A trois semaines du sommet extraordinaire de l'ONU, peu de progrès ont été réalisés sur le projet de réforme du Conseil de sécurité. De guerre lasse, faisant face à l'opposition déterminée de Pékin, le Japon semble sur le point de renoncer à briguer un siège permanent au Conseil de sécurité de l'ONU selon une affirmation, hier, de l'influent quotidiens conservateur japonais Sankei Shimbun. De fait, Tokyo, faute d'avoir pu recueillir suffisamment de soutien à son ambition de siéger en permanence au Conseil de sécurité, est sur le point de déclarer forfait. Le Japon, membre du Groupe des quatre (G4 qui comprend aussi l'Allemagne, le Brésil et l'Inde) mène campagne, depuis l'an dernier, pour son accession au Conseil de sécurité au titre de membre permanent. Cette ambition est toutefois contrariée par l'opposition frontale de la Chine, -membre permanent du Conseil de sécurité, disposant du droit de veto- qui fait objection à l'élargissement du Conseil de sécurité tel que préconisé par le projet parrainé par le G4 et singulièrement à dotation du Japon d'un siège permanent. Le G4 est partisan d'un Conseil de sécurité de 25 membres (au lieu des 15 actuels), avec six nouveaux sièges permanents (actuellement cinq détenus par la Chine, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la France et la Russie) et quatre non permanents. Les six sièges permanents seraient ainsi réservés au G4 et à deux pays africains, sans droit de veto. Cependant outre la Chine, les Etats-Unis et l'Union africaine (UA) s'opposent également au projet du G4, l'UA ayant son propre plan qu'elle a déposé devant l'Assemblée générale de l'ONU. L'UA propose quant à elle un Conseil de sécurité de 26 membres, avec six nouveaux sièges permanents dotés du veto, dont deux attribués à des pays africains, et cinq sièges non permanents, dont deux reviendraient également à des pays africains. A quelques nuances près, mais significatives, le G4 et l'UA se rencontrent sur certains points se heurtant cependant sur la dotation du droit de veto, l'Union africaine exigeant ce droit, au même titre que les cinq Etats le détenant actuellement, alors que le G4, -dans l'optique de faciliter son accession aux sièges permanents- y a renoncé. Un troisième projet, déposé par un groupe dit «Unis pour le consensus» -dont les chefs de file sont l'Argentine, la Corée du Sud, l'Italie, le Mexique et le Pakistan, soutenu par le Canada-, propose un élargissement du Conseil à 10 nouveaux membres non permanents élus pour deux ans comme c'est actuellement la règle, mais avec la possibilité d'être réélus immédiatement à la fin de leur mandat. Ces projets concurrents s'inspirent, en général, du projet esquissé par le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, sans pour autant le recouper. Or, le temps presse pour trouver un point d'équilibre entre les différents projets avant l'ouverture, d'ici à trois semaines, du sommet extraordinaire de l'ONU, avant l'Assemblée générale ordinaire prévue vers la fin de septembre. L'adoption d'un projet nécessite un vote à la majorité des deux tiers, soit 128 voix sur les 191 de l'AG de l'ONU. C'est dans cette optique que le G4 a tenté de rallier à sa cause l'Union africaine qui dispose de 54 membres à l'ONU. Toutefois, l'UA a une position divergente avec le G4 sur la question du droit de veto, droit auquel le G4 est prêt à renoncer mais pas l'UA qui y tient fermement (De fait, l'Afrique est le seul continent qui ne dispose pas du droit de veto au sein du Conseil de sécurité). Outre ces difficultés, le secrétaire général de l'ONU en a ajouté une autre en formulant une espèce de date butoir par son invite aux Etats à trouver un accord entre eux avant la fin de l'année. Pékin et Washington ont réagi vigoureusement en s'opposant à la fixation d'une échéance aux discussions sur l'élargissement de l'ONU. Dans une intervention faite jeudi dernier, Kofi Annan, qui a pris acte du fait qu'une large majorité «souhaite une réforme du Conseil de sécurité» a indiqué: «Je suis de ceux qui estiment qu'une réforme de l'ONU ne serait pas complète sans une réforme du Conseil de sécurité, j'invite donc les Etats membres à trouver une solution à cette question dès que possible» et d'ajouter: «Idéalement, il faudrait le faire d'ici à septembre. C'était ma recommandation au départ. Mais si cela se révélait impossible, j'estime que les Etats membres devraient rester mobilisés, déterminés et essayer d'y parvenir d'ici à la fin de l'année, car c'est urgent.» Cela a soulevé l'ire de la Chine, notamment, qui a estimé cette déclaration de M.Annan comme étant une ate butoir imposée aux Etats membres de l'ONU. Pékin a réagi par son ambassadeur à l'ONU, Wang Guangya qui a déclaré que Kofi Annan a «(...) dorénavant fixé une nouvelle date butoir. Je ne pense pas que cela soit approprié». A peu de choses près, c'est la même réaction de la part des Etats-Unis, dont le nouvel ambassadeur, John Bolton, a réaffirmé l'opposition de Washington à «une date butoir artificielle pour des changements éventuels au Conseil de sécurité». De fait, à moins de trois semaines du sommet de l'ONU (14 et 15 septembre), c'est un constat d'impasse que font les observateurs au moment où il est devenu urgent d'arriver à un consensus ouvrant la voie aux réformes de l'ONU qui ne peuvent plus être différées.