Certains taliban sont intéressés par les pourparlers de paix que leur a proposés le président afghan Ashraf Ghani il y a deux semaines, a affirmé le secrétaire américain à la Défense Jim Mattis, arrivé hier à Kaboul pour une visite surprise. «Peut-être que tous les taliban ne viendront pas d'un coup, ce serait aller trop loin, mais certains éléments parmi eux sont clairement intéressés par des discussions avec le gouvernement afghan», a commenté Jim Mattis dans l'avion militaire qui l'amenait en Afghanistan. Ashraf Ghani a proposé fin février des pourparlers de paix sous conditions aux taliban, qui jusqu'ici n'avaient pas semblé prêts à les accepter. Dans une première réaction sur Twitter, ils avaient estimé que cette offre s'apparentait à une demande de «reddition». Les insurgés ont ensuite appelé au boycott d'une conférence dans ce cadre à Jakarta. Le gouvernement afghan est «illégitime» et ses propositions de paix «décevantes», peut-on encore lire dans un communiqué publié en fin de semaine dernière. Le chef de l'Etat afghan avait posé notamment comme préalable aux insurgés un cessez-le-feu et la reconnaissance de la Constitution de 2004. Il leur avait en échange proposé de reconnaître les taliban comme un parti politique, ainsi que d'assurer la sécurité de ceux qui accepteraient son offre. Les taliban, qui qualifient le gouvernement afghan de «marionnette» de Washington, avaient peu auparavant appelé les Etats-Unis à «discuter» directement avec leurs représentants au Qatar, en ignorant les autorités afghanes. Grâce au processus de paix, «nous nous dirigeons vers une victoire en Afghanistan», s'est enthousiasmé Jim Mattis. «La victoire sera une réconciliation politique, pas une victoire militaire», a-t-il ajouté. Jim Mattis avait reconnu lui-même en juin dernier que les Etats-Unis «ne gagnaient pas» contre les taliban. Fin novembre, le commandant des forces américaines en Afghanistan, le général John Nicholson, avait qualifié la situation d'«impasse». Malgré la présence de 100 000 soldats américains, pour 140 000 militaires internationaux, au plus fort de la coalition sous bannière de l'Otan, les taliban n'ont jamais été vaincus. Il ne cessent de grignoter du terrain depuis le départ de cette dernière en 2014. Une agence gouvernementale américaine estimait en octobre à 43% la part du territoire désormais sous contrôle taliban ou disputée par les insurgés aux forces régulières. L'an passé, le président Donald Trump a ordonné d'intensifier les bombardements sur les taliban, notamment leurs laboratoires de production de drogue et leurs camps d'entraînement. Plus de 3 000 militaires américains supplémentaires sont arrivés ces derniers mois en Afghanistan pour former et conseiller les forces de sécurité afghanes, soit un total de 14 000, quand ils n'étaient que 8 500 pendant les derniers jours du mandat de Barack Obama. La stratégie de Trump a «changé la donne», a observé Ashraf Ghani lors d'un entretien avec Jim Mattis au palais présidentiel, auquel participait également le chef de l'exécutif Abdullah Abdullah et le ministre de la Défense Tariq Shah Bahrami. «Cela a forcé chaque acteur a réexaminer ses hypothèses de départ. Une partie de ce réexamen conduira vraisemblablement à une intensification du conflit à court terme, mais ce réexamen est ce que le peuple d'Afghanistan attendait depuis quarante ans», a-t-il ajouté. L'offre de pourparlers de paix du président Ghani intervient alors que le nombre d'attentats perpétrés par taliban n'a cessé de croître ces derniers mois en réponse à la stratégie de Trump, faisant un nombre croissant de victimes civiles. Les taliban ont revendiqué 472 attaques au cours du seul mois de janvier, selon le groupe de recherche sur le terrorisme Trac, basé à Washington.Un nombre significatif alors que la saison des combats démarre généralement à la fin de l'hiver. Les forces de sécurité afghanes ont stoppé certaines attaques, s'est félicité Mattis, qui attend toutefois d'elles «un état d'esprit (plus) offensif» ces prochains mois.