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DIAGNOSTIC D'UN SECTEUR MALADE
EDUCATION NATIONALE
Publié dans L'Expression le 06 - 02 - 2018

Grève après grève, nos enfants sont les otages de cette situation...
Les syndicats ou le syndicat, du moins pour cette fois, de leur côté doivent apaiser la tension et changer la forme de revendication en optant pour d'autres actions qui n'hypothèquent pas les chances des apprenants.
La grève décrétée illimitée par le Cnapeste entame sa deuxième semaine et s'achemine droit vers le pourrissement. Même si elle ne paralyse que partiellement le secteur de l'éducation, sa reconduite commence à sérieusement inquiéter les parents et les élèves candidats au baccalauréat surtout que le gros du débrayage concerne les lycées.
Le ministère comme à son accoutumée continue à faire la sourde oreille en prétextant que la grève est illégitime et en recourant à la menace des ponctions, voire au recrutement d'autres enseignants, une solution impossible annoncée par la ministre depuis Tizi Ouzou. Les revendications sont dans leur grande majorité légitimes et c'est le même ministère qui le reconnaît à chaque circonstance. La question qui reste posée est celle de savoir si les deux parties pensent sincèrement au devenir des apprenants. «Ils (les élèves) sont le dernier souci des parties en conflit» pense un parent. L'heure n'est pas à celle de savoir qui a tort qui a raison, mais il est grand temps de penser à l'avenir des enfants autour d'une table. Les syndicats ou le syndicat, du moins pour cette fois, de leur côté doivent apaiser la tension et changer la forme de revendication en optant pour d'autres actions qui n'hypothèquent pas les chances des apprenants. Le fait que de nombreux enseignants grévistes assurent des cours payants discrédite totalement leurs auteurs. En effet, et, ce n'est un secret pour personne, les cours payants sont rentrés dans les moeurs et habitudes avec la bénédiction des parents qui encouragent cette pratique. «Puisqu'ils sont en grève, ils ne doivent pas travailler dehors» commente un parent. Le ministère qui demeure le garant de l'équité et du droit de tous les élèves à un même apprentissage se doit d'assumer ses responsabilités en mettant en place les meilleures conditions de travail dans les enceintes publiques.
Que cachent ces grèves à répétition?
La nomination d'une ministre réformiste à la tête de l'éducation semble gêner les partisans du statu quo. Son profil et sa nature dérangent les partisans d'une école sinistrée, tribune aux idées rétrogrades, une école sous tutelle du baâthisme et de l'islamisme. Le report ou l'annulation d'une conférence est l'occasion saisie par les fossoyeurs de l'école laïque (le mot qu'on évite de prononcer), une école adaptée à l'heure pour monter au créneau en collant des étiquettes à une professionnelle du secteur. Cette femme, qui exprime une vraie volonté pour changer un ordre établi, dérange. Les coups de la fuite en masse lors du bac, le refus de signer la charte de la déontologie, les critiques qui auront suivi la suppression de «Bismi Allah», les attaques infondées quant aux origines paternels de la ministre, les remarques quant à sa maîtrise de l'arabe classique... sont autant de manoeuvres qui ont essayé de déstabiliser les efforts de Nouria Benghebrit. Les critiques acerbes de Benmohamed ne laissent pas indifférentes. Quand les attaques émanent d'un responsable qui, par un passé récent, avait la charge du secteur. L'état de déliquescence et de dégradation avancé n'est un secret pour personne, mais parmi les adeptes et partisans du clan de l'ex-ministre et ceux des successeurs ce n'est un secret pour personne. Ces attaques méritent que l'on s'attarde sur le diagnostic fait par le passé dans ces colonnes, de cette école chère à Benmohamed et ses alliés d'une école partisane. Le secteur de l'Education nationale, à l'instar des autres secteurs stratégiques qui participent à l'édification de la nation, a subi les influences engendrées par les mutations qui ont touché la société dans sa totalité. Tout le monde regrette les anciennes classes, les anciens enseignants.
Les raisons de la ruine du secteur?
