Le feuilleton Sarkozy est loin d'être terminé et nul doute qu'il ne se traduise, dans les mois qui viennent, par des rebondissements dignes des meilleures séries B. Curieusement, la sortie médiatique de l'ancien président qui a déversé un flot d'injures à l'encontre des ex-dirigeants libyens, sources involontaires de ses démêlés avec la justice et, crie-t-il, de son échec «pour un malheureux 1,5% des voix» à l'élection présidentielle de 2012 n'a pas vraiment convaincu de son «innocence», au contraire. Elle a posé davantage de questions, pour l'heure sans réponse, mais dont l'équipe des enquêteurs aura à coeur de décrypter les tenants et les aboutissants. En s'en prenant à Médiapart, le site d'Edwy Plenel qui a ouvert la boîte de Pandore et évoqué le financement de la campagne présidentielle de 2007 avec l'argent de la Libye offert à profusion par le Guide Maâmar al Gueddafi, non sans contreparties cela va sans dire, Sarkozy, qui croit dur comme fer que le document à la source même des révélations est «un faux», a beau arguer du fait qu'il n'a jamais rencontré Ziad Takieddine, pas plus que Ahmed Alexandre Djouhri. Par contre, il ne dit mot sur les interlocuteurs officiels que furent le chef des renseignements libyens, Abdallah Senoussi, par ailleurs beau-frère par alliance d'El Gueddafi, et le trésorier du Guide, Bachir Salah dit al Cherkaoui, réfugié en Afrique du Sud où un pactole d'un milliard de dollars aurait été placé peu avant la chute du régime. Comme aussi, on s'interroge toujours sur la noyade «accidentelle» de Choukri Ghanem, un 29 avril 2012, à Vienne, les carnets du disparu ayant une certaine signification dès lors qu'il fut ministre du Pétrole libyen et proche de Seïf el Islam, fils d'El Gueddafi. Il y évoque, en effet, le transfert d'un montant de 6,5 millions d'euros en faveur de Nicolas Sarkozy. En sa qualité de patron de l'un des fonds souverains du pays, le Libyan Africa Portfolio (LAP), il affirme avoir personnellement transféré 1,5 million d'euros au candidat UMP alors en pleine campagne, le fils de Maâmar El Gueddafi, Seïf al-Islam, 3 millions d'euros, et Abdallah Senoussi, 2 millions d'euros. Qu'ils aient été remis en main «propres» à Nicolas Sarkozy ou non, la question est encore pendante. En croisant les révélations des différentes sources, il apparaît que des intermédiaires ont joué un rôle conséquent, comme le Franco-Libanais Ziad Takieddine ou le Franco-Algérien Alexandre Djouhri. La justice avance lentement et sûrement dans cette direction pour savoir qui a exactement remis quoi et surtout à qui. Car, n'en déplaise à l'ancien président, mis sur le grill de la suspicion, le fait que de l'argent libyen ait atterri dans les caisses ou dans les poches de son entourage ne semble plus faire l'ombre d'un doute. Prudent, il aurait, révèle encore Médiapart pas plus tard qu' hier, déclaré au cours de sa garde à vue des 20 et 21 mars derniers, sous les coups de boutoir des enquêteurs, que son ancien chef de cabinet à l'Intérieur puis secrétaire général à l'Elysée, Claude Guéant, ainsi que son ami de quarante ans et ancien ministre UMP, Brice Hortefeux, ont pu «fréquenter» Takieddine à son insu, auquel cas c'est «leur affaire» et «ils s'en expliqueront». Dans la foulée, Médiapart ajoute que, contrairement à ce qu'il a proclamé sur TF1, jeudi soir, il était bel et bien informé depuis le 7 février dernier de sa future audition par les trois juges d'instruction, Serge Tournaire, Aude Buresi et Clément Herbo qui lui ont signifié, collégialement, dans les locaux de la police judiciaire de Nanterre, le 21 mars à 16h 37, une triple mise en examen pour «corruption passive», «financement illicite de campagne électorale» et «recel de détournements de fonds publics libyens». En clair, Nicolas Sarkozy est formellement soupçonné par les trois juges d'avoir puisé dans les caisses de la Libye grâce aux largesses de dirigeants qu'il traite aujourd'hui de «bande de criminels» et leur Guide de «drogué», non sans justifier l'intervention de 2011 qui a permis de sauver, selon lui, un million de civils menacés d'extermination par le régime libyen. Une antienne que seul ne viendra pas désavouer Bernard-Henry Lévy dont le silence est, aujourd'hui, sépulcral.