C'est une victoire diplomatique éclatante que viennent de remporter les Sahraouis. Un tournant dans le conflit du Sahara occidental. En invitant le Polisario à discuter des accords commerciaux conclus avec Rabat, incluant le Sahara occidental, la Commission européenne a incontestablement poussé le Maroc à reconnaître au peuple sahraoui le droit à disposer de son destin. En attendant que cet objectif ultime soit atteint, la diplomatie sahraouie enchaîne les succès. Elle vient de donner de la voix à nouveau. Les accords entre l'Union européenne et le Maroc sont sur la sellette. De quoi s'agit-il? L'Union européenne a reconnu le droit au Front Polisario de participer à la renégociation de l'accord de pêche liant l'Union européenne au Maroc. Le représentant légitime du peuple sahraoui ne s'est pas fait prier pour s'y rendre et faire entendre sa voix. «Nous avons accueilli favorablement l'invitation de l'Union européenne à discuter des questions» concernant le Sahara occidental, a déclaré le 9 février Mohamed Sidati, ministre sahraoui délégué pour l'Europe. Le Front Polisario a exprimé à la Commission européenne sa «profonde préoccupation» au sujet des négociations entre l'UE et le Maroc, visant à inclure les produits issus du Sahara occidental occupé dans leurs accords commerciaux, sans le consentement du peuple sahraoui, a-t-il affirmé. «Au cours de la réunion, nous avons exprimé notre profonde préoccupation au sujet des négociations en cours pour inclure le Sahara occidental dans l'accord commercial UE-Maroc», a souligné le diplomate sahraoui qui a été catégorique. «Tout accord économique entre l'UE et le Maroc qui n'exclut pas explicitement le Sahara occidental, continuera à renforcer l'occupation illégale par le Maroc. Dans cette mesure, nous avons souligné notre confiance dans les lois européennes et notre capacité à retourner à la Cour de justice européenne», a-t-il fait savoir. Une autre façon de mettre la pression sur le Palais royal qui n'a toujours pas renoncé à son projet de mettre sous sa coupe le Sahara occidental. Mohammed VI a fait de l'annexion du Sahara occidental une question sacrée, au point de défier la légalité internationale. Sauf qu'il vient une nouvelle fois de subir un cinglant échec concernant le conflit qui l'oppose au Front Polisario. Un déboire qui vient s'ajouter à bien d'autres. Des échecs en cascade depuis l'arrêt rendu le 22 décembre 2016 par les magistrats de l'Union européenne. Une décision qui a confirmé que le Maroc n'avait aucun droit à exercer sa souveraineté sur ce territoire inscrit sur la liste de l'Organisation des Nations unies, des territoires non autonomes qui restent à décoloniser. «... Compte tenu du statut séparé et distinct garanti au territoire du Sahara occidental en vertu de la Charte des Nations unies et du principe d'autodétermination des peuples, il est exclu de considérer que l'expression territoire du Royaume du Maroc'', qui définit le champ territorial des Accords d'association et de libéralisation, englobe le Sahara occidental et, partant, que ces accords sont applicables à ce territoire», avait conclu la Cour européenne de justice dans son arrêt. Le jugement rendu par les magistrats de la Cour de l'UE avait mis l'accent sur le fait que l'UE et le Maroc ont décidé d'appliquer l'accord agricole, qu'ils ont conclu en 2012 au Sahara occidental sans qu'ils aient jugé utile de consulter son peuple. L'argument repose sur la légalité internationale. «Compte tenu de l'avis consultatif rendu par la Cour internationale de justice en 1975 au sujet du Sahara occidental à la demande de l'Assemblée générale des Nations unies, le peuple de ce territoire doit être regardé comme un tiers susceptible d'être affecté par la mise en oeuvre de l'accord de libéralisation», avait affirmé la Cjue. Une année plus tard, presque jour pour jour, elle allait récidiver. Cette fois-ci concernant l'accord de pêche qui lie les deux parties. Il a été qualifié d' «invalide». «En concluant cet accord, l'Union a violé son obligation de respecter le droit du peuple du Sahara occidental à l'autodétermination, ainsi que de ne pas reconnaître une situation illicite découlant de sa violation et n'a pas mis en place les garanties nécessaires pour assurer que l'exploitation des ressources naturelles du Sahara occidental se fasse au bénéfice du peuple de ce territoire» a écrit l'avocat général de la Cjue, Melchior Wathelet, dans ses conclusions rendues publiques le 10 janvier 2018. Un cuisant revers de la diplomatie marocaine qui doit aussi composer avec cette nouvelle donne imposée par l'UE: s'asseoir à la même table que le Polisario et négocier avec lui. Le calice jusqu'à la lie.