L'école par vocation ou par définition se devait de former les générations futures. L'échec est là et il est plus qu'opportun de faire un diagnostic. Comme chacun le sait l'école algérienne a vécu trois grandes époques. L'école d'après-indépendance, l'école fondamentale et l'actuelle école. L'Algérie de Boumediene a le mérite d'avoir rendu l'enseignement obligatoire et gratuit. Cette décision sera hélas atténuée par le recours à des personnels venus d'ailleurs, mais sans une réelle compétence en plein boum d'une arabisation dictée par des paramètres politiques plus qu'une nécessité scientifique. Les Irakiens, Syriens, Egyptiens, Palestiniens, les Pakistanais... sont autant de nationalités qui viendront en Algérie dispenser un savoir tendancieux et fortement politisé d'une consistance scientifique réduite. L'école s'est vite retrouvée un terrain pour un enseignement bas de gamme où l'histoire, la littérature, la théologie ne participent plus à l'émancipation de la personne, à forger la personnalité, mais à son endoctrinement. Même l'histoire de l'Algérie sera amputée de plusieurs pages qui faisaient l'éloge de martyrs et de moudjahidine pas très en herbe avec le pouvoir en place. Boudiaf n'a été connu que lors de son retour et son assassinat. Les programmes dans quelques matières se voulaient des tribunes partisanes, au service d'une grande bataille de positionnement. Le manque de moyens ne justifie pas tout. Le manque de personnels qualifiés à l'avènement de l'indépendance participera à cette arrivée en masse d'enseignants sans aucune compétence. Tout le monde a en tête cette histoire d'un Egyptien venu en Algérie enseigner les mathématiques, mais qui, par manque de poste, proposera «ses» services en arabe, histoire-géographie, voire en éducation physique!!! La situation est propice à l'émergence du fondamentalisme qui fait des ravages dans les milieux. L'éducation islamique n'est plus une matière, mais une tribune pour des prêches antimixité, contre les langues de l'occupant, contre une science satanique... Pour réagir à ce marasme, l'école fondamentale, un modèle de l'Europe de l'Est est importé. Les concepteurs de l'époque, des profanes en pédagogie croyaient que le copiage d'un modèle pouvait remettre l'école sur ses rails. La situation sociale influe sur le comportement de l'élève. Tous les spécialistes sont unanimes à dire qu'en pédagogie, il faut d'abord prendre en compte le public apprenant. Un élève qui vit dans une famille aisée a plus d'acceptabilité que celui qui se débat dans l'ambiance d'une famille en crise ou dans le besoin. Un élève allemand dont le temps est réparti entre le travail, les distractions et le repos n'éprouve pas de difficultés à apprendre plusieurs matières. Ce n'est pas le cas de l'enfant algérien dont la totalité du temps est mal réparti. L'ex-ministre de l'Education qui aura passé plus de 15 ans à la tête du secteur, record de longévité, disait un jour «l'école fondamentale est une faillite». Benbouzid qui demeure entièrement responsable de cette situation. Omettant expressément de dire qu'il a géré une faillite, il engage des réformes. Comme pour l'école fondamentale, on envoie quelques «intimes» au Canada, en France... pour ramener une méthode d'enseignement par les compétences. Là aussi les donnes ne sont pas les mêmes et le personnel en place n'a pas les moyens et la formation adéquate pour mettre en oeuvre le projet. On bricole des solutions comme celle qui oblige les personnels à suivre des formations à la va-vite. Voilà un vrai scandale et une vraie volonté pour faire miroiter l'espoir aux yeux des parents et des élèves. On ne touche pas à la ligne directrice.
L'élève doit apprendre, mais ne doit pas réfléchir, innover, s'exprimer. Sept professeurs défilent devant lui pendant toute la journée. La masse de connaissances qui lui est dispensée devient un fardeau qu'aucun cerveau censé ne peut emmagasiner en si peu de temps. N'est pas enseignant qui veut. La formation des enseignants, un point plus qu'important dans l'amélioration est menée d'une manière si ridicule et où le nombre importe aux dépens de la qualité. Elle touche le moyen et le primaire. Après trois années, des enseignants de sport ne pouvant même pas former une phrase correcte sont promus à la 12 avec des «licences de français».
