En dehors des affiches placardées sur les devantures des magasins, y a-t-il réellement de véritables promotions ? Une virée dans la capitale est largement suffisante pour connaître l'ambiance en ce début de soldes d'hiver. A la rue Didouche Mourad, l'une des rues les plus animées et des plus connues pour ses boutiques, notamment pour les marques qu'elles proposent, l'ambiance est un peu plate. Certains commerçants justifieraient le manque d'entrain des chalands par les intempéries. Les clients, souvent conduits par l'idée de faire la bonne affaire, se rendent dans les différentes boutiques sans pour autant acheter. Du moins, c'est ce que nous confirme Djaouad, un gérant d'une boutique de vêtements féminins. Pour lui, c'est peut-être momentané étant donné que la période des soldes vient à peine de commencer. Elle a été officiellement lancée le 18 du mois en cours et se poursuivra jusqu'au début du mois de mars prochain. Pour les clients croisés dans plusieurs boutiques, notamment d'effets vestimentaires pour hommes, femmes et enfants, les réductions ne sont pas si consistantes qu'il n'y paraît. Lamia, jeune maman fonctionnaire, dit avoir complètement perdu confiance en cette notion du soldes. «J'ai eu une très mauvaise expérience l'an dernier. J'ai acheté une robe à 5000 DA comme prix de solde dans une boutique à Hydra. En me rendant à la place Maurice Audin, j'ai découvert qu'un autre magasin qui soldait également vendait la même robe à 2500 DA. Son prix initial était de 4500 DA. Je me suis vraiment faite arnaquer. Pour cette année, je suis en train de voir ce qu'il y a sur le marché et comparer les prix avant de prendre l'avion et faire mes achats en Europe, là où la culture des soldes a été créée», s'emporte-t-elle. En effet, l'histoire de cette grand-mère qui a acheté il y a à peine deux jours une robe pour sa petite-fille à un prix qui vaut le double de son prix initial, pourtant chez une grande marque au centre commercial de Bab Ezzouar, a fait le tour des réseaux sociaux, provoquant l'indignation des consommateurs. Malheureusement, l'arnaque de l'affichage mensonger qui a fait l'objet d'une grande alerte l'année passée semble persister encore cette année. En plus, les réductions sont fictives et les prix initiaux ne sont jamais connus. Pis encore, en plein soldes d'hiver, certaines boutiques, pourtant de grandes marques, mettent en vente des effets vestimentaires d'été. Les réductions sont importantes sur ces articles hors saison et sont presque inexistantes pour les vêtements d'hiver. Selon la déclaration officieuse d'un employé, la période des soldes est plutôt une aubaine pour la liquidation des anciens stocks. Devant ces pratiques frauduleuses, heureusement non généralisées dans tous les magasins pratiquant les soldes, la méfiance et la perte de confiance chez le consommateur sont totalement justifiées. Les alertes du mouvement associatif Pour le Dr Mustapha Zebdi, président de l'Association de la protection et de l'orientation du consommateur et son environnement (Apoce), le plus grand problème est l'absence de la culture des soldes. «Les soldes émanent d'une culture commerciale qui fait réellement défaut en Algérie. Les soldes sont une période de vente avec réduction de prix limitée dans le temps, qui permet au client de faire de bonnes affaires et au commerçant de renouveler son stock. Même si les soldes sont régis par des lois et soumis à des conditions, l'arnaque, elle, est belle et bien présente», explique-t-il avant d'annoncer que son association commence déjà à recevoir des requêtes. D'après notre interlocuteur, il n'y a aucune notion du nouvel arrivage, de la nouvelle vague, de la nouvelle tendance ou encore des vêtements de saison. Selon ses propos, suite au manque d'engouement des clients et leur grande méfiance, beaucoup de commerçants ont abandonné cette nouvelle pratique des soldes. «Sur toute la wilaya d'Alger, il n' y a eu que 60 commerçants qui ont demandé et bénéficié d'autorisation pour pratiquer les soldes. Il y a deux ans, ils étaient plus de 200 commerçants. Seuls les représentants des grandes marques, obligés de se soumettre aux exigences de leur société-mère, pratiquent les soldes. Avec tous les types d'arnaques, à savoir l'affichage attractif mensonger et le double étiquetage, la période des soldes est la grande période de l'arnaque. Sans plus», conclut-il. Pour le ministère du Commerce, l'absence de la culture des soldes est officiellement confirmée. L'inexistence de la culture des soldes confirmée Selon Boukhroufa Réda, directeur de la concurrence à la direction générale de la concurrence et de l'organisation des activités commerciales au ministère du Commerce, il y a une grande confusion entre les concepts de la vente promotionnelle, de la liquidation des stocks et des soldes. «Par l'organisation de ces périodes, nous voulons créer une meilleure dynamique commerciale et surtout permettre aux consommateurs de faire leurs achats à des prix réduits. Pour réguler ces périodes de l'année et mettre un frein aux arnaques, nous avons mis en place plusieurs dispositifs et conditions. Cela s'ajoute aux différentes brigades de contrôle déployées sur le territoire national», explique notre interlocuteur avant de citer l'obligation imposée aux commerçants de fournir les factures d'achat des articles soumis aux soldes et dont la durée d'acquisition ne doit pas dépasser les 3 mois. Une condition qui ne semble pas être respectée par tous les commerçants qui soldent leurs marchandises étant donné que certains ne se gênent pas d'exposer à la vente des vêtements d'été durant les soldes d'hiver. Pour M. Boukhroufa, il y a également l'obligation d'afficher la liste des produits touchés par ces réductions. Estimant qu'il est encore trop tôt d'évaluer la période des soldes de 2017, il appelle tout de même les consommateurs à dénoncer toute infraction constatée. Pour ce faire, une plateforme de doléances et de réclamations est disponible sur le site du ministère du Commerce. Ce responsable promet une réaction immédiate à toute requête déposée sur cette plateforme ou au niveau des directions du commerce. Durant les soldes d'hiver de 2016, 543 commerçants avaient obtenu des autorisations de pratiquer des soldes. Sur ce chiffre, les différentes directions de commerce ont relevé 39 infractions dont essentiellement des publications mensongères et la vente en soldes sans autorisation. En plus des arrêts temporaires, puis définitifs d'activité en cas de récidive ainsi que des PV, les commerçants contrevenants peuvent être sommés de payer des amendes qui vont de 50 000 dinars à 5 millions de dinars.