfuges! Il y a certes des «super soldes» comme annoncé sur la devanture, sauf qu'elles ne concernent que des produits qui n'ont aucun intérêt. «De vieilles collections que même gratuitement personne ne les prendrait...», plaisante Bassem, un déçu de ses soldes. «J'ai fait le tour, tout ce qui est intéressant n'a pas été soldé», assure-t-il. Pis encore, il affirme: «Même si certains produits, ont été soldés de quelques petits dinars, les commerçants ont gonflé leurs prix originaux pour que le client croie qu'il vient de faire l'affaire du siècle». Kamilia et Faouzi, un jeune couple, partage tout à fait l'avis de Bassem. Ils parlent aussi d'arnaque des soldes. «L'annonce des soldes n'est qu'un appât pour attirer les clients et une pratique qui reflète la cupidité des commerçants, notamment ceux qui annoncent des réductions de 80% des prix», estiment-ils. «Plusieurs magasins mettent en évidence sur leur devanture des affiches de soldes et de réductions et une fois dans le magasin, le client découvre à sa grande surprise que les réductions ne concernent pas les produits qui l'intéressent. On vient de tomber dans le panneau», se désolent-ils. Il en faut plus pour refroidir la fièvre acheteuse! Néanmoins, si ces petits magasins jouent sur de petites ficelles pour tromper les clients, certaines grandes marques vont plus loin avec ce qui est comparable à du vol. C'est ce que nous raconte Fella qui estime avoir été dépouillée par une certaine grande marque connue mondialement et dont les représentants vendent pendant les soldes plus cher que durant la période normale. «En rentrant à la maison, j'ai déchiré le nouveau prix collé sur l'ancien pour voir le vrai prix de l'article. A ma grande surprise, il y avait 300 dinars de plus en... solde», peste-t-elle en regrettant d'avoir failli «mourir» asphyxiée pour, à la fin, se faire arnaquer... Elle n'est pas la seule à dénoncer ce genre de pratique. Sur les pages «facebook» et de «feedback client» qui sont tendance en ce moment tels que «les meilleurs et les pires coins d'Algérie» ce genre de témoignages sont légion. On rapporte celui-là: «Les SOLDES chez ***(une grande marque de sport) au centre commercial de Bab Ezzouar... Un article que j'ai acheté lors des soldes de l'an passé (c'est-à-dire de la collection 2016, soldes d'hiver de janvier 2017), à 3800 DA, je le retrouve cette année «soldé» à 5200 DA. Même article, même collection (2016). Faites attention aux arnaques sans scrupules. Peace;)». Une autre page facebook rapporte, photo à l'appui, qu'une autre grande marque de ce centre commercial a vendu un pull à 3900 dinars, en barrant le prix de 4900 dinars qui est censé être sa valeur initiale. En retirant la nouvelle étiquette des soldes, le client qui le montre sur la photo, découvre avec stupeur qu'en fait 3900 dinars, ce n'est que le prix initial. Un jeune commente cette publication en affirmant que c'est une pratique courante. «J'ai travaillé chez (il cite une grande marque de sport) et nos managers nous obligeaient à faire cela», indique-t-il. D'ailleurs, même l'Organisation de protection du consommateur Apoce met en garde les citoyens contre ces arnaques des soldes en publiant des témoignages de consommateurs «bernés». Parmi les anomalies constatées par l'Apoce, le fait que les produits concernés par les soldes ne sont pas bien mis en exergue par rapport à ceux qui ne le sont pas. Elle dénonce aussi la tendance à ne pas afficher les pourcentages de réduction des prix au niveau des magasins concernés. Cependant, malgré ces belles arnaques et les avertissements de l'Apoce, les clients ne sont pas refroidis. La fièvre acheteuse est bien là! Les gens achètent vraiment et ne passent pas uniquement en curieux. Le volume d'achats par client semble même élevé, alors qu'on n'en est même pas à la première semaine de ces soldes d'hiver qui doivent durer jusqu'au 28 février prochain! La crise n'est donc pas encore dans l'esprit des Algériens...