Il en est de même pour l'ensemble des formations prônées par les services de la formation des directions de l'éducation. Des ingénieurs n'ayant pas pu trouver un emploi adapté à leurs formations se bousculent aux portes des directions pour «dépanner» et devenir des PES. La promotion canapé, le clientélisme, le régionalisme... sont autant de maux qui ont affecté le secteur. Les postes de directeur, de surveillant général, de censeur sont convoités par des professeurs qui dans leur grande majorité ont enseigné l'arabe, la philosophie, l'histoire et la géographie. Les professeurs de maths, de physique, des langues étrangères eux n'auront pas la chance d'intégrer un milieu où tout se joue et se déjoue dans les bureaux obscurs de certains inspecteurs-revendeurs de voitures en temps libre. Les associations de parents d'élèves volent au secours d'une tutelle dépassée par les événements.
Devant la prolifération des syndicats, l'Ugta a perdu sa mainmise sur le secteur. Les associations des parents d'élèves dont plus de 90% sont dirigées par des personnes qui n'ont aucun enfant scolarisé, dont 98% n'ont jamais tenu une AG interviennent pour défendre la tutelle à chaque action menée par les personnels au motif d'être les seuls garants de l'intérêt des élèves. Dans l'optique toujours de faire croire et perdurer l'image d'une école réformée, on joue avec les pourcentages aux examens. On facilite l'obtention pour avoir des taux élevés. Les résultats en première année universitaire et les forts taux d'échec sont là pour confirmer ces dires.
La retraite anticipée pour aller travailler à son compte
A tout cela s'ajoutent ces départs en masse en retraite anticipée des plus anciens, mais qui n'hésitent pas à aller travailler chez le privé ou dispenser des cours payants. Les parents de leur côté tombent dans le piège et mettent la main à la poche. Les cours payants se substituent à l'enseignement public. Les garages, les domiciles deviennent des classes où s'entassent des dizaines de groupes en quête de cours de renforcement. Ces rencontres qui n'obéissent à aucune règle pédagogique sont une source de revenus assez consistante, mais et surtout alléchante. Le cours dans la classe ne motive plus et a fini par devenir, aux yeux des apprenants, une corvée obligatoire. Cette perception fausse les donnes et rend la fonction de professeur plus que délicate surtout que l'enseignant en classe est en face de plusieurs niveaux hétérogènes qui vont de l'élève excellent à l'élève qui n'a aucune base. Comme si ces facteurs purement pédagogiques ne suffisaient pas sont venus s'ajouter les écarts ostentatoires que l'enfant remarque. Des trafiquants de tout genre, des ignorants, des voyous...pavanent dans une richesse apparente quand l'enseignant se fait tout petit pour ne pas attirer les regards.
L'enseignant a fini par devenir un nécessiteux. En décidant d'attribuer les livres gratuitement aux enfants des personnels du corps, l'autorité nationale a reconnu cette situation implicitement. Toutes ces manoeuvres participent à la dévalorisation de l'enseignement pour faire croire que seul le privé pourra redresser la barre. Au-delà des intérêts avoués ou inavoués des syndicats, il est temps peut-être de marquer une halte pour un réel diagnostic de la situation et apporter les vraies solutions à un secteur tourmenté par les enjeux et luttes pour sa mainmise.
Les anciens enseignants doivent être associés à l'opération. Les administratifs, les inspecteurs, les enseignants doivent être écoutés séparément. Pour sauver l'école algérienne qui a enfanté des sommités dans le monde, pas des terroristes seulement comme veulent le faire croire ses détracteurs. En commençant par un débat avec ses partenaires, en annonçant sa volonté de réformer les programmes, de mettre de l'ordre dans le secteur, en affichant sa détermination d'aller loin, l'actuelle locataire du ministère de l'Education nationale devient une menace pour la médiocrité. Pour réussir elle a besoin d'être aidée par ceux qui croient réellement au sursaut de l'école algérienne. Même si la tâche reste excessivement difficile, la mission nécessite des sacrifices. Nos enfants méritent cela.


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