On ne compte plus les projets et les plans de réforme de l'ONU afin d'accéder à cette revendication de démocratisation des relations internationales ou d'instauration d'un monde plus juste. Et bien, il y en aura un de plus, mais jamais de trop, parce que lui aussi porte les aspirations de l'écrasante majorité de l'humanité pour un monde juste, où la doctrine de l'ONU sera respectée et imposée à tous quels qu'ils soient. Mais comme tous les autres, il s'est heurté à l'égoïsme de certains Etats, toujours précédé des meilleures intentions. En conclusion, l'auteur de ce projet de réforme visant surtout le Conseil de sécurité qui n'est autre que le secrétaire général des Nations unies en est aujourd'hui à se contenter de vœux. Sûr que son projet ne passera pas lors du Sommet mondial qui se tient à partir d'aujourd'hui et pendant trois jours, Kofi Annan souhaite le voir aboutir d'ici la fin de cette année. Le secrétaire général, Kofi Annan, avait concédé, le mois dernier, que la réforme ne serait pas décidée lors du sommet comme il l'avait souhaité, mais avait appelé les Etats à « rester mobilisés » et à « essayer d'y parvenir d'ici à la fin de l'année, car c'est urgent ». Autant douter et même fortement de cette perspective, car selon nombre de spécialistes, pour réformer l'ONU, il faudra malheureusement la tuer et la faire renaître sous d'autres formes. Car elle porte en elle les éléments de son propre verrouillage. Ainsi donc, l'élément essentiel du projet de réforme de l'Onu pour son 60e anniversaire, l'élargissement du Conseil de sécurité, n'aura pas lieu dans l'immédiat et nul ne sait s'il verra le jour, victime des susceptibilités et des intérêts divergents des Etats, petits et grands. Parcours difficile Trop de projets se sont affrontés pendant des mois, et il semblait en fin de parcours difficile, voire impossible, d'en faire la synthèse, pour la simple raison que les ambitions nationales ont pris le dessus sur toute autre considération. La question peut paraître naïve, mais elle se pose d'elle-même : quel est l'Etat qui ne voudrait pas faire partie de ce cercle restreint de décideurs ? A vrai dire, aucun, car le Conseil de sécurité, principal organe de décision de l'Onu, composé jusque-là de quinze membres, dont cinq permanents dotés du droit de veto, une composition pratiquement inchangée depuis la création de l'Onu en 1945, est la seule instance exécutoire avec cette faculté de lire la charte en fonction bien entendu d'un rapport de forces, et décider la guerre ou la paix. Son élargissement était censé permettre à l'Organisation de mieux refléter les réalités du monde d'aujourd'hui et donner une présence accrue au tiers-monde. Mais le projet, qui devait être adopté lors de ce sommet mondial tenu à l'initiative de Kofi Annan, est dans l'impasse. Et en ce sens, les projets ne manquaient pas. Une première version était la proposition déposée en juillet à l'Assemblée générale par le G4 (Allemagne, Brésil, Inde, Japon) visant à faire passer le Conseil de sécurité de 15 à 25 membres, avec six nouveaux sièges permanents sans droit de veto et quatre non permanents. Selon ce schéma, les nouveaux sièges permanents devaient aller au G4 et à deux pays africains à désigner par l'Union africaine (UA). Cette version, soutenue par près de 40 pays, aurait eu besoin des 53 voix de l'UA pour atteindre la majorité des deux-tiers requise à l'Assemblée générale où siègent 191 Etats. Le G4 a donc courtisé les Africains, qui considèrent comme une injustice historique que leur continent soit le seul à ne pas avoir de représentant permanent au Conseil. Mais les Africains ont présenté leur propre projet, prévoyant un Conseil de sécurité de 26 membres, avec six nouveaux sièges permanents dotés du veto, dont deux attribués à des pays africains et cinq sièges non-permanents, dont deux iraient également à l'Afrique. Le G4 avait ses contradicteurs avec principalement le Pakistan et l'Italie que l'on retrouve dans le groupe dénommé « Unis pour le consensus ». Dans ce groupe, figurent des rivaux régionaux du G4 comme l'Italie pour l'Allemagne, l'Argentine et le Mexique vis-à-vis du Brésil, le Pakistan face à l'Inde, la Corée du Sud à l'égard du Japon. Mais en fin de compte, c'est l'opposition conjointe américano-chinoise qui a affaibli le G4, selon les diplomates. Washington, qui affiche son souci de l'efficacité du Conseil, ne souhaite pas l'élargir à plus de 20 membres et veut que son principal allié asiatique, le Japon, obtienne un siège permanent sans droit de veto. Mais Pékin est hostile à la candidature de Tokyo, à qui il reproche de s'être insuffisamment repenti de son passé militaro-colonialiste, et prône, pour la réforme, un consensus qu'il sait impossible d'atteindre. Un troisième projet a été déposé par le groupe « Unis pour le consensus » et défendu avec éloquence par le Canada, prévoyant l'élargissement du Conseil à 10 nouveaux membres non-permanents, élus pour deux ans, comme c'est actuellement la règle, mais avec la possibilité d'être réélus immédiatement à la fin de leur mandat. Le groupe des quatre refuse toutefois de baisser les bras. « Ne nous considérez pas comme finis », a dit l'ambassadeur du Japon, Kenzo Oshima. Mais plus globalement, il faut tenir compte des contre-feux et aussi de certains silences ; comme cette attitude qui consiste à douter de tous les projets, les juger irréalistes - au nom d'une soi-disant efficacité - mais tout cela, estiment les observateurs, renvoit au statut des cinq permanents actuels (Chine, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Russie) qui refusent de partager le privilège du droit de veto. La démocratisation des rapports internationaux sera toujours un vœu, avec les dérives et autres injustices commises au nom de l'ONU. Ce sera encore et toujours un traitement au cas par cas, mais rarement, dira-t-on, selon les strictes indications de la charte de l'ONU.