A quelques jours du sommet extraordinaire de l'ONU, beaucoup de points de désaccord subsistent entre les Etats membres. Le sommet extraordinaire des Nations unies qui s'ouvre mercredi prochain tombe assez mal pour le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, dont la responsabilité a été engagée dans le scandale «pétrole contre nourriture» selon le rapport final de la commission Volcker qui a rendu ses conclusions mercredi dernier. M.Annan qui a admis «sa responsabilité en tant qu'administrateur en chef», pour les défaillances constatées dans la gestion de ce programme de plus de 100 milliards de dollars, a toutefois exclu de démissionner de son poste. Il n'en reste pas moins que le secrétaire général de l'ONU se présente assez affaibli au moment où le sort du futur de l'ONU fait l'objet d'âpres discussions, que le désaccord demeure sur des points cruciaux de la réforme des Nations unies, comme sur l'élargissement du Conseil de sécurité, question, selon toute apparence, remise aux calendes grecques, ou la définition du terrorisme. Si l'ensemble des Etats, et singulièrement les plus influents d'entre eux - actuels membres permanents du Conseil de sécurité - s'accordent sur la nécessité, voire l'urgence, de réformer l'ONU, (le scandale du dossier «pétrole contre nourriture» vient à propos souligner les carences et défaillances qui obèrent la gestion de l'organisation internationale) le débat continue cependant à buter sur le comment réformer les Nations unies. De fait, les défaillances ne sont pas du fait du seul secrétaire général, mais les Etats membres du Conseil de sécurité «sont également partiellement responsables», affirme M.Volcker dans son rapport. «Il y a eu corruption à la fois à l'intérieur et à l'extérieur de l'ONU et cette corruption a permis à Saddam (l'ex-président irakien Saddam Hussein,) d'atteindre plusieurs de ses objectifs illicites», a, pour sa part déclaré l'ambassadeur américain à l'ONU, John Bolton. De son côté, l'ambassadeur du Royaume-Uni, Emyr Jones Parry affirme: «Nous devons tirer des leçons pour l'avenir, notamment sur la réforme de l'administration. De sérieux défauts ont été identifiés et doivent être corrigés.» Aussi, la réforme de l'ONU en général, celle de son administration plus particulièrement -qui figuraient en bonne place dans le projet du Millénium, dont Kofi Annan en a esquissé les grandes lignes lors de l'Assemblée générale de l'ONU de septembre 2000 - font-elles l'objet d'un consensus général. Reste cependant à rapprocher des positions encore divergentes sur la manière avec laquelle ces réformes doivent être entreprises. Mercredi, ce sont près de 173 chefs d'Etat ou de gouvernement, parmi lesquels les grands de ce monde - dont le président américain, George W.Bush, le Russe, Vladimir Poutine, le Premier ministre britannique Tony Blair - attendus à New York qui chercheront à trouver des points d'accord au plus ambitieux projet de mutation dont les Nations unies ont fait l'objet depuis leur fondation il y a 60 ans. Toutefois, devant les résistances des uns, le maximalisme des autres, l'ambitieux projet de Kofi Annan tend à se réduire en peau de chagrin. Néanmoins, le président de l'Assemblée générale de l'ONU, le Gabonais, Jean Ping, se veut serein et estime qu'«entre le texte très ambitieux proposé par le secrétaire général qui a permis de partir sur une base de négociations avec la barre haute, et un texte qui serait insignifiant, de quelques pages, nous allons avoir un juste milieu qui devrait, à mon sens, être satisfaisant». Optimisme que ne partage pas l'ambassadeur des Philippines, Lauro Baja, selon lequel «on aura soit un succès relatif, soit un fiasco total». Autrement dit, il n'y aura pas de juste milieu et ce sera soit l'échec, soit une réussite tirée par les cheveux, ce qui est tout comme. En effet, le succès du sommet de l'ONU ne pourra être que partiel quand tout indique que l'on se dirige, sinon vers l'abandon, du moins vers le retrait du projet d'élargissement du Conseil de sécurité, en l'état actuel des approches sur le sujet. De fait, face à l'opposition de deux importants membres permanents du Conseil de sécurité, la Chine et les Etats-Unis, un accord sur l'élargissement du Conseil de sécurité est devenu peu probable, quasiment chimérique. Ce renvoi à des temps meilleurs du réaménagement du Conseil de sécurité met en stand-by l'espoir qu'avait le continent africain d'accéder enfin à un siège permanent de l'institution exécutive de l'ONU. L'autre point important sur lequel achoppent les discussions - les divergences demeuraient vives hier - concerne la définition du terrorisme. Beaucoup de voix, notamment celles des Palestiniens, se sont élevées pour qu'il y ait prise en compte du combat libérateur pour l'indépendance des peuples, combat trop souvent assimilé, singulièrement par Israël et les Etats-Unis, au terrorisme. De fait, le texte sur le terrorisme, présenté par la Grande-Bretagne et inspiré des attaques de Londres du 7 juillet dernier, ne fait pas l'unanimité, faisant, par trop, la part belle à la compréhension, ou l'interprétation exclusive, qui est celle de l'Occident sur ce phénomène du siècle. En tout état de cause, comme l'élargissement du Conseil de sécurité, la définition du terrorisme fait problème alors que sur ces deux points récurrents - de même d'ailleurs que sur celui concernant le développement sur lequel les Etats-Unis veulent aussi imposer leur vision unilatérale - l'impasse semblait, hier, totale. En tout état de cause, les changements profonds que Kofi Annan voulait apporter aux Nations unies minées par un dysfonctionnement déstabilisateur ont peu de chance d'être entérinées par le sommet extraordinaire de l'ONU (du 14 au 16 septembre) comme l'avait espéré le secrétaire général des Nations unies.